DÉCRYPTAGE : Ce que veut le Nouveau Front populaire

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Après quatre jours de négociations, le Nouveau Front populaire a présenté son programme, décliné en une centaine de propositions. La rédaction d’Alternatives Economiques en décrypte les principales mesures.

Fourbus mais souriants sur la photo. Après quatre jours et quatre nuits d’âpres négociations, les représentants des partis de gauche (LFI, PS, Place Publique, PCF et les Ecologistes), réunis au sein du Nouveau Front populaire ont présenté leur programme commun. L’objectif de cette centaine de propositions est de « répondre aux urgences qui abîment la vie et la confiance du peuple français ».

Une fois aux manettes, le NFP entend décliner ces mesures selon un calendrier serré. D’abord, initier « 20 actes de ruptures » dans les 15 premiers jours : pousser le Smic a 1 600 euros, bloquer les prix de l’alimentation et de l’énergie, abroger les décrets sur la retraite à 64 ans et sur l’assurance chômage mais aussi chercher à restaurer la paix sur la scène extérieure (Gaza, Ukraine) et intérieure (Nouvelle-Calédonie)...

Puis, dans les « cent jours » et mois suivants, s’attaquer aux problèmes de logement, de santé, d’éducation ou de la jeunesse, mettre en place une autre politique migratoire, réintroduire une police de proximité, réindustrialiser la France, faire voter une grande loi énergie-climat…

Ce vaste plan de relance keynésien, social et écologique – qui n’est pas sans rappeler par certains côtés celui de Joe Biden – va désormais passer dans la lessiveuse des législatives. Ces propositions vont subir le feu des critiques. Sont-elles innovantes, crédibles, financées ? Alternatives économiques a choisi – pour commencer – d’en décrypter onze qui vont, à n’en pas douter, nourrir le débat.

1/ En finir avec la retraite à 64 ans

C’est peut-être « la » mesure phare portée par le Nouveau Front populaire (NFP) : « L’abrogation de la réforme des retraites, que nous ferons dans les quinze jours après notre victoire le 7 juillet prochain », a promis Marine Tondelier, patronne des Ecologistes.

L’annonce n’est pas une surprise, sachant que les partis de gauche se sont largement opposés au report de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans (au lieu de 62) en 2023. Mais c’est assurément une rupture avec la politique du gouvernement comme avec les ambitions des Républicains ou de l’extrême droite.

Les LR défendent une retraite à 65 ans. Le Rassemblement national, qui a longtemps milité pour une retraite à 60 ans, a dernièrement retourné sa veste : « La situation des finances publiques ne permet pas de revenir sur la réforme des retraites », justifiait Jordan Bardella. Tandis qu’Emmanuel Macron, la même semaine, répétait que sa réforme était « responsable » et que revenir dessus mènerait le système « à la banqueroute ».

Sauf que, comme nous l’expliquions dans cet article, le déficit du système des retraites relève bel et bien d’un choix politique. La droite et l’extrême droite préfèrent baisser les recettes dans le financement des retraites. Si le Nouveau Front populaire arrive au pouvoir, il les augmentera, en rééquilibrant le solde. Une option tout à fait réalisable, confirme l’économiste Michaël Zemmour pour qui « l’abrogation de la réforme est à portée budgétaire ».

Les moyens pour y parvenir sont encore discutés au sein du NFP. Une trajectoire budgétaire précise doit être présentée dans les jours qui viennent, mais « nous ferons en sorte de financer tout ce projet très ambitieux en le prenant dans la poche de ceux qui ont les moyens (ISF, exit tax) », a assuré Olivier Faure, patron du PS.

Le Nouveau Front populaire compte aller encore plus loin. Dans son programme, il réaffirme l’objectif commun du droit à la retraite à 60 ans, tablant sur un plan de financement de la durée d’une mandature. Une option plus délicate, « la marche étant un peu haute », prévient Michaël Zemmour.

Audrey Fisné-Koch

2/ Bloquer les prix pour rogner les marges des industriels

C’est une proposition qui a le mérite d’être compréhensible par tout le monde. Le Nouveau Front populaire ambitionne de bloquer par décret les prix de certains produits de première nécessité dans l’alimentation et l’énergie. Serait ainsi établi, pour quelques produits de grande consommation, un prix plafond au-dessus duquel il n’est pas légal de vendre ce paquet de pâtes ou ce légume.

