JO 2024 : Quand les demandeurs d’emplois deviennent des roues de secours

JO 2024 : Quand les demandeurs d’emplois deviennent des roues de secours

Faute de personnels suffisants pour assurer la sécurité des Jeux Olympiques de Paris, la région Ile-de-France contraint Pôle emploi à faire pression sur les demandeurs d’emploi pour les convaincre de devenir agents de sécurité… au détriment de toute autre orientation.

Vous cherchez un emploi ? Si vous êtes un adulte qui répond à l’unique exigence d’avoir entre 18 et 99 ans, vous deviendrez, de gré ou de force, agent de sécurité aux Jeux olympiques de Paris. Flairez l’opportunité : un emploi de trois semaines, en plein été, durant lequel vous pourrez faire le pied de grue pour l’accès aux sites sportifs, avec un badge autour du cou, au rythme d’horaires incertains. Alors, convaincu ? C’est en tout cas la presque seule opportunité que propose à ce jour Pôle emploi en Ile-de-France.

Pour l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, 30 000 agents de sécurité doivent être recrutés, dans un secteur déjà largement en tension. À presque un an de l’échéance, seuls 10% des postes étaient pourvus à la mi-avril. La région Ile-de-France a donc missionné Pôle emploi de recruter à tour de bras les demandeurs d’emploi, qui se voient convoqués à « un atelier découverte » des métiers de la sécurité d’une durée de 30 minutes. Un mail d’une cadre Pôle emploi d’Ile-de-France, que Charlie Hebdo a pu consulter, en dit long quant à la pression exercée par la direction régionale (en copie dudit mail), sur les agents de l’établissement public : « Ceux immédiatement intéressés ne font pas la Détection de potentiel – en rouge – mais sont reçus immédiatement par un conseiller animateur pour une inscription directe en formation. » Quant aux indécis, ils font une « détection de potentiel », de 45mn, pour les convaincre tout de même de suivre la formation.

Convocations obligatoires

Ces formations concentrent une grande partie des moyens financiers et humains de Pôle emploi. Selon Christophe Moreaux, membre du bureau national SNU Pôle emploi, la moitié des formations proposées par les agences sont dédiées au domaine de la sécurité privée : il reste, par agence, environ trois AIF (Aide individuelle à la formation) dans un secteur autre que ce dernier. « Si vous ne cherchez pas dans ce domaine-là, il est impossible de se former  », regrette le syndicaliste.

C’est ainsi qu’un menuisier demandeur d’emploi, interrogé par Charlie Hebdo, explique s’être vu refuser toute possibilité de formation, sinon celle de devenir agent de sécurité aux JO. « Donc, je cherche un emploi, et on ne me propose rien d’autre qu’une formation pour un poste de trois semaines… dans un an ? C’est absurde ! », tempête-t-il. « Autant de dépenses, autant de mobilisation de personnel, autant d’argent dépensé, tout ça pour les JO, ça ne semble pas justifié, estime Yann Gaudin, ex-conseiller Pôle emploi et lanceur d’alerte sur l’institution, alors certes, le secteur de la sécurité est en tension. Mais il y a une longue liste de métiers en tension qui auraient également besoin de former des volontaires. » « Pôle emploi doit aider chaque profil à trouver le poste qui lui correspond, regrette Christophe Moreaux. À aucun moment, on ne s’inquiète du besoin du demandeur. » « Honnêtement ? On convoque des femmes de 65 ans à devenir agente de sécurité, sans s’inquiéter de leur santé ou leur avenir, ajoute une conseillère Pôle emploi de la région. Et ces gens, que vont-ils devenir, après l’appel d’air des JO ? »

Formations express

Car la formation en question, d’une durée de trois semaines, permet d’obtenir une certification valable uniquement jusqu’en 2025 et qui permet de travailler dans la sécurité de l’événementiel seulement. « Normalement, la formation dure cinq semaines. Celle-ci a été raccourcie pour convaincre un public plus large : ils ne pourront pas faire de sécurité incendie, de télésurveillances, de rondes, ou travailler sur des sites industriels chimiques », explique Cédric Paulin, secrétaire général du Groupement des entreprises de sécurité (GES). Il ne s’agit donc pas d’une formation pérenne qui permette d’accéder à un emploi fixe.

Quid de la sécurité sur les sites concernés, dans un contexte où on recrute si largement et si vite ? « Le problème, c’est qu’on confie à des agents privés des missions d’ordre public de niveau régalien, en proposant des emplois précaires avec des horaires difficiles, poursuit Christophe Moreaux. On recrute très large sans faire fi de la qualité des personnes qu’on va avoir au bout du compte. Alors, forcément, on peut se poser des questions sur le profil de ces personnes. » Voilà qui est rassurant !

Source : https://charliehebdo.fr/2023/07/societe/jeux-olympiques-quand-demandeurs-demplois-deviennent-roues-de-secours/



07/07/2023
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