Assurance chômage : un jeu de massacre en 10 graphiques

Très sévère, la nouvelle réforme de l’assurance chômage aura des conséquences dramatiques pour nombre de chômeurs. Personne ne sera épargné, mais ce sont les jeunes, les demandeurs d’emploi âgés et les plus précaires qui seront particulièrement touchés.

Jamais, depuis 66 ans qu’existe l’assurance chômage, une réforme n’aura autant brutalisé les salariés privés d’emploi et jamais un gouvernement n’aura manié le bâton de manière aussi répétée. Ces superlatifs ont, il est vrai, déjà été largement utilisés pour qualifier les précédents coups de rabot de 2019-2021 puis de 2023. Pour autant, ces trois secousses telluriques rapprochées donnent une idée de la magnitude du séisme pour toutes celles et ceux qui vivront un jour un épisode de chômage.

Elles donnent également un aperçu de l’ampleur de la réforme budgétaire amorcée par l’exécutif. Grâce aux tours de vis antérieurs, l’Unédic tablait sur des excédents de plus de 11 milliards en 2027. Cette dernière réforme devrait lui apporter 3,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires par an, en rythme de croisière. De quoi permettre au gouvernement, qui avance ce chiffrage, de continuer à ponctionner dans les caisses de l’assurance chômage.

Il aurait d’ailleurs tort de s’en priver : faire les poches des chômeurs est l’opération la plus simple et la plus rapide pour tailler dans la protection sociale sans que les syndicats, gestionnaires de l’Unédic, n’aient la capacité de mobiliser l’opinion pour la cause des demandeurs d’emploi.

La petite musique a fini par infuser. Afin de « valoriser encore plus le travail », selon les propos du Premier ministre, et différencier – encore plus – les actifs occupés des actifs inoccupés, ces derniers sont pressés de contribuer à la quête du « plein-emploi » en revoyant leurs ambitions à la baisse et en acceptant quantité de postes vacants.

La purge va donc s’appliquer, malgré l’absence d’évaluation complète des précédentes réformes. Et tant pis si les études scientifiques qui portent sur les comportements de populations marginales de chômeurs servent de boussole pour changer les règles pour le plus grand nombre.

D’autres indicateurs sur la situation des demandeurs d’emploi mériteraient pourtant une analyse approfondie, avant de limiter leur accès à une protection. Illustration en dix graphiques.

1/ Des conditions d’indemnisation toujours plus drastiques

Depuis les annonces dominicales du Premier ministre le 26 mai dernier, les demandeurs d’emploi savent à quoi s’en tenir. Un décret « de jointure » entre deux réformes sera publié le 1er juillet, mais dès le 1er décembre prochain, date d’entrée en application des nouvelles règles, les moins de 57 ans devront avoir cumulé l’équivalent de 8 mois d’activité au cours des 20 derniers mois pour prétendre à une allocation chômage, ce qui signifie concrètement avoir travaillé presque un jour sur deux (40 %), contre 6 mois sur 24 mois précédemment (25 % du temps).

Et elle n’est pas si loin l’époque où ils devaient justifier de 4 mois de travail sur les 28 derniers mois (soit 14 % du temps). Dit autrement, en moins de quatre ans, les demandeurs d’emploi devront avoir travaillé trois fois plus sur une période plus courte pour espérer être indemnisés.

Un accès à l’indemnisation toujours plus restrictif

Durée de cotisation, période de référence exigée et durée maximale d'indemnisation, en mois, selon l'âge des demandeurs d'emploi
 

Mais une fois cette première épreuve franchie, une autre les attend : ils ne conserveront plus leur allocation aussi longtemps qu’aujourd’hui. Leur durée maximale d’indemnisation, déjà ramenée en 2023 à 18 mois, passera à 15 mois.

La sanction sera particulièrement lourde pour les seniors. Non seulement le gouvernement fait disparaître les bornes de 53 ans et de 55 ans à l’entrée du système (il ne subsiste plus que deux régimes : les moins et les plus de 57 ans) mais il les précipite plus vite vers la sortie. Un demandeur d’emploi de 56 ans verra sa durée d’allocation réduite quasiment de moitié (de 27 à 15 mois). Et ce sera 22,5 mois maximum pour les plus de 57 ans (contre 30 mois auparavant).

Avec une période de référence restreinte, les périodes travaillées prises en compte pour le calcul de l’allocation deviennent moins nombreuses. S’ajoute à cela la volonté du gouvernement d’appliquer la règle de la contracyclicité en vigueur depuis février 2023. En vertu d’un taux de chômage passé sous la barre des 9 %, la durée maximale d’indemnisation avait déjà été réduite de 25 %. Elle l’est à nouveau.

Et ce n’est pas fini. Dans la mesure où le taux de chômage atteindrait 6,5 %, cette durée maximale serait de 12 mois pour tout le monde et de 18 mois pour les plus de 57 ans.

2/ L’illusion du « standard » européen

Dans l’argumentaire de Matignon, la réforme a également pour ambition de se mettre aux « standards européens ». Sauf qu’il n’existe pas véritablement de standards européens en matière d’assurance chômage. Chaque système possède ses propres règles.

Le modèle danois peut certes apparaître comme le plus favorable (aucune durée minimale de cotisation n’est exigée, il faut avoir gagné au moins 33 000 euros au cours des trois dernières années), celui des Britanniques comme le plus restrictif (les demandeurs d’emploi reçoivent un montant forfaitaire quel que soit leur ancien salaire), mais aucun régime n’est véritablement « généreux », constatent deux chercheurs, Baptiste Françon et Jean-Marie Pillon, qui ont étudié les différents modèles européens.

Chaque pays organise ainsi l’éviction de certaines catégories de demandeurs d’emploi en fonction des caractéristiques de son marché du travail et tous les paramètres doivent être observés – conditions d’ouverture des droits, durée maximale de l’indemnisation, dégressivité des allocations, taux de remplacement calculé en fonction du salaire précédemment perçu, etc. – si l’on veut comparer finement les pays entre eux.

La France a beau se rapprocher effectivement de l’Allemagne en matière d’ouverture des droits, outre-Rhin, les chômeurs perçoivent plus longtemps leur allocation et leur taux de remplacement est également plus élevé.

Gabriel Attal, qui citait l’exemple de la Belgique, omet de préciser qu’après une période maximale de 48 mois durant laquelle le montant de l’allocation décroît, les chômeurs belges ont en théorie droit à une indemnisation illimitée !

Des systèmes d’assurance chômage hétérogènes en Europe

Durée de cotisation, période de référence exigée et durée maximale d'indemnisation, en mois, selon les pays


07/06/2024
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi



Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Espace de gestion