Visant à redonner du pouvoir d’achat aux ménages populaires, une telle mesure ne devrait pas mobiliser les finances publiques, mais aurait comme autre objectif de ponctionner une partie des marges des entreprises. En creux apparaît le débat sur l’apparition d’une boucle profit-prix, l’augmentation des prix trouvant son origine dans l’évolution des marges des entreprises.

L’industrie agroalimentaire, le transport maritime et le secteur de l’énergie se sont notamment illustrés en 2022-2023 par une hausse de leurs prix supérieure au renchérissement de leurs coûts, alimentant donc l’inflation. Cependant, cela est plutôt resté limité à quelques secteurs.

Mais alors, est-ce que bloquer les prix permet de limiter le profit des firmes et d’augmenter le pouvoir d’achat ? Comme souvent, cela dépendra de la mise en œuvre. Quels produits seront concernés ? Quel niveau de prix sera imposé et comment celui-ci sera réévalué selon l’évolution des coûts de production ? Un niveau de prix trop élevé aura peu d’impact, mais un niveau trop bas pourrait casser le modèle économique de certains maillons de la chaîne de production.

Si le blocage des prix dans le domaine alimentaire représente une véritable rupture avec les politiques menées jusqu’alors, c’est moins le cas pour les tarifs de l’énergie. Le Nouveau Front populaire souhaite annuler la dernière hausse de 10 % du tarif de l’électricité et celle du gaz de 11 % prévue pour le 1er juillet prochain.

Ce serait vraisemblablement le levier fiscal qui serait mobilisé, ce qui reviendrait en quelque sorte à restaurer le bouclier tarifaire mis en place par les gouvernements d’Emmanuel Macron depuis 2021 et qui disparaissait progressivement.

Justin Delépine

3/ Indexer les salaires sur l’inflation pour soutenir le pouvoir d’achat

Il faut reconnaître le sens de la rime aux négociateurs de partis de gauche : Front populaire rime bien avec indexation des salaires ! Dans le « contrat de législature », un éventuel gouvernement Nouveau Front populaire aurait « cent jours » pour introduire ce dispositif dans une « grande loi pour le pouvoir d’achat » qui comprendrait aussi l’indexation de l’allocation adulte handicapé et la tenue d’une grande conférence sur l’emploi, les salaires et les qualifications.

Il faudra alors préciser ce que l’expression recouvre : cela peut aller de l’obligation sous contrainte de l’Etat de réunir les partenaires sociaux, pour qu’ils revalorisent les grilles de salaires des différentes branches professionnelles, à un modèle plus directif et centralisé1.

L’indexation sur l’inflation à elle seule ne suffit pas à une politique des salaires, car sur longue période, il est normal et sain que les salaires, qui reflètent la productivité du travail, progressent plus vite que les prix. En France, elle représenterait toutefois une rupture avec les politiques constantes, des gouvernements non seulement de droite, mais aussi de gauche. Officiellement, l’indexation des salaires en France a disparu en 1983, lorsqu’une loi Jacques Delors avait interdit les mécanismes faisant référence à l’indice des prix lors des négociations collectives.

La gauche puis la droite avaient ainsi piloté une politique de désinflation compétitive qui avait réussi à tuer l’inflation, qui était passée de 11,7 % à 0,7 % entre 1982 et 1998. Mais le partage de la valeur entre capital et travail s’en est trouvé profondément et durablement modifié. On estime que 6 points de PIB sont passés du travail vers le capital. Et si les marges se sont rétablies, les entreprises ont préféré les utiliser pour investir hors du pays et surtout distribuer de gros dividendes aux actionnaires.

Le système a tenu jusqu’à la réapparition massive de l’inflation en 2021. Faute d’indexation, et malgré le mécanisme du Smic pour les basses rémunérations, les salaires ont encaissé le choc inflationniste, en baissant de 2,5 % en valeur constante en 2022 et 2025. Mais à la différence des années 1970-1980 la cause de l’inflation n’est pas les salaires, mais les prix importés et les super profits des entreprises. Ce qui justifie la réouverture d’un débat que les économistes néolibéraux et le patronat espéraient définitivement clos.

