Front national: notre contre-argumentaire en 20 fiches

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Il faut malheureusement prendre au sérieux le Front national et sa candidate, Marine Le Pen. Solidement installé depuis un quart de siècle, ce parti d'extrême droite peut encore surprendre. Mediapart a donc mené l'autopsie de son programme. Proposition par proposition, nous vous présentons son décryptage ainsi que notre contre-argumentaire. En vingt fiches techniques, comment dire "Non" au FN.

 

Comment évaluer le projet du Front national ? On pourrait l’écarter d’un revers de main, jugeant que les élucubrations xénophobes de la chef du parti d’extrême droite, Marine Le Pen, ne méritent pas de s’y attarder. Solidement installé dans le paysage politique depuis plus d’un quart de siècle, présent au second tour de l’élection présidentielle de 2002, susceptible de bouleverser une fois de plus cette élection, il faut malheureusement prendre au sérieux le Front national.

 

Mediapart l’a donc fait en s’astreignant à lire, ligne à ligne, les principaux documents programmatiques rendus publics. A quelques jours de la «convention présidentielle» de Marine Le Pen, qui se tiendra les 18 et 19 février à Lille, nous avons passé en revue la totalité des propositions du FN et de sa présidente. Celles développées dans son projet 2012 (lire notre «Boîte noire»), et celles annoncées récemment dans les médias.


Plusieurs livres et études publiés ces derniers mois donnent des contre-argumentaires, souvents pertinents (lire en page 3 de cet article). Pour notre part, nous avons choisi de produire notre propre boîte à outils pour répondre au projet du FN : une sélection de nos enquêtes et reportages sur le Front national de Marine Le Pen, mais surtout 20 fiches thématiques.

Chacune de ces fiches expose, décrypte et explicite un des 30 volets du projet de la formation d’extrême droite. Réalisé peu avant la présidentielle de 2012, ce travail de décryptage est toujours d'actualité. De ce qui était le programme Le Pen en 2012, nous pouvons tirer cinq enseignements principaux.

 

Le premier enseignement est que le Front national n’a rien oublié de son histoire et de ses racines. Il est bel et bien le parti de l’extrême droite française, qui va chercher dans l’entre-deux-guerres, le pétainisme et l’antigaullisme une partie de ses inspirations. On pouvait penser cette filiation oubliée pour construire, sous l’influence de plusieurs mouvements de ce type en Europe, un populisme radical. Ce n’est pas le cas.

 

Le «nouveau FN» continue ainsi à copier-coller de nombreuses propositions du FN de Jean-Marie Le Pen. Si la fille a laissé entendre qu'elle était plus «moderne» que son père, car elle est «une femme de son temps», les fondamentaux demeurent : «préférence nationale» (rebaptisée «priorité nationale»), stigmatisation des étrangers et obsession de l’immigration, rétablissement de la peine de mort par référendum, lutte contre l'avortement, opposition à la légalisation de l'euthanasie, politique familiale nataliste, retour à l'école d'avant 1968, mariage et adoption réservés aux couples hétérosexuels, etc. (lire notre fiche «Un "nouveau FN" bien proche de l'ancien»).

 

Le deuxième enseignement est plus surprenant. Il tient à la faiblesse de l’expertise, de la précision et de la cohérence de cet ensemble programmatique. L’analyse de l’état de la société française relève d’un salmigondis de revues de presse, empruntant, dans le plus grand désordre, statistiques ou travaux de recherche. Des affirmations contenues dans un chapitre sont contredites dans un autre. Des chiffrages trouvés ici ne sont plus les mêmes là. Des mesures sont clairement hors du cadre idéologique…

Ce manque de cohérence et de fiabilité vient souligner ce qu’est encore aujourd’hui le Front national : le parti des Le Pen, entreprise dynastique, où le travail théorique, la construction d’un corpus idéologique et l’affichage d’une véritable volonté de gouverner ne sont qu’accessoires. Le Front national demeure ce parti tribunitien construit sur les charismes du père puis de la fille. A contrario, imaginerait-on le FN aussi puissant si Bruno Gollnisch en était aujourd’hui le président ? En un quart de siècle de présence massive dans le champ politique, cette formation n’est donc pas parvenue à dépasser le stade des slogans et imprécations. C’est une raison d’espérer.

