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Comment conditionner les aides aux entreprises ?

aides aux entreprises 24

Les discussions budgétaires et la multiplication des plans sociaux reposent la question du conditionnement des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises. Plusieurs méthodes sont possibles.

 

Allégera ou allégera pas. Le budget pour 2025 ayant brutalement fini son circuit, plusieurs idées qui se trouvaient dans le texte restent en suspens. C’est le cas entre autres d’une possible diminution des exonérations de cotisation pour les employeurs.

La dernière version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) évoquait en effet une légère baisse des allègements dont bénéficient les entreprises. Une mesure qui devait représenter 1,6 milliard d’euros d’économies.

Nul ne peut assurer que le prochain budget comportera une telle disposition, tant le futur politique est actuellement incertain. Il n’empêche, le PLFSS aura au moins été l’occasion de relancer le débat sur les exonérations de cotisations. Encore plus dans un contexte où des grands groupes, tels que Michelin ou Auchan, annoncent des plans sociaux.

Pour rappel, depuis 30 ans, les pouvoirs publics français ont fait le choix d’alléger le prix du travail au niveau du Smic. La logique était, dans un contexte de chômage autour des 10 % dans les années 1990, d’inciter les employeurs à créer des postes à bas salaires, en réduisant les cotisations patronales.

Mais la situation n’est plus la même, en témoigne le rapport d’Antoine Bozio et Etienne Wasmer, publié début octobre. Les deux économistes y expliquent qu’« en termes de politiques d’exonérations de cotisations sociales, une inflexion est nécessaire » car « le marché du travail s’est amélioré [le taux de chômage s’élève à 7,4 % au troisième trimestre 2024, NDLR.]. Et que l’élasticité de l’emploi est plus faible ». C’est-à-dire que le prix du travail est moins déterminant qu’avant pour créer de l’emploi.

En clair, la question qui se pose désormais est de savoir s’il est encore pertinent de conserver ces aides si coûteuses pour les dépenses publiques – plus de 73 milliards d’euros en 2022 – , pour des résultats décevants.

Deux options s’offrent à nous, résume l’économiste Maxime Combes, coauteur d’un rapport et d’un ouvrage sur les aides publiques aux entreprises : « Supprimer le dispositif ou alors, le conditionner. »

Plus de 73 milliards d’exonérations de cotisations pour les entreprises

Montants et types d'allégements dont bénéficient les entreprises du privé (en milliards d'euros) en 2022
 

Les 73 milliards d’euros d’exonérations de cotisations comprennent des allégements généraux (96 % du total) et des exonérations spécifiques.

Cela ne signifie pas pour autant que la mesure serait impossible, mais au vu de la pression qu’exerce le patronat au sujet du sacro-saint « coût du travail », ce scénario est peu probable à court terme. Qu’en est-il de la conditionnalité ?

Un levier pour impulser des choix politiques

Puisque les allègements de cotisations ont été instaurés dans le but de créer des postes, le premier réflexe pourrait être d’introduire un critère concernant lesdites créations d’emploi. Ou tout du moins, leur maintien sur une certaine période.

Sauf que, cette option, dans la pratique, s’avère très difficile à mettre en œuvre, explique François Ecalle, spécialiste des finances publiques, sur son site Fipeco :

« Obliger les entreprises à au moins maintenir leurs effectifs au même niveau en contrepartie de ces aides est trop facile pour celles qui appartiennent à des branches dynamiques et trop difficile pour celles qui se trouvent dans des branches où l’emploi diminue inévitablement, ce qui est souvent le cas dans l’industrie. »

Définir une période de référence – ce qui est nécessaire pour mettre en place un critère – n’empêcherait pas non plus les firmes de supprimer des emplois. Elle pourrait juste décaler dans le temps la manœuvre, poursuit l’économiste.

Ces complexités, également soulignées par Laurent Cordonnier, professeur à l’université de Lille 1 et chercheur au Clersé, ne signifient pas pour autant que le sujet d’une conditionnalité est clos. Coauteur d’un rapport sur les aides aux entreprises (Ires/CGT), il l’assure : « Les pouvoirs publics pourraient conditionner les exonérations de cotisations à d’autres objectifs. » Reste à savoir lesquels.

« Les aides aux entreprises sont un excellent levier pour les pouvoirs publics d’intervenir en faveur du climat ou de la réduction des inégalités », Maxime Combes, économiste

Pour commencer, le respect de la loi, indique Maximes Combes : « Les branches dont les minima sont sous le Smic ou les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale femme-homme ne devraient pas pouvoir bénéficier des allégements. » Les autres critères pourraient répondre aux grands objectifs sociaux et environnementaux de la nation, ajoute le chercheur :

« Donner des aides à des entreprises dont les conseils d’administration ne sont pas du tout féminisés, ou dont les plans de lutte contre le réchauffement climatique sont à côté de la plaque, c’est problématique. Il est clair que les exonérations de cotisations, et plus largement, les aides aux entreprises, sont un excellent levier pour les pouvoirs publics d’intervenir en faveur du climat ou de la réduction des inégalités. Tout en accompagnant les entreprises dans leur transition. »

Les conditions pourraient par exemple être décidées à l’Assemblée nationale, suggère Laurent Cordonnier : « Les députés devraient prendre le débat à bras-le-corps et définir une batterie d’objectifs sociaux et environnementaux dont les entreprises seraient les vecteurs. »

Ils pourraient aussi être le fruit du dialogue social, propose Christine Erhel, professeure d’économie au Cnam et directrice du centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) : « Une négociation aurait lieu entre les partenaires sociaux à l’échelle interprofessionnelle. »

A ce sujet, les organisations syndicales (CGT, CFDT, FO…) fourmillent déjà d’idées : qualité du travail, recours à la sous-traitance, santé-sécurité au travail… « La conditionnalité des exonérations de cotisations pourrait servir d’outil de dialogue social et nous donner du pouvoir de négociation », soulignait Dominique Corona, de l’Unsa, lors d’un débat organisé par l’Ires, début décembre.

Logique de contrepartie

Et concrètement, comment cette conditionnalité fonctionnerait-elle ?

« Pour ne pas risquer de créer quelque chose d’illisible, les critères devraient être les mêmes pour toutes les entreprises, répond Christine Erhel. Et si conditionner en fixant des seuils semble difficile, une façon de procéder pourrait être de jouer sur les niveaux d’exonérations en cas de dégradation ou d’amélioration de tel ou tel critère », poursuit l’experte.

Laurent Cordonnier a, de son côté, réfléchi à une autre méthode : « Les critères (entre trois et cinq) seraient personnalisés pour chaque entreprise. » Dans cette hypothèse, une agence publique pourrait être créée pour contractualiser les objectifs des grandes entreprises et celles de taille intermédiaire. Des comités de visite, composés d’experts, de parlementaires, des pouvoirs publics, et pourquoi pas, de représentants d’ONG, seraient chargés du suivi des engagements. « Pour les TPE-PME, ce travail serait réalisé par les CSE », précise l’économiste.

Dans un rapport publié en 2021, l’institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) avançait également l’idée d’un « cadre de gouvernance » instaurant des obligations et des engagements mesurables pour les entreprises, des contrôles menés par l’administration ou une autorité indépendante, et des sanctions en cas de non-conformité aux objectifs.

« Demander des contreparties aux entreprises, pour l’argent public qu’on leur octroie, n’est pas scandaleux. On en demande bien aux demandeurs d’emploi », Laurent Cordonnier, économiste

Si les modes opératoires peuvent varier, ce changement de philosophie rééquilibrerait en tout cas les récents choix politiques. Dans un contexte où la logique de workfare est à la mode4« demander des contreparties aux entreprises, pour l’argent public qu’on leur octroie, n’est pas scandaleux, note encore Laurent Cordonnier. On en demande bien aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSA maintenant ».

Quant à savoir si cette conditionnalité ajouterait de la « bureaucratie », comme le craignent les employeurs, « cela risque d’être un peu coûteux, reconnaît le chercheur. Mais quand on fait le ratio entre les dépenses publiques que les aides aux entreprises représentent, et les gains réels, la conditionnalité ne peut pas être pire ».

D’autant que beaucoup de données sont déjà disponibles aujourd’hui, ce qui faciliterait la manœuvre. « On pourrait s’appuyer sur les informations qui concernent le type des contrats de travail, les durées de travail, les salaires, les accidents de travail et les maladies professionnelles, liste Christine Erhel. Il serait donc tout à fait possible de construire un indicateur de suivi de la qualité des emplois. » Il suffit d’en avoir la volonté politique…

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/conditionner-aides-aux-entreprises/00113333


20/12/2024
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Faut-il augmenter le Smic ?

smic

 

Mesure phare du Nouveau Front populaire, la hausse du Smic a fait l’objet de critiques, qu’il faut relativiser. Mais pour redevenir un outil efficace, il doit être couplé à d’autres mesures.

Le retour de l’inflation depuis la crise sanitaire a posé avec une nouvelle acuité la question d’un coup de pouce au salaire minimum. Mais le Smic est-il vraiment le bon instrument pour donner du pouvoir d’achat aux salariés ?

Une première critique formulée à l’encontre d’une hausse du Smic est qu’elle engendrerait de fortes destructions d’emplois : celle-ci stimulerait le pouvoir d’achat des insiders (ceux qui ont gardé leur emploi) au détriment des outsiders (ceux qui ont perdu leur emploi et se retrouvent au chômage).

Pour répondre à cette critique, il faut commencer par rappeler que le Smic, à l’instar des autres salaires, a un statut ambivalent : sa hausse correspond à un choc de demande favorable pour les salariés et à un choc d’offre défavorable pour les chefs d’entreprise, hors effet des exonérations de cotisations.

Peu d’impact sur l’emploi

Dans le contexte actuel, ces deux effets de sens inverse ne se compensent pas. D’un côté, l’aspect « soutien de la demande » se limite aux salariés proches du Smic. Certes, ceux-ci se caractérisent par ce que les économistes appellent une propension marginale à consommer forte : à ce niveau de revenu, une augmentation de salaire ne sera pas épargnée, mais directement réinjectée dans l’économie par le biais d’une consommation accrue.