Hervé Nathan

4/ Mettre les plus riches à contribution

Pour financer les priorités du Nouveau Front populaire (soutien au pouvoir d’achat, renforcement des services publics, transition écologique…), un fil conducteur : « la justice fiscale »a insisté Olivier Faure. Il s’agit de taxer les plus riches, non pas seulement pour en tirer des recettes, mais aussi pour réduire les inégalités. Les premiers visés sont les ultra-riches, ces milliardaires qui paient aujourd’hui relativement moins d’impôts que le reste des contribuables.

Première mesure, le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), supprimé par Emmanuel Macron, serait assorti d’une dimension climatique en imposant les placements néfastes aux activités polluantes. Suivent les suppressions de la « flat tax » qui impose – là encore depuis 2017 – tous les revenus du capital à un taux unique de 30 %, et des niches fiscales jugées « inefficaces, injustes et polluantes ».

Le Nouveau Front populaire propose également une réforme de l’impôt sur l’héritage, en instaurant un héritage maximal et en rendant cet impôt plus progressif pour mettre à contribution les très hauts patrimoines, de plus en plus concentrés.

Faire porter ce surplus d’imposition aux 1 % les plus riches augmenterait les recettes publiques de 10 à 20 milliards d’euros, une somme non négligeable à l’heure où l’exécutif précédent cherchait 50 milliards d’euros pour rétablir l’équilibre des comptes publics.

La taxation des plus riches devra aussi se faire à l’échelle européenne afin d’éviter le dumping fiscal au sein de l’UE et d’augmenter les ressources propres de l’Union pour financer ses politiques publiques.

Les entreprises qui ont bénéficié des crises récentes seront également mises à contribution via une taxe sur les superprofits. L’industrie agroalimentaire et la grande distribution sont notamment dans le viseur. Est évoquée, là encore, une généralisation au niveau européen, indispensable priori pour tenter de limiter les localisations artificielles de profits dans tel ou tel pays par les entreprises concernées, afin d’échapper à l’impôt.

Comme l’a montré l’institut des politiques publiques, cette optimisation explique en partie pourquoi les recettes de la taxe sur les superprofits des énergéticiens et pétroliers, mise en place en France fin 2022, ont été beaucoup plus faibles qu’attendues.

Aude Martin

5/ Instaurer la planification écologique pour de vrai

En matière d’écologie, le programme du Nouveau Front populaire ne recèle pas d’immenses surprises. On y retrouve les priorités communes de ses trois principales composantes, LFI, le PS et les Ecologistes, en matière de protection de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement.

Principales nouveautés par rapport au programme de la Nupes de 2022, les mesures d’urgence prévues pour les quinze premiers jours au pouvoir – un moratoire sur les grands projets autoroutiers et les mégabassines – s’inspirent directement des grandes luttes écologistes récentes.

Pour ses « cent jours », ensuite, le programme de gouvernement se veut plus classique, et moins précis. A part quelques mesures clés – notamment l’annulation de la fusion entre Agence de sûreté nucléaire (ASN) et Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN) – il s’agit pour l’essentiel de grands objectifs, déclinés dans une future « loi énergie climat » qui doit « jeter les bases de la planification écologique ».

On y retrouve certaines formulations prisées de LFI, comme la « règle verte » censée interdire de prélever plus de ressources que ce que les écosystèmes peuvent reconstituer. Sur les moyens, le programme promet une « isolation complète des logements » avec une « prise en charge complète pour les ménages modestes ». Un investissement à plusieurs milliards d’euros par an.

Côté production électrique, le programme insiste sur la nécessité de structurer des « filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables » et « refuse la privatisation des barrages hydroélectriques ». Mais nulle mention de la production nucléaire : ni construction de nouveaux réacteurs – voulus par les communistes –, ni date de démantèlement pour les réacteurs actuels.

A plus long terme, le programme prévoit plusieurs mesures structurantes. De régulation d’abord, avec un conditionnement des aides aux entreprises au respect de critères environnementaux, et « zéro financement des banques pour les énergies fossiles en commençant par les nouveaux projets ».

