Ce que prévoit le projet de loi "plein emploi".
Le gouvernement a présenté le 7 juin 2023 son projet de loi « pour le plein-emploi », qui doit donner naissance à France travail, successeur de Pôle emploi, et mettre en place un accompagnement plus personnalisé et directif des allocataires du RSA qui n'ont guère profité de la baisse du chômage.
L'exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein-emploi , soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement) en ciblant les personnes très éloignées de l'emploi. En dépit de la forte baisse du chômage ces dernières années et des pénuries de main-d'oeuvre dans de nombreux secteurs, le nombre des bénéficiaires du RSA n'a guère diminué depuis 2017, autour de 1,9 million.
La création de France travail, au plus tard d'ici le 1er janvier 2025, vise à mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi. Il s'agit d'avoir la même procédure d'entrée pour toutes les personnes en recherche d'emploi ou rencontrant des difficultés d'insertion, quelle que soit la porte où elles frappent. L'idée est qu'une personne faisant une demande de RSA à la CAF se retrouve en même temps inscrite à France travail, alors qu'aujourd'hui seuls 40 % des bénéficiaires du RSA sont à Pôle emploi.
Cette inscription automatique à France travail, sur la base de critères communs, permettra « une entrée rapide dans le parcours d'accompagnement » et « une visibilité sur l'ensemble des personnes en recherche d'emploi sur un territoire », souligne Matignon.
Chaque inscrit à France travail signera « un contrat d'engagement ». C'est dans ce cadre qu' un accompagnement rénové des allocataires du RSA est expérimenté dans 18 départements avec la question sensible des 15 à 20 heures hebdomadaires d'activité.
Pas formellement inscrites dans la loi, ces heures (immersions, remises à niveau, rédaction de CV…) seront un objectif « adapté » à chacun, a précisé Olivier Dussopt, le ministre du Travail. Ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire », a-t-il répété face aux craintes des associations de lutte contre la pauvreté. Pour le ministre, « ce qui pêche, c'est l'accompagnement. 350.000 allocataires n'ont aucun suivi et on n'est pas quitte de notre devoir de solidarité avec 607 euros » (montant du RSA pour une personne seule, NDLR).
Dans cette « logique de droits et devoirs », le projet de loi rend plus facile la mise en oeuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations.
Pour renforcer l'accompagnement, il y aura « des moyens supplémentaires », a assuré Olivier Dussopt, tout en renvoyant aux discussions sur le prochain budget. Le rapport préfigurant la réforme a chiffré son coût « entre 2 et 2,5 milliards d'euros en cumulé jusque 2027 ». Une partie pourrait être financée sur le budget de l'assurance-chômage.
Le texte, qui sera examiné au Sénat début juillet, comporte deux autres volets : l'un sur le handicap qui vise à améliorer l'accès des personnes handicapées à l'emploi dans le milieu ordinaire et l'autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme « autorités organisatrices » de l'accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l'offre.
Tour d'horizon des principales mesures du projet de loi :
· France travail, un réseau et un opérateur
Tous ces acteurs assureront les missions « d'accueil, d'orientation, d'accompagnement, de formation, d'insertion, de placement des personnes recherchant un emploi ou rencontrant des difficultés sociales ». Dans ce but, ils devront mettre en oeuvre « des procédures et des critères communs » pour l'inscription et l'orientation ; « un socle commun de services au bénéfice des personnes et des employeurs » ; « des indicateurs communs de pilotage et d'évaluation » et assurer la communication entre « leurs systèmes d'information ».
Des instances de gouvernance, dénommées « comités France travail » seront instituées au niveau local, départemental, régional et national.
France travail (ex-Pôle emploi) sera l'opérateur en chef de ce réseau. Toutes les personnes privées d'emploi - chômeurs, jeunes, handicapés ou bénéficiaires du RSA - s'y inscriront directement ou via les CAF (lors d'une demande du RSA), les missions locales ou Cap emploi.
· Un contrat d'engagement
Le demandeur d'emploi et son conseiller référent signeront un « contrat d'engagement » qui définira cet objectif et l'intensité de l'accompagnement. Pour les bénéficiaires du RSA, c'est une référence aux 15 à 20 heures d'activités hebdomadaires (ateliers, formations, immersions, etc.), même si elles ne sont pas citées dans le texte.
Nouveauté dans le régime des sanctions : avant le couperet d'une radiation - peu appliqué - le conseiller pourra, sauf opposition du président du conseil départemental, suspendre le versement du RSA en cas de manquement, avec une régularisation rétroactive lorsque la personne respectera à nouveau ses engagements.
Le gouvernement veut « soumettre les allocataires du RSA au même contrôle que les chômeurs », « ça les stigmatise profondément », a dénoncé Sophie Binet (CGT) tandis que pour Marylise Léon (CFDT), la conditionnalité du RSA « est une ligne rouge ». « La plus grande stigmatisation c'est de maintenir les personnes dans la précarité », a répondu Olivier Dussopt.
· Améliorer l'emploi des personnes handicapées
Lorsqu'une personne recevra une reconnaissance du statut de travailleur handicapé (RQTH) accordée par une Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), celle-ci sera automatiquement transmise à France travail. Les conseillers de France travail recevront alors la personne pour déterminer son projet, ses besoins et l'environnement le plus adapté.
Elle pourra être orientée vers une entreprise ordinaire, avec ou sans dispositif d'emploi accompagné, vers une entreprise adaptée ou vers le secteur protégé des Esat (établissements et services d'aide par le travail, qui relèvent du secteur médico-social). Les MDPH ne pourront plus orienter d'emblée la personne vers un Esat, mais seulement sur préconisation de France travail.
Le projet de loi se donne pour mission d'aligner les droits des travailleurs des Esat sur ceux des salariés ordinaires. Ils resteront toutefois à l'abri du licenciement.
· Renforcer l'accueil de la petite enfance
Les communes de plus de 3.500 habitants deviendront « autorités organisatrices » de l'accueil du jeune enfant, avec comme mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l'offre. Un guichet d'information et d'accompagnement des parents sera également mis en place dans toutes les villes de plus de 10.000 habitants.
Le gouvernement veut créer 100.000 places d'accueil supplémentaires pour les jeunes enfants d'ici à 2027, avec l'objectif d'aboutir à 200.000 d'ici à 2030 - les jeunes enfants disposent actuellement de 458.000 places en crèche et 770.000 auprès d'assistantes maternelles. Il souhaite aussi renforcer la formation des professionnels et le contrôle des crèches.
Source : https://www.lesechos.fr/economie-france/social/france-travail-rsa-ce-que-prevoit-le-projet-de-loi-plein-emploi-1950084