Le nombre restreint de bénéficiaires de cette hausse du Smic limite cependant ses effets au niveau macroéconomique. Le supplément de revenu lié à un coup de pouce de 1 % du Smic générerait ainsi à lui seul 11 500 emplois la première année.

De l’autre côté, l’aspect « hausse du coût du travail » est fortement destructeur d’emplois en l’absence de mesures d’accompagnement. L’élasticité de l’emploi au coût du travail est en effet décroissante avec le salaire, c’est-à-dire que plus on grimpe dans l’échelle des rémunérations, moins une variation du coût du travail a d’influence sur le niveau d’emploi des entreprises.

L’impact d’une augmentation du Smic étant concentré sur les bas salaires, l’effet sur l’emploi y sera par conséquent important, même si au niveau macroéconomique elle augmenterait peu le coût du travail.

La hausse du coût du travail liée à un coup de pouce de 1 % au niveau du Smic, sans tenir compte des exonérations de cotisations supplémentaires liées à la hausse du Smic et à sa diffusion sur les autres salaires, entraînerait une destruction de 26 000 emplois au cours de la première année.

Selon l’OFCE, une hausse de 1 % du Smic entraînerait une augmentation moyenne des salaires de l’ensemble du secteur marchand de seulement 0,1 %

Les salaires n’étant pas indexés sur le Smic, un coup de pouce ne se répercute donc pas automatiquement sur la grille des salaires. Selon le modèle de l’OFCE, une hausse de 1 % du Smic entraînerait une augmentation moyenne des salaires de l’ensemble du secteur marchand de seulement 0,1 %.

Ainsi, à législation inchangée, une augmentation du Smic accroît mécaniquement le niveau des exonérations sur les salaires situés juste au-dessus du Smic. La baisse du coût du travail liée à ce supplément d’exonération de cotisations permettrait la création de 12 200 emplois la première année.

Au total, au bout d’un an, une hausse de 1 % du Smic aurait pour effet de détruire très peu d’emplois, aux alentours de 2 300, mais dégraderait les finances publiques de près de 1 milliard d’euros (le supplément d’exonérations de cotisations n’étant pas compensé par le surplus de recettes issu de la hausse de la demande).

Le financement de cette mesure par une hausse de la fiscalité ou une baisse de la dépense entraînerait cependant lui-même des pertes d’emplois supplémentaires : selon le mode de financement retenu, les pertes d’emplois seraient, au final, proches de 4 000, soit 0,02 % des salariés du privé.

Pas d’effet «smicardisation»

Seconde critique à l’encontre des hausses du Smic : celles-ci, ne se diffusant pas aux autres salaires, auraient engendré une « smicardisation » de l’économie française, dont le symptôme serait synthétisé par le record historique de la proportion de salariés concernés par le Smic en 2023 (17,3 %).

Cette critique ne passe cependant pas l’épreuve d’une analyse des données statistiques sur longue période, qui révèle au contraire une tendance inverse. Ainsi, à la fin des années 1990, 14,1 % des salariés percevaient une partie de leur rémunération directement basée sur le Smic.

Dix ans plus tard, en 2008, cette proportion avait légèrement diminué à 13,9 %. Une nouvelle décennie plus tard encore, en 2018, elle avait encore baissé, pour atteindre 11,5 %. Et juste avant le début de la période inflationniste, en 2021, la part des salariés au Smic était de 12 %.

Ces chiffres démontrent que, malgré les hausses régulières du Smic et les nombreux dispositifs d’allègements de cotisations ciblés sur les bas salaires mis en place depuis 1993, la proportion de salariés au salaire minimum n’a pas augmenté en France au cours des trois dernières décennies, bien au contraire.

Si la proportion de « smicards » a augmenté, cela est dû au retour de l’inflation et à la non-indexation des salaires sur celle-ci

Si cette proportion a fortement augmenté depuis 2021 pour atteindre plus de 17 % en 2023, cela est dû avant toutes choses au retour de l’inflation et à la non-indexation des salaires sur celle-ci, contrairement au Smic, seul salaire indexé automatiquement sur les prix.

Depuis 2021, les huit hausses du Smic n’ont pas été liées à un coup de pouce, mais à la seule compensation de l’inflation, alors que dans le même temps, l’évolution du salaire mensuel de base (SMB) – le salaire brut sans les primes – a été moins dynamique que celle-ci, engendrant une perte de pouvoir d’achat cumulée de près de 3 points sur la période.

Le Smic a suivi l’inflation, pas les autres salaires

Evolution du Smic, du salaire mensuel de base (SMB) et de l’indice des prix à la consommation (IPC), base 100 = 1er trimestre 2021

Il est cependant plus que probable, comme la Banque de France et l’OFCE l’indiquent dans leurs dernières prévisions, qu’avec la désinflation désormais à l’œuvre, les salaires, contrairement au Smic, augmentent plus rapidement que les prix au cours des prochaines années, engendrant de fait une baisse de cette proportion des salariés concernés par le salaire minimum.

Si une « smicardisation » de l’économie française existe, elle réside dans une concentration de plus en plus forte, au fil du temps, des salariés rémunérés entre 1,2 et 1,5 fois le Smic.

Cela ne poserait pas de problème si ces emplois étaient pourvus par des salariés peu qualifiés. Elle en pose en revanche car ils le sont par des salariés qualifiés, symptôme du déclassement de ceux qui obtiennent des diplômes élevés.

Un outil incomplet

En conséquence, et en raison de l’indexation de nombreuses dépenses fiscales et sociales sur le Smic, chaque revalorisation de celui-ci entraîne une augmentation des dépenses budgétaires de l’Etat, empêchant toute marge de manœuvre budgétaire pour des augmentations discrétionnaires.

La France est le pays de l’Union européenne où la hausse du salaire minimum a été la plus faible au cours de la dernière décennie

D’ailleurs, il est à noter qu’au cours de la dernière décennie, la France est le pays de l’Union européenne où la hausse du salaire minimum a été la plus faible. Pour que le Smic redevienne un instrument efficace d’impulsion d’une dynamique salariale, il serait nécessaire, comme le propose Philippe Askenazy, de limiter l’indexation de ces dépenses à la seule revalorisation automatique du Smic sans prendre en compte les éventuels « coups de pouce ».

Pour renforcer son impact, cette mesure devra s’accompagner d’une revalorisation des minima conventionnels et d’une négociation sur le temps de travail dans les branches professionnelles. 

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/faut-augmenter-smic/00113256


20/12/2024
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La FSU Emploi demande à la DG d'accorder des aides exceptionnelles aux collègues de Mayotte !

secours aux collegues de mayotte

 

Mayotte courrier FSU

 


20/12/2024
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La FSU Emploi vous souhaite de belles fêtes de fin d'année :)

VIDEO BONNES FETES

 

 


20/12/2024
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La mobilisation continue !

la mobilisation continue

 

 


12/12/2024
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La copie du DG à revoir !

Annonce augmentations du DG

 

 

 

 


12/12/2024
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Plans sociaux à Michelin, Auchan, Vencorex… le début d’une tempête pour l’emploi ?

auchan

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les annonces de suppressions de postes se multiplient partout en France, mais elles ne sont que la partie émergée de l'iceberg car un retournement durable du marché de l’emploi est en cours.

2 400 postes supprimés chez Auchan. 1 200 chez Michelin. plus de 600 chez Exxon Mobil (pétrole), 450 chez Vencorex (chimie). La liste des plans sociaux ne cesse de s’allonger ces dernières semaines, si bien que la CGT parle de « saignée industrielle ». La Banque de France, de son côté, estime le nombre de défaillances d’entreprises, cumulé sur douze mois, à 64 650 fin octobre.

Même le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, était forcé de constater début novembre : « Des annonces de fermetures de sites, il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent. Ça va se compter en milliers d’emplois. » Comment est-on arrivé à une telle situation, alors que jusqu’à fin 2022, l’emploi et le chômage affichaient de nombreux voyants au vert ?

Comme souvent en économie, l’explication n’est pas liée qu’à un seul facteur… Le premier remonte à 2020 et la pandémie de Covid-19. Dans l’urgence, l’Etat avait octroyé aux entreprises des aides sans conditionnalité. L’heure était au « quoi qu’il en coûte ». Les firmes pouvaient bénéficier de prêts garantis par l’Etat (PGE), dont le remboursement était décalé dans le temps.

 

« Tout ça a permis à beaucoup d’entreprises de traverser la crise alors qu’en temps normal, un certain nombre d’entre elles auraient fait faillite [Celles que l’on a pu appeler les « entreprises zombies », NDLR], note Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les pouvoirs publics ont mis une cloche sur l’économie pour éviter qu’il y ait un affaissement du tissu productif. Mais probablement, pour certaines, les aides ont été surdimensionnées. »

Quatre ans plus tard, le réveil est difficile pour un certain nombre de sociétés. Elles doivent rembourser les PGE, ce qui crée un effet de rattrapage en matière de défaillances… et de licenciements. Car si, pendant le Covid, « les entreprises ont eu tendance à conserver leurs salariés, même en période de ralentissement de l’activité », complète Xavier Ragot, de l’OFCE, cette « rétention de main-d’œuvre » devient aujourd’hui intenable.

Effet d’aubaine et difficultés sectorielles

A cela s’ajoutent des difficultés auxquelles certains secteurs sont particulièrement exposés : le coût de l’énergie, la concurrence accrue étrangère, la baisse de la consommation… Difficile ici de ne pas citer Michelin ou Auchan.

