"Le mâle dominant, c’est elle" : le pacte inavouable entre Macron et Le Pen pour nommer Barnier à Matignon !s titre
"Le mâle dominant, c’est elle" : le pacte inavouable entre Macron et Le Pen pour nommer Barnier à Matignon
Par Maël Jouan , Hadrien Mathoux et Laurent Valdiguié
Publié le 11/09/2024 à 7:00
Pour nommer Michel Barnier, le chef de l’État a bien dû dealer avec Marine Le Pen. Le voilà pieds et poings liés au RN, premier en nombre
de députés.
Ils se sont vus à trois le 26 août. Ce jour-là, le chef de l’État reçoit Marine Le Pen et Jordan Bardella. «
Le mâle dominant, c’est elle », a confié Macron à ses conseillers après la réunion, façon de reconnaître que celle qu’il a battue deux fois à la présidentielle avait gagné en épaisseur.
Jordan Bardella, après cet entretien, a répété qu’il avait l’impression d’avoir « tenu la chandelle », constatant pour sa part une forme de complicité liant ce vieux couple de la politique. De longue date, le président a ouvert un « canal de discussion » avec Marine Le Pen. En direct et via des intermédiaires. « Demande bien ce qu’elle veut pour ne pas censurer d’entrée…», réclame-t-il à l’un de ses contacts.
VETO SUR LES NOMS PROPOSÉS
Premier retour : Marine Le Pen a ses têtes de Turc. «
Elle a mis un oukasesur Xavier Bertrand », assure une source informée, constatant que latriple candidate à la présidentielle a «tué Bertrand dans l’oeuf». En clair ,alors qu’il discutait avec le patron de la région Hauts-de-France, Emmanuel Macron savait parfaitement que le RN voterait la censure encas de nomination et que, pas plus que Lucie Castets, Xavier Bertrand ne pourrait alunir à Matignon.
Outre le problème personnel que Marine Le Pen a avec lui, les principaux députés RN, Sébastien Chenu, Bruno Bilde et Jean-Philippe Tanguy, sont élus des Hauts-de-France. Ils ont tous eu maille à partir avec Bertrand, et cela fait un stock de ressentiments personnels insurmontables», ajoute un des négociateurs du président. Accessoirement, selon de bonnes sources, Marine Le Pen a mis un veto sur deux autres noms, ceux de Jean-François Copé et d’Éric Dupond-Moretti, qu’elle déteste et qui le lui rendent bien. La présidente du groupe parlementaire RN a fait savoir que leur simple présence dans un gouvernement la contrarierait… «
Même Bertrand, s’il a un ministère, cessera un casus belli», confirme-t-on au RN.
MARINE LE PEN A POSÉ SES CONDITIONS
Un coup de fil a bien eu lieu entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen le mardi 3 septembre en soirée, au cours duquel celle-ci a formulé ses conditions pour ne pas voter la censure immédiate. «
D’abord, arrêter de me traiter de nazie tous les jours», s’emporte la députée du Pas-de-Calais au téléphone, revenant sur l’épisode à l’Assemblée où un député de la majorité avait fait un salut hitlérien en direction de son groupe. Première condition, donc, la respectabilité. Une clause habile dans la perspective de futures élections pour désamorcer par avance le prochain « front républicain » dont aurait à pâtir le RN. «
Ce que Marine Le Pen veut, c’est qu’on la traite correctement», explique un intermédiaire.
Deuxième condition, la proportionnelle. Selon nos informations, le chef de l’État a donné son accord à ce changement du mode de scrutin pour les législatives. Deux promesses en échange d’une non-censure du gouvernement en octobre, à l’ouverture de la session parlementaire et après le discours de politique générale. Restait à trouver un LR qui soit RN-compatible « sans que cela se voie trop », confie une source dans l’entourage du chef de l’État. Le mercredi 4 septembre, en fin de matinée, le nom de Michel Barnier , « cité à toutes les réunions par Kohler » selon un visiteur de l’Élysée, sort du chapeau. Quand son nom fuite, Jean-Philippe Tanguy le traite de « stupide
» et évoque un «fossile» de « Jurassic Park ».
Furax, ce jeudi matin 5 septembre, Macron fait prévenir Marine Le Pen que si «elle ne calme pas Tanguy», il «nomme Bertrand »… Elle tance alors son député sur-le-champ et organise même une visio avec d’autres cadres, pour expliquer que « Barnier est O.K. », signant ainsi le pacte de non-agression avec le président. « Barnier coche toutes les cases, résume un proche de l’Élysée. Même au sein de LR, il est plus digeste que Bertrand. Avec son côté débonnaire, il rassure les électeurs comme le patronat. Avec le go du RN, tous les voyants sont passés au vert pour faire décoller l’avion sans qu’il soit abattu en bout de piste ! »
Mais après l’installation à Matignon ? Le groupe RN ira-t-il jusqu’à voter le budget en novembre ? S’abstiendra-t-il ? « D’ici là, le gouvernement Barnier va présenter un budget s’appuyant sur un programme très à droite, notamment sur la sécurité et l’immigration, et on verra bien », confie un proche du président, persuadé que le calendrier au-delà de novembre « reste incertain mais jouable ». « Si, en matière d’immigration, Barnier fait la même politique que Macron, il sera sanctionné », prévient-on au RN.
VERS L'INÉLIGIBILITÉ EN 2027 ?
Autre donnée favorable, aux yeux de l’Élysée, Marine Le Pen, durant l’automne, n’aura pas les coudées franches. À compter du 30 septembre, et jusqu’au 27 novembre, elle a rendez-vous avec le tribunal correctionnel, soupçonnée de détournement de fonds publics. À ses côtés, des caciques et d’anciens caciques du FN, dont sa soeur Yann, Louis Aliot et Bruno Gollnisch. Vingt-six personnes au total, soupçonnées d’avoir bénéficié d’emplois fictifs payés par le Parlement européen.
Une audience à l’issue incertaine : la triple candidate à la présidentielle risque une peine d'inéligibilité. « Difficile, alors qu’elle bataillera sur les bancs du Palais de Justice, de faire chuter le gouvernement », espère-t-on à l’Élysée, où l’on n’est pas mécontent de ce télescopage des calendriers judiciaires et politiques. « Ces six semaines de procès empêcheront Marine Le Pen de censurer cette année », analyse un poids lourd de la majorité, persuadé « que son objectif stratégique reste de se notabiliser ».
Source : Marianne