France Travail arrive, le mystère demeure !

 

 

 

 

France Travail arrive, le mystère demeure

Annoncée pour l’été, la «réforme France Travail»

souhaitée par Emmanuel Macron est toujours entourée

d’un épais brouillard. La nouvelle réforme de

l’assurance-chômage est également dans le flou. Les

rares pistes évoquées ne rassurent pas les organisations

syndicales.

Une seule petite phrase, évacuéeau beau milieu d’un

entretien-fleuve. Depuis sa réélection, Emmanuel

Macron n’a pas dit grand-chose sur sa volonté de

transformer Pôle emploi en un organisme baptisé

France Travail. Pourtant, le président semble vouloir

aller très vite.

«Dès cet été, la réforme France Travail, pour ramener

le plus possible de chômeurs vers l’emploi, va être

engagée»,a-t-il déclaré dans un entretien à la presse

début juin. Un objectif et un vague calendrier. Rien de

plus sur le fond ou la forme. Déjà, durant la campagne,

la mesure n’avait guère été détaillée et soulevait de

multiples questions.

Le président sortant évoquait simplement la création

d’un «guichet unique» dans chaque territoire,

associant «Pôle emploi, les missions locales, les

équipes d’insertion».

 

D’après les informations de Mediapart, un groupe de

travail de la direction générale de Pôle emploi aurait

planché sur le sujet ces dernières semaines et remis,

tout récemment, un rapport au ministère du travail. Il

y serait notamment question du RSA, selon une source

interne ayant eu accès au contenu de ce rapport.

«Pôle emploi, rebaptisé France Travail, pourrait

verser le RSA et accueillir, dans ses locaux, des

conseillers départementaux», indique cette source.

Rien de très surprenant. Comme Mediapart l’avait

déjà écrit, France Travail serait responsable de

la gestion de la nouvelle version du RSA, telle

que l’avait présentée Emmanuel Macron, avec une

obligation d’activité, entre 15 et 20heures par semaine.

Toujours selon cette source interne, une fusion des

missions locales et de Pôle emploi serait écartée.

«Les missions locales ne fermeraient pas», indique t-

elle. «Pôle emploi préconise un accord-cadre

extrêmement souple et simple. Des conseillers de

missions locales seraient déployés dans des agences

Pôle emploi mais uniquement dans une logique de

retour à l’emploi. Pas sur de l’accompagnement

social. Et la mise en oeuvre serait différenciée selon

les territoires», ajoute cette source, comparant cela au

rapprochement des équipes de Cap emploi, dédiées à

l’accompagnement des personnes handicapées, et de

Pôle emploi.

Une «vente à la découpe» des missions locales?

Lancé en 2020, ce rapprochement entend proposer un

«lieu unique d’accompagnement» dans les agences de

Pôle emploi. Le dispositif serait aujourd’hui achevé à

90%, selon Les Échos, qui évoquent«une hausse de

10% du taux de retour à l’emploi», grâce au dispositif.

Moins complexe et onéreuse qu’une fusion, cette

méthode pourrait donc inspirer le gouvernement

dans la mise en oeuvre de France Travail. «Tout

en assurant à Pôle emploi de rester un acteur

incontournable de l’accompagnement», souligne,

facétieux, un syndicaliste de l’opérateur. «Pôle emploi

essaie de récupérer de l’argent dévolu à l’union

nationale des missions locales pour être le pilote en

termes financiers mais aussi en termes de direction à

prendre.»

Selon lui, ce dispositif ménagerait également «les

potentats locaux qui ne veulent pas perdre la main

sur les missions locales». Les maires ou leurs élu·es

étant responsables des missions locales, une fusion

avec Pôle emploi rencontrerait sans nul doute de la

résistance.

«Je ne vois pas trop où serait la plus-value»,

commente Dimitri Hinault, secrétaire général de la

CGT des missions locales de Bretagne. Précisant qu’il

s’exprime en tant que conseiller de mission locale,

et pas au nom de son syndicat, il dit redouter «une

vente à la découpe» des missions locales et une

priorité donnée uniquement à l’accompagnement vers

l’emploi.

«L’emploi d’abord! C’est la doctrine du

gouvernement,souligne-t-il. On le voit, avec le contrat

d’engagement jeune : le jour où la personne signe un

CDI ou un contrat en alternance, l’accompagnement

est terminé. Auparavant, avec la Garantie jeunes, on le

maintenait au moins pendant la période d’essai. Mais

ça, c’est fini.»

Denis Gravouil, de la CGT

Le syndicaliste de Pôle emploi abonde totalement:

«Depuis le rapprochement avec Cap emploi,

les personnes en situation de handicap sont

accompagnées vers l’emploi et plus du tout dans

l’emploi. Ce levier a été cassé en route. Avec ce qui

se profile entre les missions locales et Pôle emploi, on

peut s’inquiéter: que vont-ils casser au passage?»

