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Abroger la réforme des retraites, une mission devenue impossible !

 

 

Proposition phare du NFP, l’abrogation de la réforme des retraites semble hors d’atteinte après la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir. Même si la gauche arrive à Matignon, revenir sur le texte paraît très difficile sans majorité.

La députée Renaissance Yaël Braun-Pivet a été réélue au perchoir de l'Assemblée nationale grâce à une alliance avec les LR, le 18 juillet 2024. Emmanuel Macron ayant déclaré qu'il nommerait un ou une premier ministre en fonction des forces en présence à l'Assemblée, un gouvernement de droite pourrait être nommé et la perspective d'une abrogation de la réforme des retraites s'éloignerait à grands pas.

Tout au long de la campagne de ces législatives anticipées, la mesure a été un marqueur fort : « Nous abrogerons la réforme des retraites dans les quinze jours après notre arrivée au pouvoir », avait promis le Nouveau Front populaire (NFP).

En un temps record, la gauche unie avait même réussi à boucler le financement d’un retour à 62 ans, comme nous l’expliquions dans cet article.

Mais ce jeudi 18 juillet, l’hypothèse de l’abrogation de la réforme des retraites ne semble plus tenir qu’à un fil : la macroniste et présidente sortante de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a été réélue au perchoir avec 220 voix grâce à une alliance avec les LR, tandis que le candidat de l’union de la gauche, André Chassaigne est arrivé deuxième, avec 207 voix. 

Un moment décisif pour la composition du futur gouvernement. L’Elysée, peu après les résultats du second des législatives, avait fait savoir que « conformément à la tradition républicaine, le président de la République attendra la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires ».

Alors que rien n’oblige le chef de l’Etat à choisir un ou une première ministre issue du NFP, arrivé en tête du second tour des législatives, un gouvernement de droite pourrait se dessiner.

Au NFP, certains continuent malgré tout à y croire. Interrogés par Le Monde, Alexis Corbière assure par exemple que « ce n’est pas fichu », Marine Tondelier estime que « la guerre pour Matignon n’est pas perdue », Sandrine Rousseau plaide encore pour « proposer vite un nom pour Matignon ».

Désormais, le choix de la ou du futur·e Premier·e ministre est déterminant. L’union de la gauche doit encore s’entendre pour proposer un·e candidat·e. Deux noms sont pour l’heure évoqués : Huguette Bello, présidente du conseil régional de La Réunion d’une part, Laurence Tubiana, économiste, diplomate et architecte de l’accord de Paris sur le climat d’autre part.

Mais une fois cet obstacle de taille surmonté, un ou une Premier·e ministre de gauche devrait encore affronter nombre d’écueils pour revenir sur l’âge de départ à 64 ans.

1/ Une abrogation impossible par décrets

Dans son programme, le Nouveau Front populaire propose d’abroger la réforme des retraites par décret. Bien que ce point ait suscité de nombreux débats parmi les constitutionnalistes ces dernières semaines, emprunter cette voie apparaît inenvisageable.

Dans la Constitution, on retrouve en effet deux domaines de compétences : ce qui relève du Parlement, donc de la loi et ce qui relève du gouvernement, c’est-à-dire du règlement.

La réforme des retraites étant passée par une loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (LFSSR), celle-ci tombe dans le champ de compétence du Parlement. Or « ce qui a été fait par la loi, ne peut être défait que par une loi », explique Anne-Charlène Bezzina, maîtresse de conférences en droit public.

« Un nouveau décret ne pourrait pas remettre en cause le décret d’application d’une loi, c’est-à-dire les modalités qui font qu’une loi est applicable. Rendre la loi inapplicable par un nouveau décret serait illégal », complète Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

Quelques marges de manœuvre seraient possibles : certains points marginaux de la réforme pourraient être modifiés par décret. Et il serait possible d’agir un peu sur le calendrier d’application. Le retarder, mais dans une moindre mesure.

« Car on ne peut pas suspendre une loi par décret ou refuser d’édicter les règlements d’exécution », indique Geoffroy Herzog, maître de conférences en droit public.

Le Premier ministre a une obligation juridique d’exécuter les lois dans un délai raisonnable. S’il ne le respecte pas, le Conseil d’Etat peut prononcer une injonction à exécuter la loi.

En somme, la voie des décrets ne permettrait pas de revenir sur la retraite à 64 ans.

« Le dispositif, dans son équilibre global, étant assis sur la loi, il ne pourra être totalement abrogé et l’on pourra revenir à zéro avec un nouvel âge de départ, un âge pivot, etc. qu’à partir du moment où une nouvelle loi sera prise, note Anne-Charlène Bezzina. Il n’y a pas de suspens sur cette question. »

2/ Le vote d’une nouvelle loi, compliqué sans majorité

Revenir sur la réforme devrait donc passer par une loi, qu’il s’agisse d’une loi générale ou d’une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS). Mais pour la voter, encore faut-il disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale.

« D’un point de vue strictement arithmétique, au vu de la composition de l’Assemblée, abroger la réforme est tout bonnement impossible aujourd’hui » – Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas

Or, comme l’a encore rappelé l’élection de la présidente de la chambre basse ce 18 juillet, aucun groupe n’y a la majorité. Le Nouveau Front populaire compte un peu plus de 180 députés, cela ne suffirait pas à voter un nouveau texte.

Le soutien d’élus d’autres bords politiques serait nécessaire. Mais comme le rappelle Benjamin Morel, « LR et Renaissance étaient les premiers à soutenir l’allongement de l’âge de départ. Un scénario dans lequel les députés de droite se disent tout à coup que la réforme des retraites est une bonne idée paraît peu probable ».

Ce qui fait dire au constitutionnaliste que « d’un point de vue strictement arithmétique, au vu de la composition de l’Assemblée, abroger la réforme est tout bonnement impossible aujourd’hui ».

3/ Une réaction du Conseil constitutionnel ? Peu crédible

Si ce n’est pas à l’Assemblée, l’abrogation de la réforme pourrait se faire via le Conseil constitutionnel. Ce dernier a en effet le pouvoir de censurer une loi qui est contraire à la Constitution et il peut « délégaliser » un élément qui aurait été « faussement pris » dans le domaine de la loi.

