Macron vu de l'étranger
L’image de Macron, un an après sa réélection, a changé dans la presse internationale
Un an après sa réélection, la presse internationale n’est pas tendre avec Macron© Fournis par Le Huffington Post
POLITIQUE - 24 avril 2022 : la presse internationale dit son « soulagement » après la réélection d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. Un an plus tard, le ton est radicalement différent : le président de la République inquiète, autant pour sa méthode sur la réforme des retraites que sur plan de la diplomatie mondiale.
Le 14 avril, l’éditorialiste Enric González du quotidien espagnol El Pais a écrit ses doutes : l’adoption à marche forcée du projet présidentiel ne constitue-t-elle pas « un levier de taille » pour Marine Le Pen et l’extrême droite à la prochaine présidentielle ?
Il n’est pas le seul à s’interroger : « La mauvaise gestion arrogante du président de la République sur la réforme controversée des retraites a profondément abîmé la confiance dans les institutions politiques, et profitera vraisemblablement à Marine Le Pen et à l’extrême droite », pointe un édito du quotidien britannique The Guardian deux jours plus tard.
La réforme des retraites a écorné l’image du président. Pas sur le fond - au Royaume-Uni et aux États-Unis, la majorité de la presse juge normal le recul de l’âge légal de départ à la retraite. « 62 ans, pour partir à la retraite, c’est bas, même selon les normes des pays occidentaux », pointe l’humoriste britannico-américain John Oliver dans son émission « Last Week Tonight » du 3 avril.
« Le fait est que Macron doit revoir sa stratégie »
Ce qui choque, c’est la méthode : la réforme des retraites est passée « sans vote » insiste le comédien à deux reprises dans a sa pastille d’environ 4 minutes. Avant de juger « plutôt insultante » la « seule concession du gouvernement », à savoir la reprise un dialogue... mais sur d’autes points que le recul de l’âge de départ. « Le fait est que Macron doit revoir sa stratégie », juge John Oliver, pour le plus grand bonheur des opposants français qui ont relayé l’extrait.
Ces critiques se font encore plus virulentes chez nos voisins allemands. Le quotidien de gauche Die Tageszeitung et son éditorialiste Rudolf Balmer n’hésitent plus à parler d’une « obstination » et d’une « arrogance » rarement vue, dans un édito intitulé « L’incompréhensible entêtement d’Emmanuel Macron sur les retraites ».
Le 15 avril, l’éditorialiste du Tagesspiegel, de sensibilité de droite, ose la comparaison : « À quoi ressemblerait le jugement public si des populistes nationaux comme Viktor Orban à Budapest ou le gouvernement à Varsovie imposaient une réforme aussi fondamentale que le relèvement de l’âge de la retraite avec des méthodes autoritaires similaires à celles de Macron à Paris : sans vote au parlement. » Le 24 avril 2022, le même quotidien décrivait au contraire « l’humilité » du président réélu qui quelques instants après sa victoire, admettait « que beaucoup de nos concitoyens ont voté pour moi aujourd’hui pour empêcher les idées de l’extrême droite et non pour soutenir les miennes. » Le regard a bien changé.
« Apaiser le pays, qu’il disait… »
Les critiques sur le président français portent aussi sur sa gestion des affaires internationales. Celui qui se présentait en février 2022 comme un possible médiateur entre la Russie et l’Ukraine a échoué à entrouvrir une porte de sortie dans le conflit. Et plus récemment, sa visite en Chine et sa sortie sur « l’autonomie stratégique » de l’UE ont achevé d’étonner la presse étrangère. « Macron aurait-il complètement perdu les pédales ? » interroge le magazine allemand Der Spiegel, tandis que le New York Times se fait ouvertement critique le 8 avril. « À l’heure où les relations sino-américaines sont au point mort, monsieur Macron a affirmé une position européenne indépendante », souligne le quotidien historique, dans un article critique titré « La diplomatie française sape les efforts américains de retenir la Chine » .
Vu de Suisse, le président français se trouve donc dans une position inextricable, aussi bien sur le plan national qu’international : « Ces ratés (de la communication macronienne) ne se sont pas limités aux prises de parole franco-françaises. (...). C’est désormais dans le monde entier que l’on ne comprend plus le président qui plaisait tant », écrit Paul Ackermann, éditorialiste du Temps, le 16 avril.
L’allocution présidentielle du lendemain, où Emmanuel Macron a reconnu que la réforme des retraites n’était pas acceptée, sans pour autant faire marche arrière sur le fond, ne change rien au ressenti, comme le relèvent nos confrères de Courrier International.
Le lendemain, le quotidien belge Le Soir décrit ainsi « un président vertical », tandis que La Libre Belgique note son ton « un tantinet professoral ». Et toujours, en creux, la question des conséquences de cette politique à l’horizon 2027. Le 19 avril, l’envoyée permanente du Soir en France évoque le projet de loi immigration en préparation au gouvernement. « Après la bataille des retraites, le sujet de l’immigration revient en force. Par calcul politique. Gare au retour de boomerang », écrit-elle en introduction d’un article intitulé « Immigration en France : apaiser le pays, qu’il disait… », dans une allusion moqueuse aux cent jours voulus par le président de la République pour détendre le climat social.