 

« Mais il y a aussi un effet d’aubaine, note Hélène Cavat, maîtresse de conférences en droit privé à l’Institut du travail de l’université de Strasbourg. Une fois que la vague de suppressions d’emplois est annoncée, on peut d’autant plus facilement s’engouffrer dans la brèche. Comme en 2008, pour certaines entreprises, c’est un peu “l’occasion” de licencier. »

Au fond, c’est ce que dénonce Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT (Confédération générale du travail) au sujet de Michelin. Le groupe « optimise et délocalise ses coûts », dit-elle. Le fabricant du pneu a annoncé la fermeture de deux usines, à Vannes et à Cholet. Mais il affiche dans le même temps 2 milliards d’euros de bénéfices en 2023 et a reversé plus d’1 milliard à ses actionnaires sous forme de dividendes et rachats d’actions. Il a par ailleurs bénéficié de plus de 65 millions d’euros d’aides de l’Etat via le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) depuis 2013, 12 millions d’euros pour le chômage partiel et 42 millions d’euros pour le crédit d’impôt recherche (CIR). Sans compter le plan de soutien automobile de 2020, qui lui a apporté 200 millions d’euros.

Même Michel Barnier, le Premier ministre, a tiqué : « J’ai le souci de savoir ce qu’on a fait dans ces groupes [Michelin et Auchan, NDLR] de l’argent public qu’on leur a donné. Je veux le savoir. Et donc nous allons poser des questions et nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé pour en tirer les leçons. » Une « task force » a été créée pour répondre à ces interrogations.

« La politique patronale ne permet pas de conserver les emplois », Hélène Cavat, maîtresse de conférences en droit privé

Pourtant, la leçon à tirer semble très claire pour Hélène Cavat : la politique de l’offre menée depuis dix ans est un échec. « Une illusion vole en éclat. Celle selon laquelle si on choie les entreprises et que l’on fait en sorte que leur santé économique soit optimale, les salariés seront protégés. La situation montre bien que la politique patronale ne permet pas de conserver les emplois. »

Un rapport, publié en mai par l’institut La Boétie, abondait déjà dans ce sens. Après avoir étudié les comptes de l’Etat, les auteurs montraient à quel point la politique budgétaire a profité aux entreprises. Les subventions et transferts en capital qui leur ont été octroyés représentaient 120 milliards d’euros en 2022, soit trois fois plus qu’en 2000. L’efficacité de ces aides, en revanche, n’a pas vraiment fait ses preuves, comme nous l’évoquions déjà dans cet article.

Droit du travail pro-licenciement

En parallèle de ces aides financières, les dix dernières années ont été marquées par « une destruction méthodique de nombreuses digues qui encadraient la liberté de licencier en France », ajoute Hélène Cavat. Ainsi, si les destructions d’emplois sont si nombreuses aujourd’hui, « c’est aussi que le législateur est responsable, au moins autant que les multinationalescar il a créé un droit sur mesure qui permet au patronat de licencier plus facilement ».

Les exemples sont nombreux. De la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 à la loi travail de 2016 en passant par les ordonnances Macron, « on a assisté à la fois la prolifération d’accords collectifs (types ruptures conventionnelles collectives ou accords de performance collective) qui facilitent les suppressions d’emplois et dégradent les conditions de travail. Et en même temps, à des attaques sur le droit de licenciement pour motif économique ». En d’autres termes, les entreprises ont de moins en moins besoin de justification à fournir pour licencier.

La mauvaise nouvelle, c’est que l’hémorragie ne devrait pas s’arrêter là. Du côté du droit du travail, il est difficile d’imaginer le gouvernement faire marche arrière pour réintroduire des protections qui encadreraient davantage les licenciements.

La responsabilité de l’Etat

Du côté socio-économique, d’autres difficultés vont venir s’ajouter aux remboursements difficiles des PGE. Le ralentissement de la croissance d’abord. Elle ne serait que de 0,8 % l’an prochain, contre 1,1 % en 2024.

« Lorsque la croissance est modeste, les entreprises embauchent moins et ont même du mal à maintenir l’emploi », rappelle ainsi Mathieu Plane.

Les employeurs ne pourront pas, non plus, compter sur la générosité des politiques de l’emploi, comme ce fut le cas ces dernières années. Plusieurs mesures sont encore en discussion dans le cadre du projet de loi de finances 2025, mais les aides versées aux entreprises pour l’embauche des apprentis devraient être revues à la baisse. Or, on sait que ces aides ont largement participé à augmenter le nombre d’apprentis et ont permis de faire grimper le taux d’emploi, non sans susciter d’importants effets d’aubaine du côté des entreprises.

Le marché du travail devrait commencer à être percuté par la montée en charge l’an prochain de la réforme des retraites

Des débats ont aussi lieu au sujet de la réduction des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises. Même si son ampleur, sous la pression du patronat, devrait finalement rester limitée.

Enfin, le marché du travail devrait commencer à être percuté par la montée en charge l’an prochain de la réforme des retraites :

« Allonger l’âge de départ légal implique, par définition, soit que les entreprises maintiennent les seniors en emploi, et donc qu’elles embauchent moins de jeunes ou d’autres catégories pour les remplacer, ajoute Mathieu Plane. Soit qu’elles se débarrassent des seniors, qui basculent vers le chômage. »

Les plans sociaux, partie émergée de l’iceberg

Au final, en prenant en compte tous ces éléments, « il est clair que l’on est face à une situation de retournement du marché du travail », indique l’économiste de l’OFCE. N’en déplaise à la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui ne veut y voir que de simples « tensions ».

Après 7,3 % cette année, l’OFCE prévoit un taux de chômage aux alentours de 8 % pour 2025 et 150 000 destructions d’emploi.

Déjà, les analystes scrutent les premiers indices pour juger de la précision de leurs estimations. Mais les thermomètres à disposition sont imparfaits. Ainsi, les statistiques des défaillances d’entreprise, qui ne concernent par définition que celles en redressement ou liquidation judiciaire, n’intègrent pas les plans sociaux.

La CGT a déjà dénombré 180 plans sociaux. Mais d’autres licenciements, plus modestes, échappent aux radars

Pour combler ce trou dans la raquette, la CGT tente de recenser tous les plans sociaux. Elle en a déjà dénombré 180. Mais là encore, seule la partie émergée de l’iceberg apparaît. D’autres licenciements, plus modestes, échappent aux radars. Plus invisibles encore, des destructions seront liées au non-remplacement de personnes qui partent en retraite. Au total, « il faut bien avoir en tête que ces suppressions vont courir sur des années. Ce n’est que le début », prévient Hélène Cavat, de l’Institut du travail de l’université de Strasbourg.

Un autre indicateur, traditionnellement très scruté, n’est en effet guère encourageant. Il s’agit de l’évolution de l’emploi en intérim, qui joue le rôle d’indicateur conjoncturel avancé des évolutions à venir sur le marché du travail, compte tenu de sa sensibilité au climat économique. Au troisième trimestre 2024, il poursuivait sa baisse pour le septième trimestre consécutif (- 0,9 %). Si l’intérim ne représente qu’entre 2 et 3 % de l’emploi salarié en France, il donne la couleur des mois qui attendent l’Hexagone.

Entre 2015 et 2022, dans un contexte de croissance économique, plusieurs indicateurs de l’emploi et du travail avaient viré au vert en France, comme ailleurs en Europe : plus d’emplois, moins de chômage, plus de recrutements en CDI et à temps plein, une hausse du taux d’activité et du taux d’emploi, des salariés plus mobiles qui hésitaient moins à changer d’employeur pour améliorer leurs conditions de travail…

Ce cercle vertueux pour les salariés risque hélas de devenir vicieux et de contaminer à la fois les personnes qui ont un emploi et celles qui en sont privées : « Ces vagues de licenciement vont instaurer un climat de menace, conclut ainsi Hélène Cavat. Une pression à ne pas changer d’emploi, à ne pas trop revendiquer et à accepter des conditions de travail dégradées. » Voilà qui promet un futur bien noir pour l’emploi comme pour le travail…

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/plans-sociaux-a-michelin-auchan-vencorex-debut-dune-tempete/00113293

 


12/12/2024
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La majorité du Sénat veut croire que France Travail pourra faire plus et mieux avec moins de moyens !

senat

 

Le débat au Sénat sur le budget de la mission Travail et emploi subit les contraintes dues à un calendrier exceptionnel.

Commencée le 3 décembre l'examen de cette partie du PLF 2024 n'a pu être menée à son terme et la suite de l'examen de cette mission devait être à l'ordre du jour du samedi 7 décembre, ce qui s'est avéré impossible suite au vote à l'Assemblée Nationale de la motion de censure. Reprendra-t-il un jour ?

En attendant nous allons nous faire écho du débat en séance plénière du Sénat sur la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Après l'apprentissage (voir Les sénateurs se demandent comment faire des économies sur l'apprentissage sans casser la dynamique), la baisse de 30 % des crédits de trois opérateurs : Centre Inffo, La France s'engage, la Plate-forme de l'inclusion) et les Missions locales (voir Le Sénat dit du bien des Missions locales mais élude les amendements permettant d'éviter la baisse des crédits) nous allons nous intéresser à France Travail (voir Au Sénat des amendements pour conforter les moyens de France Travail et réduire l'externalisation) et à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA (voir Au Sénat, des amendements sur la mission Travail et Emploi demandent de conforter les moyens nécessaires à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA)

 

Ghislaine Sénée, sénatrice écologiste des Yvelines, rapporteure spéciale de la commission des finances

si la subvention pour charges de service public versée à France Travail ne diminue pas, les effectifs de l’établissement public seraient néanmoins amputés de 500 équivalents temps plein (ETP). Certes, le Gouvernement fait valoir que la contribution ainsi demandée au premier opérateur de l’État est modeste, à hauteur de 1 % seulement de son plafond d’emplois. Toutefois, il serait malvenu, de mon point de vue, qu’une diminution de ses effectifs conduise France Travail à externaliser certaines fonctions essentielles, puisque cela coûterait deux fois plus cher.

 

Frédérique Puissat, sénatrice LR de l'Isère, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

notre commission a d’abord considéré que les moyens alloués au service public de l’emploi, et notamment à France Travail, ne devaient pas mettre en péril la mise en œuvre de loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, texte rapporté au Sénat par notre collègue Pascale Gruny.