Concrètement, le gouvernement pourrait demander aux sages de la rue de Montpensier de trancher pour « déclasser » la disposition de l’âge légal de départ : l’exécutif jugerait qu’elle aurait été placée par erreur dans la LFSSR et qu’elle aurait dû être prise par acte administratif, donc par décret.

« Mais j’y crois très peu, confie Anne-Charlène Bezzina. Car cette disposition de l’âge, au vu de la Constitution, ne m’apparaît pas "faussement légale". »

Geoffroy Herzog partage les réserves de sa consœur juriste :

« Cela dépend toujours de l’interprétation du Conseil constitutionnel, mais au vu de ses récentes décisions, il est quasiment sûr qu’il ne reviendrait pas sur cette disposition de l’âge. »

4/ L’impopulaire 49.3

Resterait à un gouvernement NFP le passage en force : l’usage de l’article 49.3. C’est-à-dire faire adopter un texte, sans vote par l’Assemblée nationale, comme l’a fait à de multiples reprises le gouvernement macroniste.

Interrogé par France Info, le chef de file du Parti socialiste, Olivier Faure, n’a pas exclu cette hypothèse :

« 80 % des Français étaient hostiles à cette réforme. Je pense que chacun comprendrait que ce qui a été imposé par le 49.3 peut être éventuellement aussi défait par 49.3. »

L’option ne fait pas toutefois pas l’unanimité côté NFP, comme l’illustre la réaction de Sandrine Rousseau, sur BFM TV :

« Le Nouveau Front populaire ne gouvernera pas par 49.3. Nous respecterons l’Assemblée nationale dans sa souveraineté, et dans sa capacité à faire des amendements », a-t-elle assuré.

Légalement, en tout cas, pour une nouvelle loi sur les retraites, « utiliser le 49.3 serait possible, reprend Anne-Charlène Bezzina. Dès lors que l’on est sur un texte financier, ça l’estS’il s’agit d’un texte non financier, on peut aussi y avoir recours mais qu’une seule fois par session, donc il faut bien choisir ».

Cette hypothèse serait malgré tout politiquement risquée pour l’exécutif :

« Il s’exposerait au risque d’une motion de censure de la part de l’opposition. Des Républicains déjà et de Renaissance puisqu’il s’agirait de retoucher à une réforme emblématique du quinquennat Macron », commente Geoffroy Herzog.

Encore faut-il que l’union de la gauche s’accorde pour proposer un·e candidat·e unique pour Matignon et qu’Emmanuel Macron l’accepte. Or, ce dernier a laissé entendre qu’il tiendrait compte des votes pour le perchoir avant de prendre sa décision.

Les macronistes, alliés aux LR, pourtant désavoués dans les urnes, pourraient se retrouver au sein d’un gouvernement. Dans ce cas de figure, nul doute que les retraites ne seront pas la priorité de la droite aux affaires…

Audrey Fisné-Koch - Source : https://www.alternatives-economiques.fr/abroger-reforme-retraites-une-mission-devenue-impossible/00111919


26/07/2024
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"Les services publics permettent de promouvoir un modèle de société solidaire et unitaire", selon Lucie Castets

 

L’attente a duré, mais le Nouveau Front populaire (NFP) a désigné, mardi 23 juillet, sa candidate pour le poste de Première ministre. Après le rejet, faute d’unanimité au sein de la coalition, des noms d’Huguette Bello et de Laurence Tubiana, c’est Lucie Castets que le NFP propose pour Matignon.

Si cette haute fonctionnaire n’était que peu connue du grand public quand son nom a été dévoilé, elle peut se prévaloir d’un engagement en faveur des services publics et de la justice fiscale. Elle a en effet cofondé le collectif Nos services publics en avril 2021. Directrice des finances et des achats à la Ville de Paris depuis moins d’un an, Lucie Castets a précédemment travaillé à la répression de la criminalité financière au ministère des Finances.

Son profil à la fois « techno » et militant peut rassembler au-delà de la gauche, même si elle a déjà exprimé sa volonté de s’en tenir au programme du NFP en désignant ses priorités : abrogation de la réforme des retraites, « grande réforme fiscale », revalorisation des salaires et des minima sociaux, « fin de la régression des services publics ».

Chroniqueuse pour Alternatives Economiques, Lucie Castets nous a accordé, le 12 juillet dernier, un entretien à propos de l’enjeu social et politique de la restauration des services publics – une urgence alors que leur déclin nourrit le vote pour l’extrême droite, comme elle le martèle.

Le sentiment de déclin des services publics est un moteur important du vote en faveur du Rassemblement national (RN)…

Lucie Castets : C’est une certitude. Le vote pour le Rassemblement national, bien qu’il se soit diversifié, demeure un vote émanant pour une grande part des personnes défavorisées. Or les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les catégories populaires souffrent donc particulièrement de leur déclin, devenu criant dans le domaine de la santé durant l’épidémie de Covid-19, mais qui, en réalité, s’aggrave depuis plusieurs décennies.

L’accès aux urgences est ainsi de plus en plus difficile, avec des heures d’attente interminables ; les services médicaux sont souvent inaccessibles en zone rurale ; les conditions d’enseignement se dégradent et l’insuffisance de l’accompagnement individuel a conduit à l’essor des cours privés, soutenus par des niches fiscales, et à l’augmentation des inégalités ; rendre la justice prend de plus en plus de temps, etc.

Le logement au coeur de la crise sociale

 « Les besoins sociaux, les attentes exprimées vis-à-vis des services publics sont croissants »

Or les besoins sociaux, les attentes exprimées vis-à-vis des services publics sont croissants avec, par exemple, le vieillissement de la population, la croissance démographique ou encore l’augmentation du nombre d’élèves obtenant le baccalauréat.

On pointe souvent le fait que, paradoxalement, les niveaux de prélèvements sont élevés dans notre pays. Qu’en pensez-vous ?

