ANALYSE : Avec la réforme, près de 230 000 chômeurs seraient exclus de l’indemnisation.

La nouvelle réforme de l'assurance chômage réalise principalement des économies en excluant les demandeurs d’emploi de l’indemnisation, explique l'économiste Michaël Zemmour.

Le gouvernement annonce une nouvelle réforme de l’assurance chômage, sans en détailler les effets sociaux, alors qu’il chiffre précisément les économies qu’il compte réaliser. En l’absence d’une documentation précise de la réforme, on peut toutefois calculer des ordres de grandeur sur le nombre de personnes concernées par une perte de droits.

A un premier niveau, c’est l’ensemble des salariés qui est touché par une perte de protection. En effet, l’assurance chômage ne vaut pas uniquement pour les prestations qu’elle verse effectivement aux personnes au chômage.

Elle constitue aussi une protection pour l’ensemble des salariés en emploi, « au cas où » le risque de perte d’emploi se réaliserait. C’est bien le principe d’une assurance (même d’une assurance sociale), que d’offrir une garantie, et donc de constituer une forme de sécurité, même lorsque le risque est encore virtuel.

 

Le risque chômage, bien que très inégalement distribué (les moins qualifiés, les salariés les plus jeunes, les seniors notamment sont particulièrement touchés), est un risque effectif pour l’ensemble des salariés du privé et les contractuels du public (hors CDI). En pratique, à l’échelle d’une carrière, plus de la moitié des salariés fait l’expérience d’une période relativement longue (50 jours ou plus) de chômage indemnisé.

Robinet d’arrivée et de sortie fermé

Le gouvernement annonce viser, en régime de croisière des économies de 3,6 milliards d’euros par an. L’Unédic estimant à 34 milliards d’euros le budget des indemnités chômage pour 2024, l’économie est donc de l’ordre de 10 % du montant total des allocations versées.

La réforme joue principalement sur le droit à indemnisation, en limitant d’une part l’accès à l’assurance chômage (8 mois d’emploi nécessaires sur 20 mois pour être indemnisé, au lieu de 6 mois sur 24 mois actuellement), en raccourcissant les durées maximales d’indemnisation (-3 mois par rapport à la situation actuelle pour les moins de 53 ans ; -7,5 mois pour les 53-54 ans, -12 mois pour les 55-56 ans, 4,5 mois pour les plus de 57 ans).

En somme, la réforme réalise principalement des économies en excluant les demandeurs d’emploi de l’indemnisation, à l’entrée ou en précipitant la sortie d’indemnisation.

Elle aura sans doute aussi des effets sur les montants d’allocation (à la baisse ou à la hausse selon les cas), du fait du changement de période de référence mais les économies réalisées de ce côté seront sans doute plus modestes, au contraire de ce qui s’est passé avec la réforme de 2019-2021 qui a considérablement fait chuter le montant des droits.

En simplifiant raisonnablement, on peut donc estimer qu’une réforme qui réalise 10 % d’économie essentiellement en limitant les périodes d’indemnisation, va donc, un mois donné réduire de 10 % le nombre de personnes indemnisées. C’est-à-dire de l’ordre de 230 000 personnes en moins qui percevront une allocation chaque mois. De mars 2023 à février 2024, il y a eu en effet en moyenne 2,3 millions de personnes indemnisées chaque mois par l’assurance chômage, hors personnes en formation.

Il s’agit là d’un ordre de grandeur : cela peut être un peu moins si le montant des allocations était fortement affecté à la baisse ; mais c’est probablement un peu plus, car les personnes qui seront le plus touchées par la perte de droits (jeunes, précaires, chômeurs inscrits depuis plus d’un an), sont aussi les celles ayant des indemnités plus faibles, il faut donc qu’elles soient plus nombreuses à être concernées pour réaliser les mêmes économies. A l’inverse, les seniors vont perdre sans doute beaucoup plus que la moyenne, ce qui peut aller dans l’autre sens.

Mais ce chiffre peut tout de même être mis en perspective : le gouvernement a dit – il semblerait qu’il ne l’évoque plus… – envisager une réduction du chômage de l’ordre de 90 000 personnes un mois donné du fait de sa réforme, ce qui correspondrait à une baisse de chômage de…0,3 point1. On peut discuter de cette estimation (je n’en connais pas la source) mais ce qu’on peut dire, c’est que le nombre de personnes qui vont perdre leur indemnité chômage est de l’ordre de deux fois et demi supérieur.

Près de 230 000 chômeurs indemnisés en moins pour 90 000 emplois créés en plus ?

Créations d'emploi et demandeurs d'emploi exclus de l'indemnisation provoqués, estimation de l'impact de la réforme de l'assurance chômage
 

Lecture : Les économies réalisées par la réforme en plein régime se font par l’exclusion de l’ordre de 230 000 personnes de l’indemnisation chaque mois. Le gouvernement dit viser la création de 90 000 emplois par cette mesure.

Par ailleurs, il faut garder en tête que si la réforme conduit à réduire le chômage, c’est en partie au prix d’un salaire moindre ou d’emplois courts, ce qui n’est pas une bonne chose, même du point de vue du fonctionnement du marché du travail. Mais c’est un second sujet…

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/reforme-pres-de-230-000-chomeurs-seraient-exclus-de-lindemnisatio/00111352



07/06/2024
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi



Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Espace de gestion