Concernant les transports, première source d’émission de gaz à effet de serre du pays, la coalition annonce « des tarifs accessibles et des mesures de gratuité ciblée (jeunes, précaires, etc.) dans les transports publics », ainsi qu’une TVA à 5,5 % sur la tarification des transports en commun, une mesure rejetée par le gouvernement en 2022. Sur le ferroviaire, outre un objectif général de développement, le programme prévoit de revenir sur la privatisation de Fret SNCF et d’adopter un moratoire sur la fermeture des petites lignes.

Pour enrayer le déclin de la biodiversité, on compte là aussi un mélange de mesures précises – « doubler et améliorer la protection des aires maritimes protégées »« rétablir les milliers de postes supprimés dans le service public de suivi et de protection de la nature » – et des objectifs généraux tels que « protéger la forêt » en sauvegardant les sols et l’emploi sylvicole, ou « atteindre durant le mandat le très bon état écologique et chimique de tous les cours d’eau ».

Déjà dans le programme commun de 2022, la tarification progressive de l’eau et la gratuité des premiers mètres cubes font leur retour. Tout comme, en matière agricole, la lutte contre les traités de libre-échange et pour une politique agricole commune plus agroécologique, ainsi que des mesures de protectionnisme écologique, un soutien de la filière bio et un plan de sortie de certains pesticides (glyphosate et néonicotinoïdes). Ce qui passe, sans surprise, par un rétablissement du plan Ecophyto, mis à mal par le gouvernement.

Globalement, ce « contrat de législature » reprend donc les orientations écologiques de la Nupes et y ajoute l’abrogation des mesures de régression environnementale prises durant le second mandat Macron.

Matthieu Jublin

6/ Soutenir l’Ukraine et reconnaître l’Etat palestinien

Les questions internationales ont été au cœur des discussions. Sous le titre « L’urgence de la paix », les forces de gauche se sont mises d’accord sur le fait de « défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières » et ce « par la livraison d’armes ».

Cette clarification était indispensable pour le parti de Raphaël Glucksmann, Place publique, qui a obtenu un bon score aux élections européennes (13,8 %), notamment grâce à son discours de soutien marqué à Kiev. Cette position se distancie en partie du programme de La France insoumise, qui proposait une « conférence sur les frontières » lors des élections européennes. Le programme acte également le soutien militaire à l’Ukraine, qui s’était progressivement imposé au sein de LFI au fil du conflit.

Sur Gaza, le programme commun appelle à un cessez-le-feu immédiat et réclame d’agir pour la libération des otages détenus depuis les « massacres terroristes du Hamas ». L’équipe Glucksmann tenait à cette formulation face à certains élus LFI, qui refusaient de qualifier de terroristes les responsables des attaques du 7-Octobre.

Le Nouveau Front populaire demande aussi la reconnaissance de l’Etat de Palestine (comme l’ont fait l’Espagne, l’Irlande et la Norvège) et appelle à « faire respecter l’ordonnance de la Cour internationale de justice, qui évoque, sans ambiguïtés, un risque de génocide ». On retrouve ici la patte insoumise : Raphaël Glucksmann, partisan de la reconnaissance du génocide des Ouïghours en Chine, refuse, lui, d’utiliser ce terme pour la situation des Gazaouis.

Eva Moysan

7/ Revenir à une politique d’accueil en matière d’immigration

L’abrogation de la loi « immigration », adoptée en décembre dernier avec les voix du Rassemblement national, puis rabotée par le Conseil constitutionnel pour être promulguée en janvier, constitue un des principaux éléments de rupture avec les politiques restrictives qui prévalent depuis des décennies.

L’alliance veut notamment garantir l’aide médicale d’Etat (AME), que la droite sénatoriale avait souhaité supprimer. Les autres mesures annoncées définissent un tournant dans les politiques d’immigration – et offrent des angles d’attaque aux partis de droite – en prenant le parti de l’accueil. Cela passe par la création de « voies légales et sécurisées d’immigration », mais aussi la facilitation de l’accès aux visas et des régularisations pour les travailleurs, les étudiants et les parents d’enfants scolarisés.