  1. C.Cela n’a pas de sens de comparer les niveaux de prélèvements sans considérer ce qu’ils permettent de financer. Un haut niveau de prélèvement traduit une forte socialisation des dépenses. Si l’on cesse de financer collectivement la réponse à un besoin, ce besoin ne disparaît pas, et il doit être financé par des contributions individuelles. Si l’on en déduit les prélèvements liés à notre système de retraite – qui est public contrairement à beaucoup d’autres –, ils ne sont pas si élevés.

De même, bien que notre système de santé fasse de plus en plus de place au privé, le financement demeure essentiellement public. En matière de santé par exemple, aux Etats-Unis, les dépenses publiques sont faibles, mais le citoyen américain paye deux fois plus que le citoyen français, pour une espérance de vie nettement moindre. Le citoyen allemand paye quant à lui 25 % de plus, selon l’OCDE.

« Les moyens des services publics ne sont pas à la hauteur des besoins. La part des fonctionnaires dans l’emploi total a diminué »

Globalement, on observe que les moyens des services publics ne sont pas à la hauteur des besoins. Si le nombre d’agents publics augmente dans l’absolu (mais de manière très hétérogène en fonction des secteurs), en réalité, la part des fonctionnaires dans l’emploi total a diminué, passant de 16,3 % en 2006 à 14,6 % en 2021. Et le manque d’agents publics, en particulier dans certains secteurs comme l’éducation ou la santé, crée des conditions de travail dégradées. On fait alors face à une crise d’attractivité auto-entretenue.

On le voit avec les enseignants, dont le manque est criant et dont tous s’accordent à dire qu’ils ne sont pas suffisamment payés. Alors que les salaires ont augmenté dans le secteur privé, ils stagnent dans la fonction publique. Ainsi, la rémunération moyenne réelle dans la fonction publique a diminué de 0,9 % depuis 2009 quand elle a augmenté de 13,1 % pour les salariés du privé. Cela a un impact direct sur la motivation des agents. D’autant plus que cela reflète la valeur symbolique que leur accorde la société.

« Il est nécessaire de réformer notre système fiscal, afin qu’il soit plus juste »

Face à cela, il est nécessaire de réformer notre système fiscal, afin qu’il soit plus juste. On pourrait par exemple obtenir davantage de recettes en supprimant les niches fiscales et en taxant mieux les revenus du capital, et en conditionnant certaines aides aux entreprises : l’inefficacité de plusieurs d’entre elles a été amplement démontrée.

Quel rôle peuvent jouer les services publics dans la résistance à la montée du RN ?

  1. C.Ils peuvent jouer un rôle majeur si on leur en donne les moyens, notamment pour lutter contre le sentiment de déclassement d’une grande partie de la population. Accueillir les usagers avec des personnels qui prennent le temps de leur parler et sont en mesure de tenir compte de leurs besoins est un bon moyen de lutter contre le sentiment d’exclusion.

« Investir dans les services publics permet de lutter contre la mise en concurrence des populations précaires »

Investir dans les services publics permet également de lutter contre une forme de mise en concurrence des populations précaires, et ainsi d’éviter que certains aient le sentiment d’être privés de l’usage des services publics au bénéfice d’autres publics. Plus largement, les services publics sont un important outil de cohésion sociale. Fondés sur les principes d’accès universel et de non-discrimination, ils permettent de promouvoir un modèle de société solidaire et unitaire.

Comment peut-on les réinvestir ?

  1. C.Il faut tout d’abord arrêter de ne réfléchir aux services publics que sous l’angle des moyens. Il faut partir des besoins, se demander quelles missions on souhaite prendre en charge collectivement, puis, à l’issue d’une concertation démocratique, définir un budget adapté. Cela suppose de s’interroger sur notre vision des services publics, y compris en termes de qualité.

Ainsi, par exemple, chacun, y compris les personnes qui ne savent pas lire ou utiliser les outils numériques, doit pouvoir accéder aux démarches administratives. De même, chacun doit accéder à la justice et pouvoir être soigné dans des délais raisonnables et dans des conditions humaines. Ce n’est pas en éliminant les postes administratifs, comme le propose le RN, que nous y parviendrons, car une telle mesure fera forcément retomber la charge de travail sur les soignants.

Par ailleurs, il est nécessaire de s’interroger sur l’émergence de nouveaux services publics. Par exemple, il faut une réponse publique au traitement du grand âge mieux coordonnée, l’assurance que les Ehpad disposent de financements satisfaisants. Il faut donc penser de nouvelles solutions collectives, de nouveaux services publics, en particulier dans le domaine environnemental et de la transition écologique.

PROPOS RECUEILLIS PAR NAÏRI NAHAPÉTIAN - Alternatives Economiques  - Source  : https://www.alternatives-economiques.fr/lucie-castets-services-publics-permettent-de-promouvoir-un-modele-de/00111905


26/07/2024
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CPNF du 19 juillet 2024 : LA FSU EMPLOI VOTE CONTRE LES ORIENTATIONS FORMATION 2024

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26/07/2024
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Smic à 1 600 euros : qui va payer ?

Une hausse du Smic entraînerait-elle mécaniquement des pertes d’emploi, de compétitivité et de recettes pour l’Etat ? Les études livrent des enseignements beaucoup moins alarmistes.

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C’est l’un des piliers du programme du Nouveau Front populaire (NFP) en matière de pouvoir d’achat : un Smic net à 1 600 euros, soit une hausse de 14,4 %. Les conditions d’indexation sur l’inflation vont conduire à une augmentation automatique de 2 % en août. Il s’agit donc d’un coup de pouce de l’ordre de 12 %.

Les motivations sont claires : avec 1 398,70 euros par mois, difficile d’avoir une vie décente. Surtout lorsque sont prises en compte les dépenses contraintes qui représentent près du tiers de ce que doivent payer les 20 % des ménages les plus pauvres selon l’Insee.

Et encore, « pour les plus démunis d’entre eux, la part du budget contraint, notamment le loyer, est bien plus élevée et, pour certains, ce qui reste à la fin du mois est quasiment nul »précise l’Observatoire des inégalités. Sur le plan social, une hausse s’impose.