Nous prenons ainsi acte de la stabilité de la subvention accordée à France Travail, conformément à la trajectoire prévue par la convention tripartite conclue le 30 avril 2024. Toutefois, la diminution de ses effectifs de 500 ETP demandée à l’opérateur ne nous paraît pas prendre en compte les besoins réels induits par loi précitée. C’est pourquoi la commission propose de réduire cet effort à –205 ETP, afin d’amorcer la modération des effectifs de France Travail sans remettre en cause l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ni le renforcement des contrôles de la recherche effective d’emploi. Évitons de soumettre France Travail à des injonctions paradoxales !

 

Solanges Nadille, sénatrice macroniste de Guadeloupe

Les principales mesures de la réforme de l’accompagnement des demandeurs d’emploi doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2025. Il s’agit en particulier de l’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi de France Travail de toutes les personnes éloignées de l’emploi. Nous souscrivons aussi au renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi dans le cadre du contrat d’engagement unifié.

Le PLF 2025 prévoit de maintenir à 1,35 milliard d’euros la subvention de l’État à l’opérateur France Travail, afin de poursuivre le déploiement de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi ; nous soutenons cette disposition.

Néanmoins, dans ce texte, l’opérateur fait face à des injonctions contradictoires. En particulier, la diminution de son plafond d’emplois de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT) nous paraît excessive : elle risque de compromettre l’application des nombreuses réformes adoptées ces dernières années. Nous soutenons donc l’amendement de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales visant à limiter cette diminution à 205 ETPT.

 

Guylène Pantel, sénatrice RDSE de Lozère

la diminution du plafond d’emplois de France Travail proposée par le Gouvernement dans le présent PLF nous paraît injustifiable, tout comme à de nombreux collègues, surtout au moment où l’opérateur public doit se saisir pleinement des compétences que le législateur a souhaité lui assigner dans la loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023.

Cathy Apourceau-Poly, sénatrice communiste du Pas-de-Calais

Les mêmes qui ont imposé des conditions draconiennes aux travailleurs et aux allocataires du RSA pour qu’ils puissent bénéficier de leurs droits estiment qu’il serait inconcevable que les entreprises s’engagent à mieux rémunérer leurs salariés, à respecter l’égalité salariale ou à mieux prendre en considération l’environnement en contrepartie des milliards distribués chaque année.

 

Raymonde Poncet-Monge, sénatrice écologiste du Rhône

Ces mesures vont surtout à rebours de la loi Plein Emploi : la stagnation des crédits alloués à France Travail et les difficultés des structures d’insertion conduisent à un véritable sabordage des maigres promesses de ladite loi.

Alors que le rapport de la mission de préfiguration de France Travail faisait état d’un besoin de financement de 2,7 milliards d’euros d’ici à 2026 et que le directeur de l’agence chiffrait à plusieurs centaines le nombre d’emplois à créer pour mettre en œuvre les différentes actions d’accueil et d’accompagnement des nouveaux allocataires du RSA, le Gouvernement supprime à l’aveugle 500 postes, mesure insuffisamment corrigée par la commission des affaires sociales du Sénat.

En réalité, le Gouvernement condamne sa propre réforme à l’échec et renvoie les dépenses sur les départements, dont il contraint par ailleurs le budget. Il ne peut ignorer que cette politique dopera l’externalisation des missions publiques vers des opérateurs privés de placement, dont l’efficacité est moindre pour un coût deux fois plus élevé.

 

Monique Lubin, sénatrice PS des Landes

Le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » nous interpelle notamment en ce qui concerne le sort qui y est réservé à France Travail.

Pour mémoire, la loi pour le plein emploi réforme l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, en prévoyant notamment leur inscription automatique à France Travail. Cela représente une importante charge de travail supplémentaire.

Lors de l’examen du projet de loi, les acteurs de terrain, notamment les associations, ont fait part de leur très forte inquiétude. Ainsi, ATD Quart Monde s’inquiétait : « La gouvernance envisagée pour France Travail entend centraliser la gestion des parcours des allocataires du RSA entre les mains de l’opérateur national France Travail, au risque de déposséder les acteurs locaux (missions locales, départements, travailleurs sociaux…) de leur savoir-faire et de leurs moyens d’action et d’évaluation. »

Pour faire face à ces nouvelles missions, la loi de finances pour 2024 a prévu la création de 300 postes supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2025 en supprime aujourd’hui 500, suppression justifiée par une baisse du chômage en 2024. Cette annonce va de pair avec une réduction de 588 millions d’euros du budget de France Travail. Dans les faits, il est mathématiquement impossible de répondre à la demande sans augmenter de façon importante les portefeuilles des agents.

L’étude publiée en 2024 par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et intitulée Santé mentale et expérience subjective du chômage met en avant une forme d’industrialisation de la relation de service proposée par Pôle emploi aux demandeurs d’emploi. La conclusion des chercheurs est sans équivoque : « la présente recherche met en exergue les atteintes psychiques provoquées par la confrontation à Pôle emploi. »

Vu ses nouvelles missions, le service public de l’emploi ne peut de toute évidence pas se permettre une diminution de ses moyens humains et financiers.

Dans ce contexte, la sous-traitance par le Gouvernement des tâches de France Travail, récemment mise en avant par Mediacités, est une forme d’inadmissible cerise sur le gâteau : entre 2018 et 2023, Pôle emploi a dramatiquement augmenté son recours à la sous-traitance pour l’exercice de ses missions d’accompagnement. De 250 millions d’euros en 2018, le budget de cette sous-traitance est passé à 550 millions d’euros en 2022, puis à 650 millions d’euros en 2023. « Avec France Travail, une nouvelle externalisation massive est prévue. Un accompagnement dédié à la reprise rapide d’emploi va être sous-traité à des opérateurs privés. »

C’est le parcours dit de reprise rapide d’emploi qui est en cause. Il devrait concerner de 700 000 à 900 000 privés d’emploi chaque année et aura un coût de 448 euros par usager !

Par ailleurs et en tout état de cause, la baisse du chômage dont les concepteurs de ce budget se prévalent pour justifier la baisse des moyens de France Travail est un argument inaudible. Dans une note du mois d’octobre 2024, l’OFCE prévoit ainsi que le chômage progresse d’au moins 0,5 point pour atteindre 8 % à la fin de l’année 2025. Ce sont 143 000 emplois qui devraient être détruits au cours de cette période.

 

Jean-Luc Brault, sénateur Les Indépendants du Loir-et-Cher

France Travail aura 500 ETP de moins, soit 1 % – j’ai bien dit : « 1 % » – de ses effectifs. Cette diminution devra être justement calibrée pour ne pas réduire l’efficacité de la loi pour le plein emploi, que le groupe Les Indépendants a unanimement soutenue et qui sera pleinement mise en œuvre l’année prochaine.

 

Marie-Do Aeschlimann, sénatrice LR des Hauts-de-Seine

En ce qui concerne l’insertion professionnelle, le grand enjeu de 2025 sera la mise en œuvre de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Dès l’année prochaine, le contrat d’engagement doit être mis en œuvre pour toutes les personnes privées d’emploi, dont les bénéficiaires du RSA, dans tous les territoires.

Les financements prévus en 2024 pour les départements et pour la subvention destinée à France Travail sont maintenus dans ce PLF. En revanche, concernant le plafond d’emplois de France Travail, il convient de ne pas placer l’opérateur dans une situation paradoxale en lui demandant de mettre en œuvre des mesures ambitieuses tout en lui retirant les moyens humains de le faire.

Ainsi que l’a indiqué la rapporteure pour avis, la baisse des effectifs proposée dans le texte initial risque de remettre en cause certaines réformes structurelles du marché du travail. Or, dans un objectif d’efficience de la dépense publique, il ne paraît pas souhaitable de compromettre la mise en œuvre du renforcement des contrôles de la recherche effective d’emploi, ni celle de la lutte contre les comportements abusifs, ni celle de l’accompagnement de 200 000 bénéficiaires du RSA en application de la loi pour le plein emploi.

 

Brigitte Dévesa, sénatrice centriste des Bouches-du-Rhône

Concernant France Travail, ensuite, nous constatons là aussi une baisse des moyens alloués à cette structure via la diminution des crédits aux opérateurs. Pour autant, les moyens mobilisés demeurent nettement supérieurs à ceux d’avant la crise sanitaire, et la subvention pour charges de service public, elle, est préservée. Ce choix témoigne de la volonté du Gouvernement, qui doit être saluée, de recentrer les efforts sur l’efficacité et la qualité de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Je dois avouer que la démonstration gouvernementale est à cet égard tout à fait audible.

Les 500 équivalents temps plein qui seront supprimés en 2025 constituent un ajustement budgétaire significatif. Je soutiens, comme la commission des affaires sociales, que la rationalisation des effectifs est compréhensible dans un contexte de maîtrise des finances publiques.

Néanmoins, il est essentiel que cette réduction soit soigneusement calibrée pour ne pas compromettre l’application de réformes structurelles telles que le contrat d’engagement unifié, la généralisation du dispositif Avenir Pro ou le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et des jeunes en contrat d’engagement jeune (CEJ). De la même façon, la prospection des entreprises ne doit pas être mise en péril par une diminution aveugle des ressources humaines.

Dans cet esprit, l’amendement visant à limiter la réduction à 205 postes est un compromis qui peut être jugé responsable. Le débat que nous aurons sur ce sujet sera éclairant : il y a une voie possible entre exigence budgétaire et ambition du plein emploi.

J’appelle votre attention sur un autre équilibre et une autre exigence : l’équilibre de la sous-traitance et l’exigence du service public.

Les externalisations massives qui sont au cœur de la stratégie de France Travail, et dont le coût est parfois très élevé, doivent être répertoriées, analysées et, dans certains cas, lorsque cela se justifie, écartées.

 

Pascale Gruny, sénatrice LR de l'Aisne

Je souhaite tout d’abord évoquer l’application effective de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, dont j’étais rapporteur au Sénat, et qui doit entrer en vigueur – enfin ! – au 1er janvier 2025. J’ai beaucoup regretté que le gouvernement d’alors ne nous ait pas informés des montants de financement nécessaires ; ce n’est pas faute de les avoir réclamés !

