RSA, vers un accompagnement « systématique et intensif » (Thibaut Guilluy)

RSA, vers un accompagnement « systématique et intensif » (Thibaut Guilluy)

 

Par Mariette Kammerer - Le 16 novembre 2023.

 

L’Elysée a annoncé mercredi 15 novembre que le président de la République envisageait de nommer Thibaut Guilluy directeur général de Pôle emploi -futur France travail-, en remplacement de Jean Bassères. Au lendemain de l’accord trouvé par la commission mixte paritaire du Parlement sur le projet de loi « plein emploi », mardi 14 novembre, Thibaut Guilluy, actuel haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, a répondu aux questions du Quotidien de la formation.

De « nouvelles modalités d’accompagnement renforcé » des allocataires du RSA sont testées depuis avril dernier dans 18 territoires pilotes. Leur généralisation est prévue pour 2025 par la loi « plein emploi ». Thibaut Guilluy présente les premiers enseignements de ces expériences co-financées par l’Etat.

Le Quotidien de la formation – Où en sont les 18 expérimentations de « RSA renforcé » ?

Thibaut Guilluy – « Les premières ont débuté en avril et les dernières en septembre, donc cela monte en charge, nous n’avons pas encore de bilan statistique. A cette date, un total de 10 000 allocataires sont entrés en parcours renforcé : d’abord les nouveaux inscrits au RSA, puis les plus anciens.

 

QdF – Qu’est-ce qui est nouveau en termes d’accompagnement ?

ThG – L’aspect systématique et intensif est nouveau. Jusqu’ici l’accompagnement se limitait souvent à trois contacts par an, et 20% des allocataires n’avait pas de référent identifié, selon la Cour des comptes. L’autre nouveauté est que tous les territoires pilotes ont mis en place un diagnostic croisé entre un travailleur social et un conseiller Pôle Emploi. Cela permet de renforcer le volet « emploi » de l’accompagnement : 85% des allocataires de l’expérimentation bénéficient d’un suivi socioprofessionnel, contre moins de 50% auparavant. Les acteurs plébiscitent ce regard croisé et apprécient d’avoir du temps pour assurer cet accompagnement personnalisé. Car grâce à des moyens humains renforcés, les portefeuilles des conseillers sont limités à 50 ou 70 allocataires, ce qui leur permet des contacts une fois par semaine ou par quinzaine. Et les retours des allocataires sont plutôt positifs par rapport à cette prise en charge intensive.

 

QdF – Généraliser une exigence de 15 à 20 heures d’activité hebdomadaire vous parait-il réaliste ?

ThG – Les territoires pilotes l’appliquent de manière très diverse. Leur expérience doit nous aider à mieux appréhender les besoins d’adaptation ou d’exemption. Les 15H d’activité ne sont pas une fin en soi, l’important est d’avoir un accompagnement intensif pour accélérer le retour à l’emploi. Le menu de ces activités est construit par le conseiller en fonction des aspirations, besoins et difficultés de la personne. Nous avons bien réussi à le faire avec le Contrat engagement jeune, donc pourquoi pas avec les allocataires du RSA ? Il est faux de dire que ces derniers ne peuvent pas mobiliser 15 à 20

heures pour leur réinsertion. Les contrats d’insertion par l’activité économique (IAE) sont accessibles à des personnes qui sortent de la rue. Le dispositif « Premières heures » d’Emmaüs Défi a monté qu’en moins de trois mois la personne parvient à se mobiliser 20H par semaine.

 

« Renforcer la mobilisation des entreprises en 2024 »

 

QdF – Quelles sont les effets déjà perceptibles des expérimentations ?

ThG – Il est trop tôt pour mesurer les effets sur le retour à l’emploi. Mais nous avons déjà réduit les délais de prise en charge : On est passé de cinq mois à moins d’un mois entre l’inscription au RSA et le premier rendez-vous de suivi avec un référent. On voit aussi que tous les territoires pilotes mobilisent les entreprises pour organiser des immersions, découvertes des métiers, et faciliter les recrutements. Certains outils marchent bien, comme le site de mise relation « immersion facile ». Il faut renforcer la mobilisation des entreprises en 2024 et développer la formation. Nous travaillons actuellement par exemple à simplifier l’accès des TPE/PME aux formations (POE) financées par Pôle emploi.

 

QdF – Certains acteurs craignent que les moyens manquent pour généraliser cet accompagnement à l’ensemble des allocataires…

ThG – L’Etat a engagé 21 M€ dans la contractualisation avec les territoires pour les expérimentations en 2023, et mettra 170 M€ en 2024. Par ailleurs, les moyens dédiés à France travail (Pôle emploi) vont augmenter chaque année, de + 300 M€ en 2024 jusqu’à + 1 Md€ en 2027. Il y a aussi le maintien de l’effort de l’Etat dans le Plan d’investissement dans les compétences (Pic) à hauteur de 3,9 Mds€ pour financer l’offre de formation des demandeurs d’emploi dont les allocataires du RSA. Donc les moyens sont sur la table. Sans compter que le budget consacré à l’IAE est passé de 800 M€ à 1,5 Mds€ entre 2018 et 2024. Ce sont autant de solutions qui peuvent être mobilisées dans les parcours d’insertion. Cette réforme est un investissement social : en faisant baisser le nombre d’allocataires, on dégagera des moyens pour l’accompagnement.

 

QdF – Comment s’organise le suivi et l’évaluation des expérimentations ?

ThG – Un comité de suivi se réunit une fois par mois avec Départements de France et rendra un premier bilan début 2024. Depuis fin septembre nous disposons d’un outil de pilotage qui recense les entrées, les orientations et les effets sur le retour à l’emploi. La Dares travaille aussi à une évaluation. L’extension prévue par la loi à partir de janvier 2025 tiendra compte de ces éléments.



17/11/2023
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