 

Il suffit de jeter un œil sur les données Eurostat, en parité de pouvoir d’achat afin d’éliminer les différences liées au niveau des prix, pour s’en convaincre. A l’exception de Malte, la France est, avec le Luxembourg, le pays de l’Union européenne dans lequel le salaire minimum a le moins augmenté au cours des dix dernières années (+ 23 %), bien moins qu’en Belgique (28 %), en Irlande (32,1 %), en Allemagne (39,5 % depuis 2015), sans même parler de l’Espagne (75,7 %).

C’est bien gentil d’être généreux, répondent les économistes libéraux, mais il n’y a pas de repas gratuit en économie. Quels convives vont payer ? Le débat suscité par la mesure a apporté trois réponses : les demandeurs d’emploi, les entreprises, l’Etat. Qui réglera la plus grosse addition ?

Peu d’effets négatifs sur l’emploi

Les premiers perdants de la hausse du Smic seraient toutes celles et ceux à la recherche d’un emploi. Elle détruirait un demi-million d’emplois selon le futur ex-Premier ministre Gabriel Attal« Le Smic à 1 600 euros gèlera des millions de projets d’embauche et nous fera renouer avec le chômage de masse », alerte de son côté le Medef qui, dans un communiqué publié le 8 juillet, qualifie la mesure de « revalorisation brutale ».

Eric Heyer, économiste à l’OFCE, a de son côté évalué la perte d’emplois liée à une augmentation de 12,4 % du Smic à 322 000 emplois. C’est en ne tenant compte que de ce genre de calcul et en « poussant » un peu les chiffres que Gabriel Attal annonce une perte de 500 000 emplois.

Mais l’effet relance de la consommation liée à la hausse du pouvoir d’achat permet de créer 142 000 emplois. Et l’accroissement de la part des salariés au Smic permet aux entreprises de bénéficier de plus d’allègements, ce qui aboutit à la création de 151 000 emplois. L’effet global se traduit donc par une perte de seulement 29 000 emplois.

Néanmoins, l’économiste précise que ses calculs sont réalisés « à législation inchangée ». Or, devant le Medef, l’insoumis et ex-président de la commission des finances à l’Assemblée Eric Coquerel et le député socialiste Boris Vallaud ont bien précisé que les entreprises qui seraient confrontées à ce genre de problèmes seraient aidées.

Qui plus est, les calculs d’Eric Heyer supposent qu’au final, compte tenu des effets de diffusion de la hausse du Smic sur les autres salaires, le coût du travail augmentera pour les entreprises. 

« Notre modèle montre que lorsque le Smic augmente de 10 %, les salaires montent de 1,1 %, précise Eric Heyer. Mais je reconnais que ce chiffre ne fait pas consensus parmi les économistes. »

Effectivement, l’économiste Pierre Concialdi aboutit à une conclusion différente dans une note récente publiée par l’Ires. Après toutes ces années d’allègements de cotisations sociales, la France se singularise en effet par un coût de la main-d’œuvre très faible au niveau du salaire minimum.

« Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, le coût de la main-d’œuvre pour un salarié au salaire minimum est supérieur de plus de 20 % au coût français, et cet écart est d’environ 30 % avec la Belgique, l’Irlande ou l’Allemagne », compare l’économiste.

Ainsi, en prenant l’hypothèse d’une hausse de 15 % du salaire minimum, le premier impact est d’accroître le coût du travail pour les entreprises mais aussi, dans le même temps, avec plus de salariés au Smic, de bénéficier d’une baisse des cotisations patronales.

Contrairement aux résultats cités ci-dessus de l’OFCE, ici le second effet l’emporte sur le premier, « on observe, d’un point de vue macroéconomique, une baisse du coût moyen de la main-d’œuvre », constate Pierre Concialdi. Et le résultat tient bien compte des effets d’entraînement sur les salaires plus élevés de la hausse du Smic.

Certes, un calcul macroéconomique ne signifie pas que ce sera le cas pour toutes les entreprises. Mais des simulations effectuées sur des sociétés de moins de dix salariés montrent que l’impact reste faible.

Les résultats des études empiriques

Selon la synthèse proposée par les économistes Cédric Durand et Léo Malherbe, les études économiques empiriques ne conduisent pas à conclure qu’une hausse du salaire minimum conduit systématiquement à des pertes d’emplois.

Que l’on se situe aux Etats-Unis, en Ontario (Canada) ou dans le canton de Genève, l’introduction d’un Smic ou bien son augmentation conséquente n’ont pas eu d’effets négatifs sur l’emploi.

Les études économiques empiriques ne conduisent pas à conclure qu’une hausse du salaire minimum conduit systématiquement à des pertes d’emplois

Des études régulièrement publiées au Royaume-Uni, en 2016 et en 2019 qui présentent des synthèses pour l’ensemble des pays développés, pointent des impacts très faibles. De fait, les hausses récentes et importantes du salaire minimum entre le second semestre 2018 et le premier semestre 2024 de 36 % en Allemagne, de 54 % en Espagne, n’ont pas eu d’effets négatifs sur l’emploi.

En fait, soulignent Cédric Durand et Léo Malherbe, les hausses du Smic commencent à avoir un effet sur les créations de postes quand le salaire minimum atteint les 81 % du salaire médian – sans que cela corresponde à une règle d’or car il a dépassé ce niveau en Espagne sans effet négatif sur l’emploi. Quoi qu’il en soit, les 1 600 euros resteraient en dessous des 81 % du salaire médian français.

Peu de risque sur la compétitivité

Autre argument massue des opposants à une hausse du salaire minimum : quand bien même les entreprises ne détruiraient pas quantité d’emplois, ce sont elles qui paieront la facture en perdant de la compétitivité du fait de la hausse de leurs coûts. Que ce soit directement, par l’augmentation de la masse salariale, ou bien indirectement, parce qu’elles achèteront des intrants à d’autres entreprises qui auront vu leurs coûts augmenter.