Je partage les craintes de la rapporteure pour avis Frédérique Puissat quant au maintien à 1,35 milliard d’euros en 2025 de la subvention de l’État à l’opérateur France Travail, s’agissant de mettre pleinement en œuvre l’ambition de cette loi.

Ces crédits devraient toutefois permettre de concrétiser des mesures soutenues depuis longtemps au Sénat, comme le renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi dans le cadre du contrat d’engagement unifié, les quinze heures d’activité exigées en contrepartie du RSA, ou encore la lutte contre les comportements abusifs.

Je salue également l’adoption en commission des affaires sociales de l’amendement de la rapporteure pour avis visant à augmenter le plafond d’emplois demandé pour France Travail. En effet, la contraction prévue dans la version initiale du PLF aurait risqué de mettre en péril des mesures importantes, comme la généralisation du dispositif Avenir Pro, qui permet enfin au réseau pour l’emploi de « sortir de ses murs » et de nouer un contact privilégié avec les entreprises.

Cet amendement est également indispensable pour tenir l’objectif d’accompagnement de 200 000 bénéficiaires du RSA.

L’Aisne a fait partie des dix-huit départements pilotes qui ont été les premiers à expérimenter un accompagnement rénové du RSA. Trois bénéficiaires sur dix ayant pu accéder à un emploi dans les six premiers mois suivant leur entrée dans le parcours, et deux bénéficiaires sur trois ayant été orientés vers des parcours professionnels ou socioprofessionnels, on peut dire que cette expérimentation est un succès : à la clef, un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA et davantage de solutions d’insertion pour favoriser leur retour à l’emploi.

 

Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi.

Les syndicats de France Travail, se mobilisant, ont beaucoup insisté sur la perte de 500 ETP. Or celle-ci représente – cela a été dit – moins de 1 % des effectifs de l’opérateur, lesquels ont connu une hausse de 10 %, soit 5 000 agents, entre 2019 et 2024.

L’arbre ne doit pas cacher la forêt : France Travail disposera bien des moyens nécessaires pour assurer les missions que lui assigne la loi du 18 décembre 2023.

Il est ainsi proposé de maintenir stable, en 2025, la subvention pour charges de service public que l’État verse à France Travail, à hauteur de 1,35 milliard d’euros, conformément d’ailleurs aux engagements que l’État avait pris auprès de l’Unédic il y a quelques mois. Cet important effort financier de l’État est conforté par la hausse mécanique de la contribution de l’Unédic à France Travail en 2025.

Ces moyens, qui sont également confortés par des efforts d’efficience et par des redéploiements, permettront de poursuivre la réforme pour le plein emploi.

Le 1er janvier est à cet égard une étape importante. C’est la date à laquelle tous les nouveaux bénéficiaires du RSA, tous les flux entrants et tous les nouveaux jeunes accueillis en mission locale[NON, seulement les jeunes engagés dans une démarche vers l'emploi] seront inscrits comme demandeurs d’emploi, orientés, reçus et accompagnés de manière harmonisée, cohérente, mais aussi plus réactive et efficace, par l’opérateur le plus adapté.

Mon ministère et ses opérateurs, mais aussi les départements, sont fortement mobilisés sur les nombreux chantiers de mise en œuvre de la réforme. J’ai rencontré au mois de novembre le président de l’Assemblée des départements de France pour évoquer précisément cette question.

Ce qui est en train d’être mis en place est très prometteur, comme le montre un premier bilan des expérimentations relatives à l’accompagnement rénové des allocataires du RSA : dans les dix-huit premiers départements pilotes, 42 % des personnes ne dépendent plus du RSA douze mois après leur entrée dans le parcours d’accompagnement. [les données auxquelles la Ministre fait référence sont la somme de deux mouvements contraires, ajoutant aux "sorties positives" les radiations]

Je travaille étroitement avec Départements de France : nous partageons la volonté que soit maintenu en 2025 l’important soutien de l’État à ces départements précurseurs. C’est en effet grâce à ces derniers que nous avons pu lancer ces expérimentations, qui sont en passe d’être généralisées.

D’une manière générale, nous sommes également d’accord avec les départements pour préserver les dynamiques existantes, en maintenant la qualité des modalités actuelles d’accompagnement plutôt qu’en dispersant nos moyens.

Ce sont nos nouvelles instances stratégiques dans les territoires – dans la Somme, dans le Gard et ailleurs – qui établissent des diagnostics de l’emploi et s’emparent des nouveaux outils et indicateurs.

Telle est la démarche de France Travail Pro – cela a été rappelé –, qui permet d’ores et déjà de toucher davantage d’entreprises. Je rappelle que 25 % seulement des entreprises de notre pays font appel à France Travail pour leurs recrutements.

De façon tout aussi concrète, France Travail développe de manière beaucoup plus systématique l’immersion, les formations pré-embauche, les méthodes alternatives et les recrutements en situation, qui ont fait leurs preuves.

Il s’agit, enfin, de la généralisation d’Avenir Pro dans les lycées professionnels dès la rentrée de septembre 2025. Les expérimentations qui ont été menées ont débouché sur une insertion professionnelle plus réussie des titulaires de CAP et de bac pro via des entretiens menés lors de leur dernière année scolaire, soit au collège soit au lycée.

 

Amendement n° II-1079 rectifié

Corinne Féret, sénatrice PS du Calvados

Par cet amendement, nous proposons de doter France Travail des moyens nécessaires à la concrétisation de l’ambition affichée lors de la réforme du service public de l’emploi, c’est-à-dire à la mise en œuvre d’un accompagnement renforcé et de qualité pour tous les demandeurs d’emploi, en particulier les plus vulnérables, notamment celles et ceux qui se trouvent en situation de handicap.

Dans son rapport de préfiguration, le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises estimait le besoin de financement dans une fourchette comprise entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros sur la période 2024-2026. Or les mesures budgétaires prévues dans ce PLF pour 2025 sont largement en deçà de cette estimation. Je rappelle, notamment, votre volonté de supprimer 500 emplois à France Travail.

Amendement n° II-1077

Monique Lubin

Cet amendement, auquel je tiens particulièrement, vise à mettre un terme à la dégradation du service public de l’emploi causée par l’externalisation de l’accompagnement et de l’insertion des personnes privées d’emploi.

S’appuyant sur une enquête de Mediacités, un journal titrait, le 3 septembre 2024 : « France Travail : plus de sous-traitance et moins de service public ». Je cite l’article : « Entre 2018 et 2023, Pôle emploi a fait exploser le recours à la sous-traitance pour ses missions d’accompagnement. De 250 millions d’euros de budget en 2018, celui-ci est passé à 550 millions d’euros en 2022, puis à 650 millions d’euros en 2023. Avec France Travail, une nouvelle externalisation massive est prévue. Un accompagnement dédié à la reprise rapide d’emploi va être sous-traité à des opérateurs privés. »

Le recours à des prestataires privés représente un coût considérable pour l’opérateur du service public de l’emploi : près des deux tiers du budget dédié à la sous-traitance, soit 1,6 milliard d’euros, sont allés aux prestations d’« accompagnement insertion » des personnes privées d’emploi sur la période 2019-2023.

Des sociétés privées, souvent filiales de grands groupes d’intérim, voient leur chiffre d’affaires augmenter de plusieurs centaines de millions d’euros grâce à des financements publics. Ces montants proviennent en grande partie des cotisations des assurés sociaux, qui financent à 80 % le budget de France Travail via la ponction sur l’Unédic décidée par l’État. Par exemple, une enquête de la CGT Chômeurs, relayée en juin 2024, révélait que la société Activ’Projet avait perçu 256 millions d’euros dans le cadre d’appels d’offres. Je pourrais continuer longtemps : de tels exemples sont légion.

C’est particulièrement grave ! Nous supprimons 500 emplois à France Travail, nous avons le souci de l’argent public, mais, en parallèle, nous finançons des entreprises privées dont les résultats laissent souvent à désirer, comme l’attestent les expériences de terrain. J’aimerais donc, madame la ministre, que vous regardiez tout cela de très près.

Raymonde Poncet-Monge

Alors même que le rapport de préfiguration de France Travail estimait les besoins de financement de l’établissement à 2,7 milliards d’euros de financements cumulés jusqu’en 2026, le présent projet de budget gèle les moyens de l’agence et entérine la suppression de 205 postes, après les modifications insuffisantes apportées en commission.

Pourtant, lors de son audition en commission des affaires sociales, le directeur de France Travail a présenté un plan, indiquant qu’il estimait nécessaire la création de plusieurs centaines d’emplois pour accompagner les 160 000 nouveaux allocataires du RSA.

Or, si ces ETP ne lui sont pas attribués, au lieu que France Travail et les départements contribuent également, selon un partage équilibré, à l’accueil et à l’accompagnement des bénéficiaires, une part croissante de la mise en œuvre de la réforme risque de retomber à la charge des départements, déjà fortement et négativement affectés par les mesures du présent PLF.

Le budget de cette mission va donc à contre-courant des besoins de l’agence comme des enseignements de l’expérimentation ; il condamne ainsi les maigres effets positifs de la réforme du RSA, lesquels dépendent de l’accompagnement personnalisé et rapproché des bénéficiaires, ainsi que de la coordination des acteurs.

À moins, comme cela vient d’être observé, qu’il s’agisse d’organiser l’externalisation massive de l’accompagnement des allocataires du RSA par le recours aux opérateurs privés de placement ? Pourtant, l’efficacité de ces derniers est moindre – madame la ministre, vous qui aimez la science, je peux vous communiquer des études qui le prouvent – et, surtout, un poste externalisé coûte deux fois plus cher qu’un poste équivalent à France Travail, 100 000 euros contre 50 000 euros.

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à augmenter modestement les dotations de France Travail en alignant les crédits alloués sur les besoins tels qu’évalués lors de la préfiguration de la réforme ; ainsi seulement l’agence pourra-t-elle supporter les coûts budgétaires et humains de la généralisation à venir de la réforme du RSA.

 

Amendement n° II-987

Audrey Belim, sénatrice PS de la Réunion

Cet amendement a trait à un enjeu crucial : le maintien des effectifs de France Travail, dont la réduction de 500 ETP compromettrait gravement notre politique de l’emploi.