 

Le troisième enseignement peut être également une bonne nouvelle. L’immense majorité du programme du Front national est simplement inapplicable sauf à faire de ce pays une table rase. L’essentiel de son programme économique est une vue de l’esprit. L’ensemble des chiffrages est totalement fantaisiste. Le 12 janvier d’ailleurs, la présidente du FN avait convoqué la presse pour une mise en scène de graphiques, tableaux et chiffres. Un mois plus tard, cet exercice de chiffrage était mis à bas par le numéro 2 du FN, Louis Aliot. Invité de «Radio France Politique» le 5 février (voir cette vidéo à 14'15), il expliquait : «Bah... c'est financé, il suffira de mettre le budget en ordre de marche, de récupérer la compétitivité, la croissance, de faire des économies, c'est de la macro-économie.»

 

En plein exercice incantatoire, Louis Aliot ajoutait : «Il faut dire : la candidate c'est Marine Le Pen, il y a un projet. Il y a des économies à faire sur des postes budgétaires, c'est une économie d'ensemble qu'il faut voir, il ne faut pas sectoriser les mesures.» Marine Le Pen tombe ainsi en plein dans le travers qu'elle croit voir chez ses adversaires : «des slogans publicitaires aussi vides que creux». La campagne électorale peut ainsi être un moment de pédagogie citoyenne qui permettra de démonter un programme fantasmatique : à condition, justement, que ses adversaires en fassent une priorité.

 

Le quatrième enseignement est, lui, des plus inquiétants. On peut juger inapplicable ce projet et constater dans le même temps qu’il est porteur de ce qu’il faut bien appeler une guerre civile. Les remises en cause fondamentales des droits et libertés des citoyens, le pétainisme social, l’exacerbation de la priorité nationale articulée à une persécution des étrangers ou des Français d’origine étrangère sont autant de garanties de mettre le pays à feu et à sang.

 

L’isolement d’une France barricadée derrière ses frontières, ayant rompu avec l’Europe, donc indirectement avec les autres puissances démocratiques, est un autre danger funeste. Enfin le désastre économique programmé et la ruine de pans entiers de notre économie (agriculture, par exemple) rendraient simplement insupportable au pays une telle thérapie. On objectera que les programmes sont faits pour ne pas être appliqués. C’est d’ailleurs ce que le FN avait fait dans ses très rares conquêtes électorales locales. Les gestions médiocres, faites de renoncements et d’incompétence, de quelques villes vite perdues (Toulon et Vitrolles par exemple) ont montré que ce parti tribunitien ne pouvait passer l’obstacle de la gouvernance.

 

Le cinquième enseignement est que Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy se marchent dessus trop souvent. Surtout depuis que le président-candidat a énoncé les contours – très à droite – de son projet dans Le Figaro Magazine. Les deux candidats partagent un ensemble de positions (opposition au droit de vote des étrangers, à la légalisation de l'euthanasie, au mariage homosexuel) et de propositions (recours au référendum populaire). Surtout, leurs projets stigmatisent les «assistés» et les étrangers.

 

  • Nos 20 fiches (regroupées ici dans un seul dossier) :

1/ Un «nouveau FN» bien proche de l'ancien
2/ La sortie de l'euro
3/ La dette
4/ L'«Etat fort»
5/ Economie et social
6/ Agriculture
7/ Immigration
8/ Sécurité
9/ Justice
10/ Logement
11/ Santé et recherche
12/ Education
13/ Ecologie
14/ Place des femmes
15/ Laïcité
16/ Culture
17/ Démocratie et institutions
18/ Presse et numérique
19/ Politique étrangère
20/ Europe

 

source : https://www.mediapart.fr/journal/france/090212/front-national-notre-contre-argumentaire-en-20-fiches?page_article=1



02/12/2015

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