Également au programme, une révision de la politique d’asile : accompagnement social et autorisation de travailler pour les demandeurs d’asile, fin des mesures dérogatoires pour l’étude des demandes, création d’un statut de réfugié climatique.

Le Nouveau Front populaire se projette aussi à l’échelle de l’UE avec la mise en place d’une agence (nationale) de sauvetage en mer et sur terre, « dans l’attente de sa création au niveau européen », et le souhait de réviser le Pacte sur la migration et l’asile adopté par l’UE en mai, pour assurer « un accueil digne des migrants ».

Il s’agit enfin de « garantir le droit du sol intégral pour les enfants nés en France » – à rebours de Jordan Bardella qui a promis, vendredi 14 juin, sa suppression – et de « faciliter l’obtention de la nationalité française ».

Jérôme Latta

8/ Réviser largement les doctrines policières et de sécurité

Dans le délai des « cent jours », le Nouveau Front populaire entend « déployer de premières équipes de police de proximité, interdire les lanceurs de balle de défense et les grenades mutilantes, et démanteler les BRAV-M ». Ce retour de la police de proximité, créée par le gouvernement Jospin en 1998, puis démantelée par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy cinq ans plus tard au profit d’une désastreuse « culture du résultat », est la mesure phare d’un changement global d’approche de la sécurité.

Le NFP entend s’attaquer aux violences policières avec la mise en œuvre d’un nouveau code de déontologie, la suppression de l’IGPN et de l’IGGN au profit d’un « nouvel organisme indépendant » sous l’égide la Défenseure des droits, et la révision des conditions d’« ouverture du feu » des policiers, dont la modification en 2017 eut pour conséquence une augmentation des morts après un refus d’obtempérer. S’ajoutent la création du récépissé de contrôle d’identité, revendication de longue date des associations luttant contre les discriminations, et l’objectif d’améliorer la formation des policiers.

Pour autant, la coalition vise « l’augmentation des effectifs de police judiciaire, technique, scientifique, du renseignement, des unités en charge du narcotrafic, de la délinquance financière, du trafic d’êtres humains et du démantèlement des réseaux mafieux ».

Sur le plan plus global des libertés, le Nouveau Front populaire promet l’abrogation des « dispositions liberticides » des lois sécurité globale et séparatisme, et des lois « qui instaurent un état d’urgence permanent ». Une nette rupture, encore, y compris avec la gauche de François Hollande.

Jérôme Latta

9/ Reconstruire les services publics

Le programme du Nouveau Front populaire met l’accent sur les services publics. A juste titre, tant on sait combien ils ont été malmenés ces dernières années. Et combien ce point est central pour les électeurs du RN qu’il faut reconquérir, comme le rappelait le politologue Luc Rouban dans nos colonnes.

Alors que les besoins de la population ne cessent de croître, notamment sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie qui met le système de santé sous pression, mais aussi de la démocratisation scolaire ou encore de la nécessaire transition climatique, la part des fonctionnaires dans l’emploi total n’a eu de cesse de diminuer, passant de 16,3 % en 2006 à 14,6 % en 2021selon le collectif Nos services publics. Tandis que la dépense publique par habitant pour les services publics stagne depuis la crise de 2008, rappelait l’Institut La Boétie dans une récente note.

Face à cette érosion de la puissance publique, la gauche unie hiérarchise les priorités. Premières actions à décliner dans les quinze premiers jours : l’abrogation du « choc des savoirs » cher à Gabriel Attal et des mesures d’urgence pour éviter la saturation de l’hôpital public cet été, avec notamment une revalorisation du travail de nuit et du week-end pour le personnel hospitalier.

A moyen terme, le Nouveau Front populaire prévoit de faire deux grandes lois. La première sur la santé, avec à la clé une régulation de l’installation des médecins dans les déserts médicaux, des contraintes plus fortes pour les cliniques privées et un volet recrutement et revalorisation des métiers et des salaires des professionnels du soin et du médico-social.

