La nouvelle doxa économique contre les baisses d’impôt

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A ma droite, Philippe Martin, doyen de l’Ecole des affaires publiques de Sciences Po, longtemps soutien du président Emmanuel Macron, qui déclare chez notre confrère Les Echos« j’estime que la baisse d’impôt sur le revenu promise aux classes moyennes n’est pas opportune ».

Et d’appeler dans le même entretien à accroître les impôts : sur le foncier, sur les successions et sur le travail en revenant sur les baisses de cotisations sociales sur les hauts salaires. Conclusion de l’économiste : « le gouvernement aura du mal à tenir son dogme fiscal sur le refus de toute hausse d’impôt ».

La veille, et toujours à ma droite, Stéphane Carcillo, responsable de la division revenu/travail de l’OCDE intervenait dans l’émission de débats Les Experts de BFM Business pour dire que « la baisse des impôts, ça va être très compliqué dans les années qui viennent »« On est tous d’accord aujourd’hui ! », renchérit alors dans le même débat Philippe Aghion, professeur au Collège de France, ardent défenseur en son temps du programme électoral d’Emmanuel Macron.

Les impôts ont été voués aux gémonies pendant des années par l’orthodoxie économique. Dire que l’action publique, les services publics et la redistribution – dont l’Insee vient encore de montrer combien ils contribuaient à la réduction des inégalités – nécessite des recettes fiscales suffisait à vous classer dans le camp des Staliniens de l’économie.

La donne a clairement changé, la doxa économique s’est retournée. Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Le vieillissement démographique entraîne des besoins de dépenses supplémentaires en matière de santé, de dépendance et de retraite, la transition écologique réclame des besoins importants sur plusieurs décennies. Pareil pour la réindustrialisation, l’hôpital, l’école, l’armée ou encore la recherche.

Un calcul de coin de table indique qu’il va falloir de 10 à 15 points de PIB de dépenses publiques supplémentaires dans les années qui viennent. L’idéologie anti fiscale du gouvernement actuel, de Horizons et du reste de la droite apparaît de plus en plus à contrecourant d’une saine gestion des finances publiques. Ils se retrouvent désormais à l’opposé du bon sens économique.

Taxer les plus fortunés

On peut certes toujours proposer de réduire les autres dépenses publiques mais rien ne sera à la hauteur des besoins supplémentaires : le gouvernement a mis le pays en ébullition sur les retraites pour gagner un demi-point de PIB…

La France dispose également de marges de manœuvre sur sa dette mais là aussi, il y a des limites et tout ne pourra pas être payé par la dette.

Il faut se battre sans relâche contre la fraude et l’évasion fiscale, en passant déjà tout simplement par un renforcement du contrôle fiscal : chaque euro dépensé en la matière rapporte 21 euros aux caisses de l’Etat. Voilà de la dépense budgétaire productive !

Les enjeux financiers sont tels que l’avenir nécessite une montée des recettes fiscales. Aux pistes mises sur la table par Philippe Martin, il faut ajouter la taxation des revenus et du patrimoine des très aisés. L’OCDE a montré récemment que pour les hauts revenus, la taxation du travail est bien plus élevée que celle sur les dividendesun résultat confirmé par le spécialiste des finances publiques François Ecalle qui constate qu’en France « le taux de taxation des dividendes est toujours inférieur à celui des salaires et l’écart s’accroît avec les revenus ».

Quand 1 % de la population française détient pas loin de 30 % du patrimoine du pays, il existe des marges de manœuvre fiscales pour taxer les très fortunés sans susciter des cris d’orfraie sur le thème « haro sur les riches ». Ce n’est pas un hasard si cette semaine est lancée l’Initiative citoyenne européenne en faveur d’une taxation des grandes fortunes .

La France n’est pas le seul pays à faire face à un surcroît de recettes fiscales. Tous les pays sont confrontés au problème et il est là pour durer. Seuls ceux qui le résoudront auront une chance dans l’économie de demain. Avec son dogmatisme anti fiscal, le gouvernement nous conduit dans le mur.

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/nouvelle-doxa-economique-contre-baisses-dimpot/00108345
 


10/10/2023
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