Négociation sur l’assurance chômage : ce que prévoit la lettre de cadrage du gouvernement

 

  • Le 1er août, le gouvernement a adressé aux partenaires sociaux sa « lettre de cadrage », relative à la négociation des règles d’indemnisation de l’assurance chômage qui s’appliqueront à compter du 1er janvier 2024. Excluant toute remise en cause des dernières réformes, le document invite notamment à renforcer la participation financière du régime à France Compétences et France Travail, « tout en réduisant son endettement ». Les partenaires sociaux ont jusqu’au 15 novembre pour s’entendre.
Portée

 

La Première ministre Élisabeth Borne a envoyé le 1er août aux organisations syndicales et patronales, après concertation avec elles, la lettre de cadrage relative à la négociation de la convention d’assurance chômage,

Conformément à la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 (v. le dossier juridique -Empl. & chôm., chôm.- nº 170/2018 du 19 sept. 2018), le document définit les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière − atteindre le plein-emploi à l’horizon 2027, soit un taux de chômage à 5 % −, les objectifs d’évolution des règles du régime d’assurance chômage, ainsi que le délai dans lequel la négociation doit aboutir, d’ici au 15 novembre au plus tard. Reste à savoir si les partenaires sociaux négocieront. En effet, selon nos informations, l’intersyndicale devrait se réunir le 25 août afin notamment de déterminer ce point.

Désendettement du régime

Le premier objectif fixé par le gouvernement reste de « réduire significativement la dette » du régime d’assurance chômage. Pour ce faire, les partenaires sociaux sont invités à utiliser une « part majoritaire des excédents », « permis par les réformes de 2019 et 2023 ». Le niveau d’endettement de l’Unédic pourrait ainsi être divisé par près de deux d’ici à fin 2026 par rapport à la fin 2022.

Pour rappel, selon les dernières prévisions de l’Unédic, la dette atteindrait 56,3 milliards d’euros fin 2023, mais pourrait se résorber de près de 30 % d’ici à 2025 par rapport à son niveau de fin 2021 à la faveur d’une augmentation des recettes, essentiellement en lien avec la hausse des salaires portée par l’inflation, et d’une baisse des dépenses d’allocation sous l’effet des dernières réformes. Quant aux excédents, l’Unédic anticipe des soldes durablement positifs sur la période 2023-2025 : ceux-ci s’élèveraient à 4,4 milliards d’euros en 2023 et doubleraient à 8,7 milliards d’euros en 2025 (v. l’actualité nº 18817 du 16 juin 2023).

Co-financement de France Travail et de France Compétences

Dans le même temps, le gouvernement confirme sa volonté de mettre à contribution le régime d’assurance chômage en réaffectant également une partie des excédents « vers la politique en faveur du développement des compétences et d’accès à l’emploi. ».

D’une part, il s’agira de renforcer la participation financière du régime à Pôle emploi, futur France Travail : de 11 % des recettes de l’année N − 2 de l’Unédic (soit 3,9 milliards d’euros en 2022), celle-ci augmenterait « au fur et à mesure que le régime dégage des excédents pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes de l’Unédic ». En miroir, le financement de l’État pourrait être réduit dans des proportions qui ne sont pas précisées. D’autre part, le régime serait également mobilisé dans le financement de France Compétences pour atteindre le million d’apprentis en 2027.

Pas de remise en cause des réformes de 2019 et de 2023

Sans surprise, le document de cadrage exclut expressément toute remise en cause des récentes réformes, pourtant vivement contestées par les organisations syndicales.

Les futures règles de l’assurance chômage devront ainsi maintenir le principe de « contracyclicité » du régime issu du décret du 26 janvier 2023 (v. l’actualité nº 18724 du 30 janv. 2023), c’est-à-dire la modulation de l’indemnisation en fonction de la conjoncture économique et le marché de l’emploi, en vue de « contribuer à l’atteinte du plein- emploi » mais également « à la réduction des tensions de recrutement ».

De même, dans l’objectif de « lutter contre la précarité de l’emploi et favoriser l’emploi durable », le gouvernement impose le maintien des règles réformées depuis 2019 :

− le mode de calcul du salaire journalier de référence, modifié par le décret du 29 septembre 2021 afin de réduire le montant de l’allocation chômage des personnes alternant des périodes de travail et des périodes chômées (v. le dossier juridique -Empl. & chôm.- nº 225/2021 du 30 déc. 2021), ne devra ainsi pas « créer d’incitation plus favorable que le régime actuel au fractionnement des contrats et rester représentatif du rythme d’acquisition des droits » ;

− la durée minimale d’emploi pour ouvrir un droit au chômage, également durcie pour les fins de contrats de travail intervenues à compter du 1er décembre 2021 (v. le dossier juridique -Empl. & chôm.- nº 225/2021 du 30 déc. 2021), devra en outre être « suffisamment incitative à l’emploi » ;

− côté employeurs, la modulation à la hausse ou à la baisse du taux de contribution d’assurance chômage, dit « bonus-malus », mise en place par le décret du 26 juillet 2019 (v. le dossier juridique -Empl. & chôm.- nº 162/2022 du 8 sept. 2022), devra garantir « une incitation des employeurs à allonger la durée des contrats de travail et de mise à disposition ».

Autres objectifs généraux

Si le gouvernement semble laisser peu de marges de manœuvre aux négociateurs, d’autres objectifs plus généraux sont listés par le document de cadrage, sur lesquels ces derniers auront la main pour décider des paramètres à mobiliser pour les atteindre :

− tirer les conséquences de la réforme des retraites, et donc de l’allongement de la durée d’activité, sur les règles d’indemnisation des seniors et favoriser leur retour en emploi ;

− réduire certaines difficultés d’accès au droit à l’assurance chômage ;

− corriger les différences effectives d’incitation de retour à l’emploi selon le niveau de rémunération, les règles actuelles, identiques pour tous les demandeurs d’emploi, ne tenant pas compte des capacités effectives à retrouver un emploi.

Négociation sur certains régimes particuliers

Les partenaires sociaux devront également négocier sur les règles applicables à certains régimes particuliers :

− la situation particulière des anciens détenus ayant travaillé dans le cadre de contrats d’emploi pénitentiaires ;

− le régime propre à Mayotte, « le cas échéant dans un souci de convergence progressive vers le régime d’assurance chômage de droit commun ».

Enfin, en parallèle, d’ici au 15 novembre, devra également se dérouler une négociation spécifique sur les règles d’indemnisation applicables aux intermittents du spectacle. Le gouvernement invite ainsi les partenaires sociaux interprofessionnels à envoyer aux organisations d’employeurs et de salariés représentatives des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle un document de cadrage les invitant à négocier ces règles.

 

Lettre de cadrage du gouvernement



15/09/2023
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