La seconde, sur l’éducation, vise également à mieux payer les enseignants. Mais pas seulement. A rebours du précédent gouvernement, l’accent est mis sur la lutte contre la ségrégation scolaire, avec cette mesure ambitieuse : le financement des établissements scolaires, y compris ceux du privé, variera en fonction de leur respect d’objectifs de mixité sociale. Et pour faire progresser le plus grand nombre, la gauche promet des classes moins chargées (moins de 19 élèves).

Autre mesure symbolique : la fin de Parcoursup et de la sélection dans l’université publique. S’ajoutent à ce plan des mesures visant à soutenir le pouvoir d’achat : gratuité de la cantine scolaire, des fournitures, des transports et des activités périscolaires, repas à 1 euro dans les Crous et garantie d’autonomie pour compléter les revenus des ménages sous le seuil de pauvreté.

Dans un troisième temps, le programme prévoit d’autres transformations plus générales sous la bannière « le service public est de retour », que l’on ne listera pas en détail ici, mais qui montrent que l’enjeu est central pour la gauche et irrigue quasiment tout son programme.

Laurent Jeanneau

10/ Abandonner la politique « jeunesse » de Macron et accompagner vraiment

Entre abandon financier (on se souvient des files d’étudiants aux distributions caritatives de repas pendant la crise sanitaire) et encadrement autoritaire (Service national universel – SNU, volonté d’interdire les téléphones voire l’accès aux réseaux sociaux…), le bilan de la politique macroniste de jeunesse est loin d’être reluisant.

Le NFP a donc beau jeu de la prendre à revers, en promettant en premier lieu « d’arrêter le SNU pour soutenir à nouveau les associations de jeunesse et d’éducation populaire », qui sont effectivement exsangues. Surtout, la gauche propose la mise en place d’une « garantie d’autonomie qui complète les revenus des ménages situés sous le seuil de pauvreté », accessible à partir de 18 ans pour les personnes indépendantes fiscalement, et dès 16 ans pour les élèves des filières professionnelles.

Autrement dit, cette allocation garantirait, sous les conditions énoncées, un revenu minimum au niveau du seuil de pauvreté. Voilà qui trancherait avec le familialisme du système social français qui, plutôt que d’accompagner directement les jeunes, aide les parents à aider leurs enfants. Cette politique permettrait sans doute de sortir une fraction significative de la jeunesse d’une situation de grande précarité, pour un coût qui serait certes massif mais pas démesuré, que l’on peut estimer à moins de 10 milliards d’euros.

L’effort renouvelé envers la jeunesse version Nouveau Front populaire passe aussi, évidemment, par une refonte des politiques d’éducation, comme nous l’évoquons plus haut. Symbole parmi les symboles : l’abolition de Parcoursup. Mais comme, sur ce dernier point, le programme ne dit pas un mot de son ambition pour l’enseignement supérieur, cela reste pour l’heure un vœu pieux.

Xavier Molénat

11/ Encadrer les loyers dans toutes les zones tendues

Machine arrière, toute ! Comme sur un certain nombre d’autres points, le programme Logement du NFP consiste tout d’abord à défaire ce qui a été décidé depuis 2017. Exit, donc, la loi Kasbarian de 2023, qui avait notamment facilité les expulsions de squatteurs et de locataires après un impayé. Le NFP promet également de revenir sur les coupes budgétaires qui ont affecté les bailleurs sociaux depuis 2018 sous la forme d’une « réduction de loyer de solidarité » pour compenser la baisse des APL en 2017 (1,3 milliard d’économies par an). Les APL seraient d’ailleurs revalorisées de 10 %.

Mais la proposition la plus audacieuse c’est sans doute de rendre obligatoire l’encadrement des loyers (étendu aux prix du foncier !) dans les zones tendues. Dans son principe même, cette mesure de contrôle fait hurler les défenseurs du marché (et des propriétaires, bien entendu). Pourtant, appliqué à Paris depuis 2019 et par de plus en plus de villes à titre expérimental (Lyon, Montpellier, Bordeaux…), elle a fait la preuve de son efficacité – même si tout est loin d’être réglé – sans faire s’effondrer les marchés locatifs. Chiche ?

X.M.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/veut-nouveau-front-populaire/00111467?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_content=14062024&utm_campaign=quotidienne

 



20/06/2024
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