Désormais, il attend avec impatienced’en savoir plus

sur France Travail, et de manière officielle. Pour

l’heure, tout le monde est dans le brouillard. «C’est

l’embargo total!», déplore un cadre de Pôle emploi.

«Rien ne perle, tout le monde attend, il ne se passe

rien»,commenteun conseiller. «On suit ça de très

près, guettant les moindres déclarations», affirme

également Dimitri Hinault.

Quant aux organisations syndicales, elles ne sont

guère plus avancées. «C’est totalement opaque, on se

demande s’ils savent ce qu’ils veulent faire!», s’agace

Denis Gravouil, spécialiste de l’assurance-chômage à

la CGT. «Philippe Martinez [le secrétaire général de

la CGT–ndlr] a posé la question à Élisabeth Borne

et Olivier Dussopt, le ministre du travail. Ils ont

répondu qu’ils ne savaient pas, qu’ils allaient voir.

C’est comme d’habitude, Macron a son idée en tête

mais eux n’en savent rien. »

Durée d’indemnisation revue à la baisse

Sollicité par Mediapart,Pôle emploi renvoie vers le

ministère du travail, qui n’a pas répondu. Nous

n’avons pas non plus obtenu de réponses sur une

potentielle nouvelle réforme de l’assurance-chômage,

promise par Emmanuel Macron dans son programme.

«Il va falloir […] aller vers un système de

flexisécurité. Il faudra continuer à moderniser

le système d’indemnisation: plus le marché [du

travail] sera en tension, plus il sera réduit dans le

temps, pour inciter à un retour rapide à l’emploi»,

avait détaillé le président-candidat aux lectrices et

lecteurs de L’Est républicain, en avril 2022.

Des déclarations depuis confirmées, et précisées, par

l’actuel député MoDem de Savoie, Patrick Mignola,

sur Public Sénat. «Parce qu’on rentre dans une

société du plein emploi, on va avoir besoin à nouveau

de revoir les règles de l’assurance-chômage», a-t-il

prévenu. Selon lui, la durée d’indemnisation pourrait

être revue à la baisse pour les chômeuses et chômeurs

en quête d’un emploi dans des secteurs frappés par des

pénuries de personnel.

«Ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi, on doit

les indemniser plus et plus longtemps parce qu’il leur

faut plus de temps pour revenir sur le marché de

l’emploi. En revanche, ceux qui sont près de l’emploi,

qui pourraient retravailler, il n’y a aucune raison

qu’ils restent deux mois ou trois mois de plus au

chômage alors qu’il y a des besoins dans le BTP, dans

l’hôtellerie, dans la restauration, dans le tourisme…»,

a ainsi développé le député sortant, qui remet son

mandat en jeu.

Denis Gravouil, négociateur CGT de l’assurancechômage,

se montre surpris. «Moduler la durée

d’indemnisation en fonction du taux de chômage, c’est

un vieux truc du patronat. Mais le faire en fonction des

secteurs? Ça ressemblerait à une usine à gaz!»

Côté FO, Michel Beaugas se montre déjà intraitable: «

Tous les demandeurs d’emploi doivent être traités de

la même manière. Nous ne sommes pas d’accord avec

cela, c’est presque du travail obligatoire, sans aucune

contrepartie sur les conditions de travail et les salaires

dans ces secteurs en tension.»

Vers une prolongation du décret fixant les

règles?

Les organisations syndicales attendent désormais

la «lettre de cadrage» du gouvernement, en vue

de la renégociation de la convention d’assurance chômage

pour la période 2023-2026. Cette lettre est

censée arriver avant l’automne. L’actuel décret, fixant

les règles d’indemnisation, est en effet applicable

jusqu’au 31octobre 2022. Mais à la CGT, comme

chez FO, on redoute une prorogation dudit décret.

«C’est le bruit qu’on entend de plus en plus, déplore

Michel Beaugas. Nous on demande un retour à la

négociation.»

«Il va falloir sortir du bois et assez vite car on ne

va pas négocier la dernière quinzaine d’octobre»,

prévient aussi Denis Gravouil. Il rappelle que

d’importantes économies ont déjà été réalisées «sur le

dos des chômeurs» avec la réforme de l’assurance chômage,

définitivement entrée en vigueur en octobre 2021.

L’Unédic, gestionnaire de l’assurance-chômage, a

présenté ses prévisions financières début juin et affiché

un retour dans le vert, après la crise du Covid. Le

régime devrait connaître un excédent de 10 milliards

d’euros entre 2022 et 2024, dont les deux tiers

émaneraient de cette réforme.

Le gouvernement souhaitera-t-il enclencher la seconde

phase, en tentant d’instaurer une baisse de la durée

d’indemnisation? «On examinera les possibilités

de recours!», met déjà en garde Michel Beaugas,

de FO. Après le parcours très chaotique de la

première réforme, la saison 2 s’annonce d’ores et déjà

électrique.

 

Source : Médiapart

 



17/06/2022
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