Les pays riches vaccinent une personne chaque seconde

Les pays riches vaccinent une personne chaque seconde alors que la plupart des pays les plus pauvres n’ont pas encore administré la moindre dose

À l’OMC, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’UE bloquent les propositions visant à aider les pays pauvres à obtenir des vaccins plus rapidement

Un an après la déclaration de la pandémie de COVID-19, Oxfam alerte sur le fait que les pays en développement font face à de graves pénuries d’oxygène et de fournitures médicales pour prendre en charge les personnes atteintes de COVID-19, et que la plupart de ces pays n’ont pas encore pu administrer la moindre dose de vaccin contre la COVID-19. En revanche, depuis un mois, les pays riches vaccinent leur population à raison d’une personne par seconde.

Bon nombre de ces nations riches, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays de l’UE, bloquent une proposition déposée par plus de 100 pays en développement devant être étudiée les 10 et 11 mars par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette proposition demande de passer outre les monopoles détenus par les sociétés pharmaceutiques et d’autoriser l’augmentation de la production de vaccins sûrs et efficaces contre la COVID-19 de toute urgence, afin que les pays pauvres aient accès aux doses dont ils ont cruellement besoin.

Alors que davantage de pays pauvres recevront dans les prochains jours des doses venant du dispositif COVAX de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les quantités disponibles ne permettront de vacciner que 3 % de la population de ces pays d’ici au milieu de l’année, et à peine un cinquième dans le meilleur des cas d’ici fin 2021.

Près de 100 000 personnes soutiennent déjà une initiative citoyenne européenne lancée en novembre dernier par un rassemblement d’organisations de soignant-e-s, d’ONG, de syndicats, de mouvements étudiants et de partis politiques du continent pour exiger de la Commission européenne de cesser de protéger le contrôle exclusif sur les vaccins et les profits des grandes sociétés pharmaceutiques aux dépens de vies humaines.

D’après de récents sondages d’opinion menés par YouGov aux États-Unis, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, en moyenne plus des deux tiers (69 %) des personnes interrogées dans ces pays considèrent que les États devraient veiller à ce que la science et le savoir-faire en matière de vaccins soient partagés avec des fabricants qualifiés partout dans le monde, plutôt que de rester la propriété exclusive d’une poignée de géants pharmaceutiques, moyennant une compensation adéquate pour les équipes de développement de ces vaccins.

Sandra Lhote Fernandes, spécialiste Santé chez Oxfam France, déclare : « Cette terrible maladie a déjà coûté la vie à plus de deux millions et demi de personnes à travers le monde, et de nombreux pays luttent contre la pandémie sans disposer de ressources médicales adéquates et sont privés de vaccins. En laissant un petit nombre de sociétés pharmaceutiques décider de qui vivra et de qui mourra, les nations riches ne font que prolonger cette urgence sanitaire mondiale sans précédent et mettent d’innombrables autres vies en danger. En ce moment crucial, les pays en développement ont besoin de soutien, pas d’opposition. »

Oxfam avertit que l’histoire menace de se répéter en Afrique du Sud, au Malawi et dans d’autres pays d’Afrique. Des millions de personnes sont mortes au début des années 2000 car les monopoles pharmaceutiques avaient alors fixé le prix de leurs traitements efficaces contre le VIH/sida à des niveaux inaccessibles pouvant atteindre 10 000 dollars par an.

Les monopoles pharmaceutiques ont finalement été renversés, ouvrant la voie à la production de masse de traitements efficaces et peu coûteux pour les personnes vivant avec le VIH/sida. Sans cela, des millions de personnes encore en vie aujourd’hui seraient mortes.

Les 10 et 11 mars, plus de 100 pays en développement, au premier rang desquels l’Afrique du Sud et l’Inde, plaideront une nouvelle fois auprès de l’OMC pour demander une dérogation à l’Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), ce qui permettrait de lever les obstacles juridiques à ce que davantage de pays et de fabricants produisent des vaccins, protègent leur population et s’engagent sur la voie du relèvement économique.

Le Prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, ajoute : « Cet acte de solidarité humaine pour fournir des médicaments et des vaccins à l’ensemble de la famille humaine est dans l’intérêt des pays riches. Ce n’est pas simplement un acte de charité. Nous devons agir dès maintenant. Il n’est pas question de faire marche arrière. Il est absolument injuste que les pays riches bloquent la dérogation sur les ADPIC qui pourrait aider les pays pauvres à obtenir les vaccins dont ils ont tant besoin. »

Tous les grands laboratoires qui mettent au point des vaccins ont bénéficié de milliards de dollars de subventions publiques, et pourtant ces mêmes sociétés pharmaceutiques se voient accorder le monopole de leur production et des profits associés.

Au même moment, partout dans le monde, des sociétés compétentes pour produire les vaccins seraient prêtes à en produire davantage pour peu qu’on leur donne accès à la technologie et au savoir-faire aujourd’hui jalousement gardés par ces géants pharmaceutiques. Les capacités de production pourraient décoller en quelques mois. Selon Suhaib Siddiqi, ancien directeur de la division « Chimie » chez Moderna, qui a produit l’un des premiers vaccins approuvés, une usine moderne devrait être en mesure de produire des vaccins en à peine trois ou quatre mois pour peu qu’elle dispose de plans directeurs et de conseils techniques.

La France appelle à un accroissement de la production dans les pays en développement, et les États-Unis s’emploient à en faire autant au niveau national. Toutefois, jusqu’à présent, les deux pays continuent de défendre les monopoles des sociétés pharmaceutiques.

Pour vaincre le virus, il faut produire suffisamment de doses de vaccin dans différentes régions du monde, à un prix abordable, avec des allocations mondiales et un vaste déploiement gratuit dans les communautés locales. Mais jusqu’à présent, le monde échoue sur ces quatre fronts.

Winnie Byanyima, directrice exécutive d’ONUSIDA, déclare : « Face à tant d’altruisme, de sens du sacrifice et d’héroïsme, il est nécessaire de dénoncer l’hypocrisie, l’absence de solidarité humaine et les intérêts particuliers à court terme qui sapent les efforts pour combattre le virus dans les pays. Seule une mobilisation réellement mondiale de la production de vaccins pour accroître rapidement le nombre de doses abordables disponibles permettra d’y parvenir. »

Et Sandra Lhote Fernandes de conclure : « Un an après le début de la pandémie, il est scandaleux que certaines usines de vaccins soient à l’arrêt, incapable de produire des vaccins contre la COVID-19 car les pays riches privilégient les brevets des sociétés pharmaceutiques aux dépens de vies humaines dans le monde entier. Une suspension mondiale des brevets est indispensable pour accélérer la production de ces vaccins dans le monde entier. »

Sources : https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/les-pays-riches-vaccinent-une-personne-chaque-seconde-alors-que-la-plupart-des-pays-les-plus-pauvres-nont-pas-encore-administre-la-moindre-dose/

 



02/04/2021

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