Sur son blog, l’économiste Clément Carbonnier renvoie à une étude du Conseil d’analyse économique qui permet de clarifier cet axiome :

« Pour les 19 secteurs les plus exportateurs, la part des salaires inférieurs à 1,1 Smic est quasi nulle (à la fois en direct et indirect), la part des salaires inférieurs à 1,6 Smic représente environ 3 % des coûts de production en direct et 6 % en indirect. La hausse du Smic ne présente donc pas de risque relatif à la compétitivité internationale de l’industrie française », conclut le chercheur.

Des salariés mieux payés sont moins absents, en meilleure santé et plus productifs. La hausse du Smic sera en partie compensée par des gains de productivité

De plus, ajoutent Cédric Durand et Léo Malherbe, des salariés mieux payés sont moins absents, en meilleure santé et plus productifs. La hausse du salaire minimum sera en partie compensée par des gains de productivité. 

C’est l’Etat qui paye

Mais l’analyse de Pierre Concialdi citée plus haut désigne en creux un autre payeur autour de la table. Car si les entreprises voient finalement leurs coûts diminuer, c’est parce que l’Etat se voit privé de recettes. Réagissant à la note de l’Ires sur le réseau social X, l’économiste Clément Malgouyres commente ainsi :

« Intéressant. Le mécanisme semble être une hausse des allègements de cotisations patronales et donc in fine un manque à gagner pour les administrations publiques non ? »

La réponse est oui. Une perte de recettes que Clément Carbonnier évalue à hauteur de 10 milliards d’euros une fois les évolutions salariales entre 1 et 3,5 Smic prises en compte. Les allègements feraient perdre 21 milliards d’euros – un ordre de grandeur confirmé par l’économiste libéral Stéphane Carcillo – ce qui représente le coût brut de la mesure.

En s’appuyant sur les estimations du Groupe d’experts sur le Smic des effets de diffusion d’une hausse du salaire minimum sur les niveaux supérieurs, la hausse des cotisations salariés (5 milliards), des cotisations employeurs (3 milliards) et le moindre accès à la prime d’activité (économie de 2,5 milliards), soit un coût total de 10,5 milliards en manque à gagner de recettes publiques.

La hausse des salaires provoquera une hausse des recettes de l’impôt sur le revenu et celle du pouvoir d’achat, plus de consommation et donc plus de TVA

Mais le bilan ne s’arrête pas là en matière fiscale. La hausse des salaires provoquera une hausse des recettes de l’impôt sur le revenu et celle du pouvoir d’achat, plus de consommation et donc plus de TVA. Il est donc difficile de proposer une facture globale en ce qui concerne l’impact de la hausse du Smic sur le solde des prélèvements obligatoires mais, de fait, cela coûtera plusieurs milliards.

« Il faut donc réfléchir à dégonfler ces allègements pour redonner des capacités de financement à l’État », répond Clément Carbonnier. Mais alors, le coût pour les entreprises sera-t-il plus élevé ?

« Evidemment il faut faire attention à des hausses de coût très rapides » précise-t-il. Mais « à moyen terme (ou de manière lissée) une hausse du coût du travail n’est pas un problème ».

L’économiste Michael Zemmour abonde :

« Peu d’entreprises peuvent encaisser de gros chocs. Mieux vaut procéder par étapes et prévoir la hausse du Smic sur deux ans par exemple, cela en réduit l’impact sur les entreprises et étale le coût pour les finances publiques. »

En 2023, le total des allègements de cotisations sociales représentait le montant faramineux de 87,9 milliards d’euros. En réduisant cette somme de quelques milliards sur deux ans, la situation resterait largement gérable.

La hausse du Smic prévue par le Nouveau Front populaire est nécessaire socialement. Ses impacts supposément négatifs sur l’emploi, la compétitivité des entreprises et le coût du travail relèvent plus des représentations libérales que de la réalité économique. Parce qu’à la fin, c’est l’Etat qui supporte le coût de la mesure, ce qui plaide pour un étalement de la hausse. Pas pour sa remise en cause.

 

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/smic-a-1-600-euros-va-payer/00111839


18/07/2024
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La MRS, où en est-où?

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12/07/2024
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France Travail engraisse le secteur privé

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12/07/2024
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12/07/2024
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12/07/2024
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Accord Télétravail : Où en sommes nous ?

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12/07/2024
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Bonnes vacances :)

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05/07/2024
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SOCIAL : A-t-on les moyens financiers d’abroger la réforme des retraites ?

Contrairement à ce que répète la majorité présidentielle, revenir sur l’âge de départ à 64 ans est réalisable sans entraîner la banqueroute du système.

Le sujet s’est rapidement invité dans la campagne des législatives. Et pour cause, il est le parfait révélateur des différents projets de société proposés par les trois blocs politiques concurrents.

Sans surprise, l’âge de départ figurait donc en bonne place dans le débat qui opposait Gabriel Attal pour le camp présidentiel, Jordan Bardella pour celui du Rassemblement national (RN) et Manuel Bompard pour celui du Nouveau Front populaire (NFP), le 25 juin sur TF1.

Dans le camp macroniste, le Premier ministre a répété à l’envi que revenir sur la réforme de 2023, qui a allongé l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, conduirait à mettre le système de retraite « en banqueroute » et à baisser drastiquement le montant des pensions.

Gabriel Attal s’est appuyé sur les scénarios du Conseil d’orientation des retraites (COR) pour affirmer que, sans la réforme, le déficit du système serait encore plus important. Sauf qu’il oublie de préciser que le COR ne prévoit pas un dérapage des dépenses, il souligne un manque de recettes. Ce que son adversaire, Manuel Bompard, n’a pas manqué de lui rappeler.

Seul à s’exprimer sur le chiffrage et le calendrier, ce dernier a confirmé qu’une fois le NFP au pouvoir, la réforme serait abrogée dans les 15 jours après le scrutin pour revenir à un âge légal de 62 ans. Il a également rappelé qu’une réflexion serait lancée sur un retour de la retraite à 60 ans.

Le grand flou du RN

Jordan Bardella a, comme à son habitude, cultivé le flou. Il faut dire que début juin, le RN avait annoncé que la retraite à 60 ans, promesse de longue date du parti, n’était plus la priorité. Puis dans son programme, divulgué quelques jours plus tard, il promettait « d’abroger la réforme des retraites de Macron et mettre en place un système de retraites progressif ».