Les chiffres sont éloquents : alors que notre pays fait face à une croissance des défaillances d’entreprises et des plans sociaux, on envisage de réduire les moyens de notre service public de l’emploi. Cette logique nous échappe.

Le benchmark international est sans appel : la France dispose déjà de 2,5 fois moins d’agents par demandeur d’emploi que l’Allemagne. Nous proposons non pas d’augmenter nos capacités actuelles, mais simplement de les maintenir, pour faire face notamment à la nouvelle hausse du chômage et aux prochains plans sociaux prédits par le ministre de l’industrie lui-même.

Cette problématique est particulièrement criante dans les territoires ultramarins. À La Réunion, le taux de chômage atteint 16,8 %, contre une moyenne nationale de 7,3 %. Chez les jeunes, ce taux grimpe à 32 %. Dans ce contexte, réduire les effectifs de France Travail relèverait d’une décision incompréhensible.

La diminution des effectifs, alors que le soutien à d’autres structures, comme les missions locales, est également en baisse, et alors que la réforme du RSA va engendrer un afflux d’inscriptions supplémentaires obligatoires à La Réunion, est inconcevable.

Cet amendement vise donc à redéployer 25 millions d’euros de crédits pour préserver ces emplois, garantir un accompagnement de qualité et maintenir les ambitions de la loi pour le plein emploi.

 

Amendement n° II-839

Raymonde Poncet-Monge

Le rapport d’évaluation des expérimentations de la réforme du RSA contient certes des appréciations encourageantes : ainsi, l’accompagnement renforcé et personnalisé a des effets positifs sur la situation des bénéficiaires, ce qui n’est pas le cas des sanctions, je le précise. Mais de tels effets bénéfiques passent nécessairement par la diminution du portefeuille des accompagnateurs et par une augmentation à due concurrence du personnel ainsi que des moyens alloués à France Travail comme aux départements.

Or cette nécessité de faire baisser la taille des portefeuilles et de recruter en conséquence n’est pas du tout prise en compte dans le présent budget ! Les moyens financiers et humains alloués à France Travail pour 2025 ne sont pas à même de lui permettre de mener à bien la réforme du RSA.

Quant aux départements, dont l’engagement est requis sur la moitié des nouveaux objectifs d’accompagnement des allocataires du RSA, leur situation est dégradée par le budget pour 2025.

Alors que le rapport d’évaluation des expérimentations faisait état de difficultés de recrutement du personnel, alors que les portefeuilles des agents de France Travail sont d’ores et déjà surdimensionnés, alors que le directeur de l’agence lui-même demande la création de centaines de postes supplémentaires, France Travail perd 205 ETP.

Dans ces conditions, les nouveaux objectifs pour 2025 semblent inatteignables, à moins d’une dégradation des actions qui risque de peser très négativement sur les personnes accompagnées.

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à reporter d’un an l’application de la feuille de route de cette réforme que vous ne pouvez pas financer, afin de mieux préparer les territoires et l’agence au futur accompagnement renforcé des allocataires.

 

Emmanuel Capus, sénateur Les Indépendants du Maine-et-Loirerapporteur spécial

J’entends évidemment les inquiétudes de mes collègues, mais les financements versés à France Travail via la mission augmentent en réalité significativement par rapport à 2024 : la subvention pour charges de services publics budgétée sur le programme 102 est orientée à la hausse – 1,35 milliard d’euros, soit 100 millions d’euros de plus par rapport à 2024 –, de même que les transferts en provenance des programmes 102 et 103, qui s’établissent à 2,65 milliards d’euros pour 2025.

Les crédits alloués par l’État à France Travail connaîtraient donc une hausse de 15,2 % entre la loi de finances initiale pour 2024 et le présent projet de loi.

Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

À ces 1,35 milliard d’euros des crédits de l’État, stables par rapport à l’année dernière, s’ajoutent 5 milliards d’euros de crédits de financement de l’Unédic. Comment parler, dans ces conditions, d’une paupérisation de France Travail ? Quant à la baisse de 1 % du nombre d’ETP, elle représente un cinquième de la hausse du plafond d’emplois enregistrée depuis 2019. L’opérateur France Travail a déjà identifié plusieurs marges de manœuvre correspondant à des gains d’efficience possibles dans le cadre de redéploiements internes.

J’entends également, mesdames les sénatrices, votre appel à la vigilance pour ce qui est de l’externalisation. Je souligne néanmoins que le service public de l’emploi compte aujourd’hui 25 000 conseillers. Plus encore, afin de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, France Travail a bénéficié de 5 000 ETP supplémentaires depuis 2019 : on est vraiment loin d’une externalisation de l’accompagnement…

Raymonde Poncet-Monge

Vous ne voulez pas consentir à l’augmentation des ETP de France Travail ; dont acte, madame la ministre.

Mais, quand le directeur général de l’établissement demande la création de 837 emplois pour accompagner 160 000 nouveaux allocataires, il intègre bien dans son calcul le plan de performance et les redéploiements internes ; il tient même compte des fameux 700 postes liés au covid. Quand il demande la création de 837 emplois, disais-je, il s’agit donc bien de créations nettes des gains de performance que vous évoquez.

L’accompagnement de 160 000 allocataires supplémentaires « consomme » ainsi 1 600 postes, selon le chiffrage du directeur général de France Travail lui-même, qui souhaite de surcroît doubler la prospection auprès des entreprises. Or, pour prospecter cent entreprises, il faut entre six et sept ETP…

M. Thibaut Guilluy souhaite aussi améliorer l’accompagnement des jeunes lycéens professionnels dans les quatre premiers mois après l’obtention de leur diplôme. Il demande par ailleurs que l’établissement qu’il dirige soit doté des ETP dont il a besoin pour exercer ses missions de contrôle, ces missions qui vous sont si chères, madame la ministre ! À défaut de moyens, peut-être faut-il se résoudre à lui demander de ne plus contrôler que tous les nouveaux allocataires cherchent bien activement un emploi ?…

Tout cela, vous le savez !

Le directeur de France Travail s’est plié à l’austérité et, sous son autorité, des gains d’efficience ont déjà été réalisés : quand il vous demande 800 emplois supplémentaires, il en tient compte dans son calcul.

La totalité des amendements sera rejetée et le débat ajourné ? Jusque quand ?.

 
 
Source : https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2024/12/09/la-majorite-du-senat-veut-croire-que-france-travail-pourra-faire-plus-et-mieux-avec-moins-de-moyens?

12/12/2024
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Résultats de la grève : Uni.es nous sommes toujours plus fort.es

Copie de Grève 05 décembre

 

 


12/12/2024
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NAO 2024 : la déclaration de la FSU Emploi

NAO 24 decla de la FSU emploi

 

 


12/12/2024
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Titres-restaurant : finalement, on ne pourra plus les utiliser au supermarché en 2025 !

TR-1

La censure du gouvernement a eu deux conséquences : la démission de Michel Barnier et la suspension d'une partie des travaux du Sénat. L'un d'eux concernait les titres-restaurant.

Trois semaines et puis s’en va. Alors que les députés avaient récemment adopté une proposition de loi prolongeant l’utilisation des titres-restaurant au supermarché, la censure du gouvernement puis la démission de Michel Barnier ont rebattu les cartes sur la table.

Contrairement à ce qui avait été voté le 20 novembre, en 2025, il sera finalement impossible pour presque six millions de Français de sortir leurs titres-restaurant (Ticket restaurant d’Edenred, Chèque déjeuner du Groupe Up, Pass restaurant, Chèque de table…) au moment de payer les courses alimentaires.

Une utilisation élargie, plusieurs fois rallongée

Comme leur nom l’indique, les titres-restaurant étaient initialement conçus pour (aider à) régler son repas au restaurant, sous certaines conditions. « En supermarché, on pouvait acheter uniquement des produits consommables directement, comme les salades préparées ou des sandwichs », explique à actu.fr Jean-Michel Rousseau, vice-président de la Commission nationale des titres-restaurant (CNTR).

Puis, dans le sillage de la crise du Covid-19 et de la fermeture forcée des établissements, le gouvernement avait validé en 2022 un élargissement de leur usage en supermarché, « pour payer des produits alimentaires bruts : pâtes, riz, farine, œufs », énumère Jean-Michel Rousseau.

Cette dérogation a été plusieurs fois rallongée et devait prendre fin au 31 décembre 2024. Ce que les consommateurs déploraient (et que les restaurateurs soutenaient). Les premiers avaient cependant pu obtenir gain de cause, par le biais de la proposition de loi n° 532 déposée le 4 novembre 2024.

Le texte, adopté deux semaines après par les députés, prévoyait une fin de la dérogation le 31 décembre 2025, accordant donc une année supplémentaire pour utiliser les titres-restaurant pour faire ses courses alimentaires en supermarché.

En quoi c’est une conséquence de la censure ?

Mais ça, c’était sans compter l’adoption d’une mention de censure à l’encontre du gouvernement, entraînant deux conséquences. La première (déjà actée le 4 décembre) est la démission du gouvernement, présentée par le Premier ministre, conformément à l’article 50 de la Constitution.

La seconde : « les travaux du Sénat en séance publique sont ajournés »avait confirmé la chambre haute dans la foulée. Or, si la proposition de loi n° 532 a été adoptée par l’Assemblée nationale, elle n’avait pas encore obtenu le feu vert des sénateurs.

En conséquence, les travaux du Sénat en séance publique sont ajournés. Il appartiendra au Président du Sénat de convoquer la Conférence des Présidents pour fixer la date de reprise des travaux.

Sénat

« Un processus législatif qui s’arrête »

En l’absence de vote définitif et conforme des parlementaires d’ici la fin de l’année 2024, pas de mise en application donc. « J’ai vraiment un doute sur ce qui va se passer. Le 31 décembre approche et la loi n’est pas tombée », souffle Jean-Michel Rousseau.

Au-delà de ça, « c’est un processus législatif qui s’arrête », estime encore le vice-président de la CNTR, pour qui « tout dépendra du nouveau gouvernement ».

