Assurance-chômage : baisse de droits pour tout le monde?!

Loin des subtiles modulations de l’allocation-chômage annoncées l’été dernier, Olivier Dussopt impose une baisse d’un quart de la durée d’indemnisation pour tous les chômeurs à partir du 1er février prochain.

Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, a présenté ce matin sa réforme de l’assurance-chômage. Olivier est heureux : alors qu’une tribune a été signée dans le JDD contre le scandale des enfants à la rue, alors que le directeur des Restos du cœur dit n’avoir jamais connu une situation aussi difficile, pour Olivier, la période est « faste ».

Le nez sur des statistiques, l’oreille collée aux complaintes des patrons qui ont trop de mal à embaucher, le ministre, tout comme Élisabeth Borne, estime que les règles actuelles d’indemnisation « n’incitent pas assez à la reprise d’un emploi ». Comme l’a encore déclaré Bruno Le Maire ce matin : « Nos compatriotes ne peuvent pas comprendre qu’avec autant de postes vacants, on soit à 7% de chômage. »

Petit problème de maths pour Bruno, Élisabeth et Olivier : sachant que seul un tiers des chômeurs perçoit actuellement une allocation, en raison des précédentes réformes décidées par Myriam El Khomri puis Muriel Pénicaud, combien de personnes refusent des emplois parce qu’elles touchent une énorme allocation-chômage qui les dissuade de travailler ?

Et pourquoi réduire les allocations alors que l’assurance-chômage ne présente aucun déficit ? Elle sera même en excédent de 4 milliards cette année, et aurait encore connu le même excédent en 2023 et 2024, selon les chiffres mêmes de l’Unédic, avec les règles actuelles. Mais non, non, non, il faut baisser les allocations-chômage !

100 % des chômeurs perdants

En juillet, Olivier Dussopt avait déclaré que « quand ça va bien, on durcit les règles, et quand ça va mal, on les assouplit ». Mais depuis, il a oublié la seconde partie de sa phrase. Dès le 1er février 2023, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi sera réduite de 25 %. Un chômeur qui bénéficie aujourd’hui de 12 mois d’indemnisation – s’il a suffisamment cotisé, donc travaillé, au préalable – n’aura plus droit qu’à 9 mois.

Heureusement, trois petits garde-fous sont prévus. D’abord, les indemnisations de 6 mois et moins conservent leur durée actuelle. De plus, si, à l’expiration de ses droits, le marché du travail s’est dégradé, il retrouvera les mois d’indemnisation auquel il a droit actuellement. Enfin, des exceptions sont prévues pour certaines professions comme les intermittents du spectacle, les dockers, etc., ou encore, les territoires ultramarins.

La réforme est claire : si le « marché du travail » va mal, on garde les règles actuelles. Mais s’il va bien, on les durcit. Elle n’apporte aucun bénéfice à aucun chômeur, même ceux qui enchaînent des contrats de travail de courte durée. Le 1er octobre, Élisabeth Borne avait pourtant déclaré que les personnes qui alternent des périodes d’activité et d’inactivité seraient « indemnisées plus longtemps ». Cela ne sera pas le cas.

Nous habitons le Paradis, et nous ne le savons pas

Mais qu’est-ce qu’un marché du travail qui va bien ? Pour le savoir, le gouvernement a retenu non pas un, mais deux indicateurs : le taux de chômage, et sa variation. Le système passera en « période rouge » si le taux de chômage passe au-dessus de 9 % ; ou si ce taux, quel que soit son niveau, augmente de 0,8 point (par exemple s’il passe de 5 % à 5,8 %).

Autrement dit, pour le gouvernement, tant que le taux de chômage national officiel, dont tous les spécialistes du sujet, l’Insee la première, savent qu’il oublie plein de personnes privées d’emploi, est en-dessous de 9 %, on est dans le « vert ». Et ce, même si vous habitez dans un bassin d’emploi où le taux de chômage est de 15 %. Tant pis pour vous, fallait naître ailleurs.

Et puisque le taux de chômage est actuellement de 7,3 %, cela ouvre la voie à la baisse des allocations-chômage au 1er février prochain. On comprend que Marc Ferracci, député Renaissance, qui aime se présenter comme l’un des cerveaux de cette superbe régression sociale, se soit déclaré « fier » d’avoir été le rapporteur de la loi sur l’assurance-chômage. Il y a de quoi. ●

 

Source CHARLIE HEBDO



24/11/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi



Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Espace de gestion