 

Encore faut-il maîtriser les concepts au cœur du système : âge de départ légal (en dessous duquel il est impossible d’ouvrir des droits, ce que ne semblait pas comprendre non plus Gilles Bouleau, le présentateur de TF1) ; nombre d’années de cotisation nécessaire ; retraite à taux plein ; progressivité ; ou encore âge pivot1. Cette dernière idée a été empruntée par Jordan Bardella à Emmanuel Macron, qui souhaitait mettre en œuvre sa retraite à points en 2018.

« Je veux privilégier les Français qui ont commencé à travailler tôt », a déclaré le président du RN. Un travailleur ayant cumulé 40 annuités pourrait ainsi partir à la retraite à 60 ans. Pour les autres, une « progressivité » serait mise en place. Et Jordan Bardella de poursuivre :

« Une personne qui a commencé à travailler à 24 ans, partira à la retraite avec 42 annuités de cotisation, c’est-à-dire 66 ans. [...] Le déficit public record et le déficit budgétaire sans précédent [me conduisent] à faire des choix ».

Contrairement à ce qu’ont pu dire certains commentateurs à propos de ces 66 ans qui seraient « pires que le système actuel de 64 ans », il s’agit là de l’âge de la retraite à taux plein et non pas de l’âge légal de départ.

Dans le système imaginé par le Rassemblement national – qu’il chiffre à 9 milliards d’euros sans en livrer le détail du financement – et que son leader n’a pas su expliquer, il faut sans doute comprendre que l’âge légal (ou âge pivot) serait en fait fixé à 62 ans. Il serait donc possible de partir à cet âge, mais avec une décote si un salarié ne possède pas tous les trimestres nécessaires (à savoir 42, si on n’a pas commencé tôt).

Mais le sujet qui réunit surtout Jordan Bardella et Gabriel Attal concerne les moyens financiers. Chacun dans son registre joue sur l’impossibilité de toucher au système faute de moyens.

Il est encore temps d’abroger

Or, comme nous l’expliquions déjà ici, le financement du système de retraite relève de choix politiques.

Abroger la réforme de 2023, c’est-à-dire revenir à un âge légal de départ à la retraite à 62 ans, réparer les injustices sociales qu’elle induit vis-à-vis de la pénibilité au travail mais aussi des femmes par exemple, tout en veillant au financement du système, est loin d’être un mirage.

Le faire rapidement est d’autant plus pertinent que cela permettrait de ne pas créer trop d’écarts entre les générations et de limiter les coûts.

« Comme la réforme commence à s’appliquer, elle ne rapporte pas grand-chose pour l’instant [la réforme ne commence à générer beaucoup d’économies qu’à partir de 2030, NDLR.]. Ça ne coûterait donc pas grand-chose de l’abroger aujourd’hui », précise Simon Pierre Sangayrac, professeur d’économie à Paris-Dauphine et Science Po, expert à l’institut Jean Jaurès, qui a participé au chiffrage du programme du NFP.

Cela coûterait entre 20 et 22 milliards d’euros, d’après les calculs de Michaël Zemmour, professeur d’économie à l’Université Lyon 2. En s’appuyant sur les simulations du COR, le décalage de l’âge représenterait environ 0,8 point de PIB en 2032, auquel il faudrait ajouter 0,4 point de PIB de déficit puisque la réforme n’a pas fini de s’appliquer.

Augmenter les cotisations

Pour financer cette abrogation, plusieurs options sont possibles. L’un des leviers consisterait à augmenter les cotisations sociales qui financent le système de retraites. Les niveaux de hausse pourraient être discutés, mais même relativement faibles, ils permettraient de remonter le solde.

D’après un chiffrage réalisé par le COR, une hausse du taux de prélèvement de + 0,6 point, étalée sur cinq ans, serait nécessaire pour équilibrer le système de retraite en 2030.

Une option pour équilibrer le système de retraite serait d’augmenter les taux de prélèvement

Taux de prélèvement (en %) dans le scénario de référence du Cor et dans une hypothèse d'équilibre du système de retraites

Le scénario de référence s’appuie sur l’hypothèse d’une fécondité de 1,8 enfant par femme, d’un solde migratoire net de 70 000 personnes par an, d’une croissance annuelle de la productivité horaire du travail de 1,0 % (à partir de 2040) et d’un taux de chômage de 5,0 % (à partir de 2030). 

« Une hausse d’un point de cotisations d’ici 2030 suffirait à équilibrer le système », indique de son côté l’économiste Henri Sterdyniak, dans une note de blog.

Augmenter les cotisations de 0,8 point d’ici à 2027 représenterait 12 milliards de recettes, estimait encore Michaël Zemmour fin 2022, qui a fait le calcul.

Concrètement, cela se traduirait par 14 euros net par mois en 2027 pour une personne au Smic et 28 euros net pour une personne touchant le salaire moyen (2 574 euros en 2022)« en faisant l’hypothèse (extrême) que l’intégralité de la hausse de cotisation est supportée par les salariés et non par les employeurs », soulignait-il. Hypothèse qui pourrait être discutée puisqu’une autre répartition serait envisageable (par exemple une prise en charge par les salariés à hauteur des deux tiers, et par l’employeur d’un tiers).

Dans son programme, le Nouveau Front populaire propose d’augmenter les cotisations sociales des salariés et des employeurs de 0,25 point par an.

« C’est à la fois très faible et en même temps, cela rapporte pas mal de recettes, analyse Michaël Zemmour. En cinq ans, cela finance les deux tiers de l’abrogation de la réforme des retraites à 62 ans. »

Pour compléter le financement du système, il serait possible d’aller chercher d’autres recettes : les cotisations sur l’épargne salariale par exemple.

« L’inclusion de l’épargne salariale rapporterait aux régimes de retraite un flux de cotisations de l’ordre de 3,5 milliards d’euros supplémentaires par an », rappelait l’économiste, dans une note de blog précédemment publiée.