La proposition de loi est suspendue. Pour qu'il passe, il faut que le Sénat et l'Assemblée nationale se rapprochent, retravaillent ensemble et s'accordent sur un même texte (le Sénat veut prolonger d'un an, l'Assemblée de deux ans). Il faut ensuite que la loi soit adoptée dans les règles : avec un ministre sur le banc des ministres. Or, sans gouvernement...

 

Jean-Michel RousseauVice-président de la Commission nationale des titres-restaurant

Reste maintenant à ressortir la liste de produits initialement éligibles aux titres-restaurant dans les supermarchés et à « mettre à la page les commerces concernés ». Et à se passer bientôt, provisoirement ou définitivement, de sa « carte resto » ou de ses « tickets resto » pour certaines de vos courses.

Source : https://actu.fr/economie/titres-restaurant-finalement-on-ne-pourra-plus-les-utiliser-au-supermarche-en-2025-malgre-la-loi-votee_61975525.html


12/12/2024
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Michaël Zemmour : « Nous avons toujours les moyens d’abroger la réforme des retraites »

 

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Ce que la rue n’a pas réussi à obtenir, l’Assemblée nationale y parviendra-t-elle ? Dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, ce 28 novembre, La France insoumise (LFI) a mis à l’ordre du jour une proposition de loi pour abroger la réforme des retraites de 2023.

La réforme, pour rappel, avait acté l’allongement de l’âge légal de départ à 64 ans. Mais elle avait surtout suscité de nombreuses mobilisations, de la part des politiques, comme des syndicats et de la population. Pour entériner la mesure, le gouvernement Borne avait eu recours à l’article 49.3 de la Constitution.

Théoriquement, le texte d’abrogation a toutes les chances d’être adopté s’il est soumis à un vote puisque la gauche et le Rassemblement national s’opposent à la retraite à 64 ans. Mais encore faut-il qu’il y ait un vote. La droite et le camp présidentiel ont déposé près de 1 000 amendements, ce qui limite les chances de voir les députés aller jusqu’au bout du texte dans le temps imparti. Une niche parlementaire commence à 9 heures et doit se terminer à minuit, quoi qu’il arrive.

 

Les défenseurs de la réforme Borne tentent de convaincre que son abrogation serait impossible compte tenu des finances publiques. Un argument qui ne tient pas selon Michaël Zemmour, économiste spécialiste de la protection sociale.

Le gouvernement parle de « dérapage budgétaire » et s’attend à un déficit public de 6,2 % du PIB pour 2024. A-t-on vraiment les moyens d’abroger la réforme des retraites dans ces conditions ?

Michaël Zemmour : Oui, c’est possible. Il ne s’agirait pas d’abroger la réforme des retraites à crédit. Ce que proposent les organisations syndicales, par exemple, est de rechercher le financement nécessaire. Dans la mesure où le coût de l’abrogation de la réforme n’est pas énorme, le levier traditionnel de financement, c’est la hausse des cotisations sociales. L’abrogation de la réforme coûterait 0,6 point de PIB à l’horizon 2032, ce qui pourrait être financé par une hausse de cotisations de l’ordre de 0,15 point par an, à partager entre employeurs et salariés, pendant six ans.

« L’abrogation de la réforme coûterait 0,6 point de PIB à l’horizon 2032, ce qui pourrait être financé par une hausse de cotisations de 0,15 point par an, pendant six ans »

Même si les salariés payaient l’intégralité de ces hausses de cotisations, au bout de six ans, cela représenterait quelques d’euros supplémentaires par mois (de l’ordre de 15 euros au Smic par exemple, mais ça pourrait être moins si d’autres payent plus). Ce n’est pas rien, mais je trouve que cela mérite que l’on en discute.

Le camp présidentiel tente de dramatiser la situation financière des retraites. Il faut rappeler que le gain estimé de la réforme Borne pour le système de retraite représente 15 milliards d’euros, un peu plus si l’on compte les recettes fiscales à un horizon de huit ans. Si on le met en regard du dérapage des finances publiques sur la seule année 2024 (60 milliards d’euros), on voit bien que ce n’est pas la réforme des retraites qui est l’enjeu central pour les comptes publics. D’autant, je le redis, que l’on peut financer l’abrogation.

En plus de l’âge légal de départ, la proposition de LFI suggère de revenir sur la réforme Touraine, c’est-à-dire ramener de 43 à 42 annuités la durée de cotisation nécessaire pour toucher sa retraite à taux plein. Qu’implique un changement de la durée de cotisation ?

M. Z. : La réforme Touraine [adoptée en 2014 sous le mandat de François Hollande, NDLR.] programmait un passage de la durée de cotisation à 43 annuités, mais à un rythme très lent, si bien qu’elle commence tout juste à s’appliquer. Financièrement, abroger la réforme Touraine coûterait plus cher que l’abrogation de la réforme de 2023 seule.

Sur le fond, il faut avoir en tête que la durée de cotisation joue un rôle différent de l’âge légal dans le système, dans la mesure où elle a des conséquences sur l’âge de la retraite ou sur le montant des pensions.

En matière d’âge, la durée de cotisation requise envoie un signal : on dit aux gens, « vous avez tant d’années à faire pour partir à taux plein ». Ils peuvent alors aussi bien partir avant qu’après, moyennant une décote ou une surcote. En fait, on constate que la plupart d’entre eux partent au moment où ils ont atteint ce nombre d’années.

On peut aussi voir la durée de cotisation comme une révision à la baisse du montant des pensions : à âge de départ donné, on part avec moins. Pour les personnes qui ne peuvent pas ajuster leur comportement (par exemple les personnes sans emploi ni ressource à 62 ans), la durée de cotisation joue comme une pénalité financière, et non comme un report de la retraite.

Faut-il donc abroger la réforme Touraine ?

M.Z. : Sur le fond, je ne pense pas que la réforme Touraine soit bonne. Pour beaucoup de personnes, 43 annuités de cotisation, c’est extrêmement long. Et cela peut créer des inégalités. Les personnes qui, quand elles prennent leur retraite, sont pénalisées par ce système de durée de cotisation, sont très souvent celles qui ont les plus petits salaires de référence, les plus petites retraites et qui vont subir une décote. La durée de cotisation est un levier pour faire des économies ou pousser les gens à travailler plus tard, mais c’est un levier qui a été poussé trop loin.

« La durée de cotisation est un levier pour faire des économies ou pousser les gens à travailler plus tard, mais c’est un levier qui a été poussé trop loin »

Néanmoins, les organisations syndicales n’ont pas toutes la même position sur la réforme Touraine. Ce qui n’est pas le cas au sujet de la réforme de 2023, où l’opposition est unanime. La logique serait de procéder en deux temps : d’abord, remettre les compteurs à zéro sur l’âge légal de départ, ensuite discuter de la réforme Touraine, mais aussi des niveaux de pension à moyen terme car c’est aussi un sujet important. Sans oublier, bien sûr, la pénibilité ou d’autres thèmes encore.

La droite et les macronistes vont faire obstruction lors de la niche parlementaire. Une abrogation de la réforme par voie parlementaire est-elle complètement impossible ?

M. Z. : C’est un grave problème parce que, derrière un changement des politiques sociales, se trouve toujours cette question : qui décide et qui soutient cette évolution ? Bien sûr, il y a toujours des « pour » et des « contre », mais en général, et notamment sur des sujets aussi importants que les retraites, il y a un ressort de légitimité sur lequel on peut s’appuyer. Soit c’est un partenaire social qui négocie la réforme – ce qui est le cas le plus souvent –, soit c’est l’Assemblée nationale qui donne une majorité.

La réforme de 2023 cristallise une crise démocratique puisqu’elle a été adoptée contre les organisations de salariés, contre la majorité de l’opinion et sans vote à l’Assemblée. On pourrait s’attendre à ce que justement le Parlement soit le lieu de la réouverture d’une discussion. Le fait que le camp présidentiel, qui est devenu minoritaire, cherche encore à obstruer le débat, est un symptôme supplémentaire qui prouve que l’on n’est pas sorti de la crise politique.

Et pourtant, le gouvernement continue de s’opposer à tout retour en arrière sur la réforme des retraites…

« Dans une démocratie sociale, on ne peut pas faire une politique sociale contre la majorité de la population »

M. Z. : Il n’y a que deux types d’arguments qui peuvent rendre légitime une réforme des retraites. Le premier est la volonté démocratique. En l’occurrence, le gouvernement s’appuie uniquement sur l’élection du président de la République en 2022, [qui proposait la réforme dans son programme, NDLR]. Son élection est incontestable, mais depuis, on a quand même vu un désaccord, fort et majoritaire, au sujet de cette réforme. Or, dans une démocratie sociale, on ne peut pas faire une politique sociale contre la majorité de la population.

L’autre argument qui était mis en avant était l’urgence des finances publiques, qui justifiait d’imposer une réforme contre l’opinion. On voit bien aujourd’hui que la réforme des retraites n’y répond pas du tout : la réforme a plutôt creusé le déficit à court terme (par la revalorisation des petites retraites), et les gains, plutôt modestes, sont attendus pour dans huit ans. Il n’y avait pas d’urgence à l’adopter.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/michael-zemmour-avons-toujours-moyens-dabroger-reforme-d/00113271?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=29112024&utm_campaign=hebdo

 
 

03/12/2024
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Plan social chez Auchan, ou la crise sans fin de la grande distribution

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Les 2 389 suppressions de postes annoncées début novembre chez Auchan témoignent d’une véritable crise de modèle de la grande distribution, qui n’en finit plus de produire ses effets.

Sale temps pour la grande distribution. C’est l’un des secteurs qui emploie le plus de monde dans l’économie française et il accumule aujourd’hui les plans sociaux d’envergure. Après le démantèlement de Casino en début d’année, assorti d’un plan social qui tire un trait sur 3 000 postes, Auchan a annoncé au début du mois novembre 2 389 suppressions d’emplois.