D’autres économistes suggèrent de puiser du côté des complémentaires santé, option à laquelle s’oppose le Medef, voire de l’assurance chômage : Henri Sterdyniak évoque en effet la possibilité de prélever l’équivalent de 0,65 point de PIB dans les excédents de l’Unédic pour financer les retraites.

De son côté, le Nouveau Front populaire propose de trouver de nouvelles recettes fiscales via les revenus du capital : 30 milliards d’euros avec une taxe sur les superprofits (15 milliards) et un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) avec une composante climatique (15 milliards). Avec ces différentes recettes, « l’abrogation de la réforme serait bouclée sans problème », indique encore Michaël Zemmour.

Et la retraite à 60 ans ?

La marche serait plus haute pour financer un retour à la retraite à 60 ans. Mais le NFP ne propose pas d’y revenir immédiatement. « Si c’était tout de suite, cela coûterait très cher et créerait un gros choc par rapport aux âges », poursuit l’économiste.

« C’est un horizon, pas quelque chose qui va se faire à court terme », précise Simon-Pierre Sangayrac.

Il est question « d’organiser une conférence avec les partenaires sociaux pour déterminer collectivement les conditions de retour à l’âge légal à 60 ans et du nombre d’annuités associées avec une prise en compte de la pénibilité et des maladies professionnelles », écrit l’union de la gauche dans son programme.

Depuis la proposition de Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle de 2022, la mesure a évolué. « En termes d’annuités, ce ne serait sans doute plus 40, car cela coûterait 80 milliards d’euros, c’est infaisable », reprend Simon-Pierre Sangayrac.

« Ce qui est réalisable, en revanche, c’est une retraite à 60 ans en discutant du nombre d’années de cotisation (41, 42, 43 ?) et avec la montée en puissance de mesures type clause du grand-père. C’est-à-dire qu’on étalerait dans le temps la baisse de l’âge de départ, de manière à lisser les effets d’une réforme. »

Pour la financer, le NFP envisage une surcotisation sur les hauts salaires et, là encore, une contribution des revenus qui échappent aujourd’hui à la cotisation (dividendes, rachats d’action, intéressement, participation).

Aux détracteurs qui leur reprochent de vouloir « raser gratis » selon les termes de Gabriel Attal, les auteurs du programme du Nouveau Front populaire répondent qu’il est possible d’actionner nombre de leviers pour faire entrer des recettes dans les caisses. Une réflexion qui touche l’ensemble du système de protection sociale et qui ne fait que commencer.

 

05/07/2024


ANALYSE : Smic à 1 600 euros : une mesure crédible qui ne menace pas l’emploi !

1600 €

Face à la proposition de faire passer le salaire minimum à 1 600 euros nets par mois, le gouvernement et le patronat s’alarment. A tort, montrent les économistes Cédric Durand et Léo Malherbe.

Le Nouveau Front populaire (NFP) propose de porter le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) à 1 600 euros net. Cela nécessite de l’augmenter d’un peu plus de 200 euros par rapport à son niveau actuel (1 398,69 €), ce qui correspond à une hausse de 14 %.

Cette mesure a suscité une levée de boucliers immédiate des organisations patronales et de l’actuel gouvernement. Le Premier ministre, Gabriel Attal, a déclaré qu’une telle hausse du salaire minimum conduirait à la destruction d’un demi-million d’emplois et Gérald Darmanin, pourtant ministre de l’Intérieur, s’invite dans le débat en évoquant une mesure « impossible »« démagogique » et qui conduirait le pays à un « drame économique ».

Comment démêler le vrai du faux ? Une hausse du salaire minimum nous mène-t-elle à la ruine ?

S’il est impossible de prévoir à l’avance toutes les conséquences d’une décision de politique économique, nous bénéficions en revanche de moyens qui permettent d’envisager les conséquences probables d’une hausse du salaire minimum.

La littérature en sciences économiques s’est penchée sur le sujet et a produit un nombre important de travaux sur la question, tandis que d’autres pays ont déjà opté pour des mesures similaires.

A partir d’un rapide tour d’horizon de l’état des savoirs et des expériences récentes de hausse du salaire minimum chez nos voisins européens, cet article remet en question l’idée qui imprègne le débat public actuellement en France selon laquelle la hausse du Smic aurait pour conséquence une hausse du chômage.

La proposition du NFP se situe dans une perspective keynésienne : en situation de sous-emploi, une hausse des salaires alimente une hausse de la demande qui stimule la production et l’emploi

Le débat sur le niveau approprié des salaires n’est pas nouveau. Du point de vue théorique, la proposition du NFP se situe dans une perspective keynésienne qui insiste sur le fait qu’en situation de sous-emploi, une hausse des salaires (et particulièrement des bas salaires qui ont une plus forte propension marginale à consommer) alimente une hausse de la demande qui stimule la production et l’emploi (si la demande supplémentaire ne se porte pas dans sa majorité sur des produits importés).

 

La littérature économique rassurante

L’étude la plus célèbre en la matière a été publiée par David Card et lui a permis d’obtenir le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (souvent improprement appelé Prix « Nobel » d’économie).

Dans cette étude, David Card et Alan Krueger montrent que l’augmentation du salaire minimum n’a pas d’effet négatif sur l’emploi. Pour ce faire, ils comparent la situation dans le secteur de la restauration rapide de deux Etats américains aux caractéristiques socio-économiques proches : le New Jersey (où le salaire minimum a augmenté de 18 % en 1992) et la Pennsylvanie (où le salaire minimum est resté stable).

Ils constatent que l’augmentation du salaire minimum n’a pas eu d’effet négatif sur l’emploi dans le New Jersey et même, qu’au contraire, elle a fait baisser le taux de chômage.

D’autres études postérieures ont cherché à évaluer l’effet d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi dans d’autres contextes géographiques, à d’autres périodes et avec des méthodologies différentes.

A titre d’exemple, on peut citer le cas de l’Ontario où la hausse du salaire minimum de 20 % en 2018 s’est accompagnée d’une baisse du taux de chômage, ou encore le cas de l’introduction d’un salaire minimum dans le canton de Genève en 2020 qui n’a pas freiné la baisse du taux de chômage.

D’une manière plus générale, dans un rapport de 2019 à destination du gouvernement britannique, l’économiste américain Arindrajit Dube insiste sur le fait que les recherches les plus récentes menées sur les pays développés concluent que la hausse du salaire minimum n’a pas ou peu d’effet négatif sur l’emploi.

Un homologue espagnol, José Azar, avec des coauteurs, arrivent à une conclusion similaire : d’après leur article, une hausse du salaire minimum a un effet différent en fonction du niveau de concentration du marché du travail. Mais dans tous les cas, l’effet est faible, qu’il soit positif ou négatif.

La littérature s’accorde sur l’idée que la variation du salaire minimum n’a pas ou peu d’effet sur le taux de chômage

La littérature s’accorde donc sur l’idée d’un « near-zero minimum wage employment effect », autrement dit sur le fait que la variation du salaire minimum n’a pas ou peu d’effet sur le taux de chômage.

Effets positifs sur la productivité

La question se pose toutefois de savoir à partir de quel niveau de croissance du salaire minimum peuvent apparaître des effets significativement négatifs sur l’emploi. Dans son rapport, Arindrajit Dube indique que les effets sur l’emploi restent faibles tant que la hausse du salaire minimum ne porte pas ce dernier au-delà de 81 % du salaire médian.

Une des explications principales du fait que la hausse du salaire minimum n’entraîne pas de hausse significative du chômage tient aux effets positifs d’une telle mesure sur la productivité du travail. Une étude de Justin Wolfers et Jan Zilinisky recense les principaux mécanismes à l’œuvre.

En premier lieu, la hausse des salaires réduit partiellement le coût du travail : on observe une baisse des problèmes disciplinaires, de l’absentéisme (et donc des coûts liés au contrôle) ainsi que du taux de rotation de la main-d’œuvre (et donc des coûts d’embauche et de formation des nouveaux travailleurs).

En second lieu, la hausse des salaires génère un surplus de productivité du travail : des salariés mieux payés sont davantage motivés et sont en meilleure santé physique et mentale, ce qui permet d’augmenter la production pour un volume d’heure de travail donné.

Enfin, dans la mesure où la hausse de la productivité d’un travailleur entraîne une hausse de celle de ses collaborateurs, on observe que les effets globaux de la hausse des bas salaires sur la productivité sont plus importants que ceux observés à l’échelle individuelle.

Ce qui ressort des travaux empiriques récents en sciences économiques, c’est qu’une hausse du salaire minimum, même substantielle, n’a pas pour conséquence une hausse du taux de chômageCela s’explique d’une part par la stimulation de la demande domestique et d’autre part par l’amélioration de la productivité du travail.

Les exemples européens encourageants

Augmenter le salaire minimum de 14 % est-il une folie ? La théorie économique issue de la macroéconomie keynésienne tout comme les études empiriques postérieures suggèrent que non. D’ailleurs si tel était le cas, nos voisins allemands et espagnols seraient des fous.

La théorie économique et les études empiriques suggèrent qu’augmenter le salaire minimum de 14 % n’est pas une folie

En Allemagne, le salaire horaire brut minimum a augmenté de 22 % en octobre 2022, passant de 9,82 à 12 euros. Cette évolution favorable du salaire minimum fait suite à une série d’augmentations. Entre le second semestre 2018 et le premier semestre 2024, le salaire minimum brut mensuel pour un temps plein a augmenté de 36 % en Allemagne, contre 18 % en France.

Mais tout cela n’est rien comparé à la hausse de 54 % enregistrée sur la même période en Espagne, sous l’impulsion des mesures prises par la coalition de gauche au pouvoir.

Qu’il s’agisse d’une hausse faible, limitée au taux d’inflation (France), d’une hausse raisonnablement supérieure à l’inflation (Allemagne) ou d’une politique très volontariste de hausse du salaire minimum (Espagne), la période récente nous montre que la hausse du Smic n’a pas d’effet négatif sur l’emploi, bien au contraire.

Même en Allemagne, la situation en matière d’emploi ne s’est pas dégradée alors que le taux de chômage se situait déjà à un niveau très faible avant les hausses du Smic.

La hausse du salaire minimum a des conséquences très concrètes sur les conditions de vie des travailleurs et de leurs familles : c’est un rempart contre la pauvreté et un puissant levier de réduction des inégalités qui bénéficie en particulier aux femmes, surreprésentées dans les bas salaires.

Toutefois, il est légitime en période électorale de se demander si porter le Smic à 1 600 euros mensuel net est faisable sans augmentation significative du taux de chômage. Pour ce faire, nous pouvons calculer le ratio entre le Smic mensuel net et le salaire mensuel net médian.

En France, le salaire mensuel net médian dans le secteur privé s’établissait en 2022 à 2 091 euros d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Comme indiqué précédemment, la littérature considère que des effets négatifs sur l’emploi sont susceptibles d’apparaître quand le salaire minimum est fixé au-delà de 81 % du salaire médian.

Dans le cas français, ce seuil se situerait donc à 1 694 euros net mensuel, soit en dessous des 1 600 euros proposés par le programme du NFP. Ce seuil n’est pas non plus à prendre comme une limite absolue.

Porter le Smic à 1 600 euros ne devrait pas causer sur le plan macroéconomique le désastre annoncé par le gouvernement et par les organisations patronales

Dans le cas de l’Espagne, le ratio entre salaire minimum et salaire médian s’établit à 86,2 %1 et aucune conséquence négative ne se présente à l’horizon en termes d’emploi.

En tout état de cause, porter le Smic à 1 600 euros net ne devrait pas causer sur le plan macroéconomique le désastre annoncé par le gouvernement et par les organisations patronales.

Leurs affirmations, présentées comme des évidences, sont en totale contradiction avec l’état des savoirs en sciences économiques et avec la pratique de la politique économique des dernières années chez nos voisins européens.

 

Cédric Durand est économiste à l’université de Genève et Léo Malherbe, maître de conférences en économie à l’université de Picardie Jules Verne.

 

05/07/2024
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