Fermeture d’hypermarchés, comme à Clermont-Ferrand, Bar-Le-Duc ou Woippy en banlieue de Metz, mais aussi d’entrepôts ou encore réduction d’effectifs du fait de la mutualisation de certaines fonctions support… Derrière ces drames sociaux locaux, cet énième plan social de l’enseigne fondée par Gérard Mulliez – le précédent en 2020 concernait déjà près de 1 500 emplois – symbolise une crise du modèle de la grande distribution qui semble sans fin.

Pour se donner une idée de l’ampleur de cette crise, il suffit de jeter un œil sur les comptes de l’entreprise. Sur les six premiers mois de l’année, le Groupe ELO1 affiche une perte de quasi un milliard d’euros, pour un chiffre d’affaires de 15 milliards. Alors même que les comptes de 2023 affichaient déjà 379 millions d’euros de pertes. Pourquoi le géant de la distribution est-il à ce point dans le rouge ?

Evolution du chiffre d'affaires et du résultat net du groupe ELO (Auchan), en milliards d'euros
 

La crise de l’hypermarché

L’Hexagone étant à l’origine d’un peu plus de la moitié de l’activité du groupe, c’est principalement la tendance des ventes en France qui explique les mauvais résultats. Les problèmes du distributeur nordiste peuvent se résumer à un phénomène : la crise de l’hypermarché.

Les modes de consommation évoluent et les fondements du modèle de l’hypermarché sont remis en cause. Ce format (c’est-à-dire une surface commerciale de plus de 4 000 m2) a été bâti sur l’essor de la consommation de masse, unifiée et standardisée, avec la promesse de tout trouver sous un même toit : de l’alimentation au textile, en passant par l’électroménager.

« L’hypermarché est en quelque sorte le volet commercial du fordisme, une très grande surface où on trouve de tout avec une production de masse à bas coûts pour répondre à une consommation uniforme », résume le sociologue Mathieu Hocquelet, sociologue du travail au Cereq.

 
Tirée par des aspirations de consommateurs de plus en plus diversifiées, l’offre est devenue plus fragmentée et de moins en moins uniforme

Or, toutes les évolutions récentes vont désormais à l’encontre ce modèle. Tirée par des aspirations de consommateurs de plus en plus diversifiées, l’offre est devenue plus fragmentée et de moins en moins uniforme : produits hallal, bio, issus du commerce équitable…

Et d’autre part, les canaux de distribution se sont multipliés. En particulier dans le non alimentaire, secteur sur lequel, après la concurrence des enseignes spécialisées (Conforama, Decathlon, Ikea, etc.), les hypermarchés ont subi l’arrivée des acteurs du commerce en ligne.

La grande distribution ne cesse donc de perdre des parts de marché sur les rayons bijouterie, ameublement, jardinage, textile, électroménager, etc. Autant de rayons dont la rentabilité du mètre carré ne cesse de se détériorer.

Une dépendance au modèle plus forte que les autres

Pour les produits alimentaires, la tendance est moins prononcée, mais on y retrouve les mêmes tendances. La typologie d’acteurs s’est élargie ces dernières décennies : circuits courts, hard discounters comme Aldi ou Lidl, magasins bio, etc. Chacun de ces nouveaux entrants a pris une partie du marché, réduisant d’autant celle de la grande distribution généraliste. Le modèle de l’hyper bâti sur le volume s’effrite donc progressivement.

La part des courses alimentaires des Français réalisées en hypermarché diminue lentement mais sûrement, et ce au profit de surfaces commerciales plus petites – de l’enseigne spécialisée aux commerces de proximité des grands noms de la distribution.

Certes, ces tendances concernent l’ensemble des distributeurs, mais il se trouve qu’Auchan est le plus dépendant de tous à l’hypermarché. Il en compte proportionnellement plus que les autres avec 135 hypermarchés dans l’Hexagone, contre seulement 67 pour un Système U par exemple, qui a pourtant une part de marché plus importante.

Auchan est peu présent en revanche dans les petites surfaces, avec seulement 32 magasins de proximité, quand Carrefour en possède 4 500…

« L’une des spécificités d’Auchan est de s’être construit sur de très grands super– et hypermarchés, explique Stéphane Turolla, économiste à l’Inrae. En 2020, la surface moyenne des hypers d’Auchan était de 10 397 m2, contre 5 487 m2 par exemple pour un Leclerc. »

Des hypermarchés plus nombreux et plus grands… Pas étonnant dans ces conditions qu’Auchan soit plus secoué que ses concurrents par la crise de ce format.

De nombreux changements de stratégie

A cela s’ajoute un ticket de caisse plus salé lors du passage en caisse.

« Au global, Auchan est plus cher que ses concurrents : en moyenne ses prix sont plus élevés de 7 % que ceux de Leclerc et de 4 % que ceux de Système U », poursuit Stéphane Turolla.

Résultat : le groupe nordiste perd des parts de marché. A l’été 2014, Auchan captait encore 11,8 % du marché français. Cet été, ce n’était plus que 8,5 %.

Auchan est pris dans une forme de cercle vicieux : plus cher, il perd des parts de marché et du volume de ventes

Auchan est aujourd’hui pris dans une forme de cercle vicieux : plus cher, il perd des parts de marché et du volume de ventes. Il lui est donc plus difficile de peser dans les négociations avec les industriels pour diminuer leur prix, ce qui affecte ses ventes en retour etc.

Pour tenter d’y remédier, Auchan vient d’intégrer une nouvelle centrale d’achat commune avec Intermarché et Casino (Aura). Les trois enseignes cumulent plus de 30 % de parts de marché et espèrent ainsi atteindre des volumes supérieurs au leader Leclerc pour négocier des prix plus faibles.

Certes, cela pourrait aider Auchan, mais les leaders comme Leclerc possèdent des centrales d’achat communes au niveau européen avec d’autres grands distributeurs du continent (comme l’allemand Rewe) permettant d’atteindre des volumes très importants. Encore plus que sur ses ventes, la grande distribution est un oligopole sur son volet achat.

L’autre pan de la stratégie d’Auchan est de réduire sa surface commerciale. En fermant certains hypers et en réduisant la taille d’autres pour louer ou vendre une partie de la surface. La CFDT dénonce de son côté une succession d’« errances stratégiques ».

« En 24 ans, nous avons eu 17 changements de dirigeants et autant de plans stratégiques, c’est insoutenable pour une entreprise comme pour ses salariés, regrette Gilles Martin, délégué syndical central de la CFDT. C’est le manque de réactivité stratégique et de vision des dirigeants qui ont conduit l’entreprise dans sa situation actuelle. »

Recette gagnante des réseaux d’indépendants

Quelle est donc la recette des enseignes qui s’en sortent le mieux ? Ce sont celles constituées de réseaux d’indépendants (c’est-à-dire d’un réseau de magasins indépendants, comme Leclerc, Intermarché et Système U) qui gagnent des parts de marché, à l’inverse des groupes intégrés que sont Auchan, Casino ou Carrefour, qui sont eux pilotés par une direction centralisée.

Le modèle des réseaux de magasins indépendants offre plus de flexibilité et d’adaptabilité localement

En effet, le premier modèle offre plus de flexibilité et d’adaptabilité localement, quand les seconds sont des grosses machines moins agiles.

Les groupes intégrés l’ont bien compris et font donc évoluer leurs modèles. Carrefour multiplie les magasins en franchise et en location-gérance, si bien que depuis 2023, la moitié de ses ventes dans le pays provient de tels magasins. Les grands perdants de cette mutation sont bien sûr les salariés, car les avantages sociaux d’un groupe ne survivent pas au passage en location-gérance ou en franchise.

« A travers ce modèle de passage de location-gérance, il y a l’idée pour les distributeurs de reporter l’incertitude de l’activité sur les salariés : la main-d’œuvre sert ainsi de variable d’ajustement », explique Mathieu Hocquelet.

C’est aussi le travail et son organisation qui sont modifiés.

« Tendanciellement, nous allons vers des magasins plus petits avec moins de main-d’œuvre, mais surtout des salariés qui sont beaucoup plus polyvalents et des organisations du travail bien plus aplanies. Le taux d’encadrement diminue et les chefs de rayons ou chefs d’unité disparaissent, au profit d’employés polyvalents qui peuvent tout faire, mais sans qualification reconnue et avec des perspectives de mobilité professionnelle très réduites. »

Le tout amplifié par un recul de la présence syndicale, puisque le supermarché en location-gérance n’est qu’une petite entreprise dont les syndicats sont généralement absents.

Encore présents chez Auchan, ces derniers tentent de se mobiliser en demandant que pour le plan social à l’œuvre, le groupe Mulliez soit socialement reconnu.

« Il faut gérer l’emploi au sein du groupe Mulliez et instaurer des passerelles sociales entre les différentes entités du groupe pour réintégrer les salariés d’Auchan, plaide Gilles Martin, la famille Mulliez doit permettre aux salariés qui ont participé à l’expansion du groupe d’être reclassés en interne. »

Les syndicats tentent depuis des années de faire reconnaître la logique de groupe, ce qui changerait le destin des salariés amené à prendre la porte

Rappelons que légalement Auchan ne fait pas partie d’un groupe. C’est une entreprise non cotée en Bourse qui appartient à l’Association familiale Mulliez (AMF). Or, ce même actionnaire, composé des héritiers de la famille Mulliez, possède une centaine d’enseignes : Decathlon, Leroy Merlin, Jules, Flunch, Kiabi, Norauto, Saint-Maclou, etc.

L’AMF nie tout logique de groupe, dimension que les syndicats tentent depuis des années de faire reconnaître, en mettant en avant les liens et les partages d’outils entre toutes ces entités. Une telle reconnaissance changerait le destin des salariés d’Auchan amenés à prendre la porte de sortie.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/plan-social-chez-auchan-crise-fin-de-grande-distribution/00113220?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=29112024&utm_campaign=hebdo


03/12/2024
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Sorties anticipées de fin d'année : La FSU Emploi HdF vous informe !

 

les 24 et 31 decembre (2)

 

 

 

 

 


03/12/2024
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Intersyndicale FT : Tous et toutes en grève le 5 Décembre 24 !!!

Intersyndicale 5 Dec 24

Grève du 5 Dec 24


03/12/2024
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