Réforme de l'assurance chômage : «Le risque de voir baisser les indemnités est réel»

 

 

 

La réunion, prévue mercredi au ministère du Travail, avec l'ensemble des partenaires sociaux va donner le départ de la refonte de l'assurance chômage. Les discussions s'annoncent tendues.

 

Après les ordonnances de la loi Travail, votées le 28 novembre, le gouvernement s'attaque au dossier de l'assurance chômage. Objectif : l'étendre aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires et établir un bonus-malus pour taxer les entreprises qui utilisent beaucoup de contrats courts. Eric Heyer, directeur au département analyse et prévision de l'Office français des conjonctures économiques (OFCE), en décrypte les principaux enjeux.

 

 

Dans quel contexte s'ouvre ce 2e volet de réformes ?

 

Éric Heyer. Il s'inscrit dans les engagements du candidat Macron. D'abord, on négocie la flexibilité et on libéralise l'économie, ce qui a été fait avec la réforme du travail. Puis on sécurise les parcours professionnels. La nouveauté, c'est que la flexisécurité doit concerner tous les travailleurs, pas seulement les salariés. Emmanuel Macron est conscient que les nouveaux emplois créés par des plates-formes comme Uber, par exemple, ont besoin de protection. Le problème, c'est que cette logique se heurte à des contraintes budgétaires.

 

De quelle façon ?

 

Concernant les indépendants, l'accès à l'assurance chômage pourrait finalement être restreint aux seuls autoentrepreneurs, pour diminuer les coûts. Mais dans les faits, cela va coûter plus cher, parce que c'est la catégorie qui présente le risque le plus élevé d'être au chômage. Et parce qu'il peut y avoir un effet d'aubaine de la part des chefs d'entreprise qui inciteront les autoentrepreneurs à se mettre au chômage entre deux missions. Il faut comprendre que, dans le système actuel, le paiement des prestations est réparti entre tous les salariés qui cotisent à l'assurance chômage. Un cadre cotise plus qu'un ouvrier alors que son risque d'être au chômage est beaucoup moins élevé. Pour l'instant, le risque est mutualisé.

 

Pourtant, l'Unédic est en déficit ?

 

Sur cette question, beaucoup d'idées fausses circulent. Certes, il y a un léger déficit, mais c'est normal avec un taux de chômage aussi élevé. Et, en 2016 par exemple, les indemnités versées aux demandeurs d'emploi correspondaient aux cotisations perçues, malgré un chômage de 9,5 %. Et si on prend le régime des cadres, il est même largement excédentaire. Or on entend souvent dire que le déficit est dû au fait que les chômeurs perçoivent des indemnités trop élevées.

 

Pourraient-elles diminuer ?

 

Oui, le risque de voir baisser les indemnités chômage est réel. En 2018, les cotisations chômage prélevées aux salariés seront supprimées et remplacées par une hausse de 1,7 % de la CSG. Mais on ne sait pas encore quelle part va aller à l'Unédic. Donc on est en train de lui retirer des recettes et de lui ajouter des dépenses. La tentation sera forte de dire qu'il faut jouer sur la durée d'indemnisation et son montant alors qu'il faudrait prendre le temps de se poser les bonnes questions.

 

Mais n'est-ce pas ce qui va se passer à partir de mercredi ?

 

Non, l'Etat demande aux partenaires sociaux de négocier en les menaçant de reprendre en main l'Unédic. Or il faut, dans un climat serein, mener pour l'assurance chômage un état des lieux en profondeur comme on a réussi à le faire pour les retraites.

 

Le poids de la dette de l'Unédic

 

Au dessus de la réforme de l'assurance chômage plane l'ombre pharaonique des 37 Mds€ de dette de l'Unédic. « Si on regarde la collecte des cotisations et le paiement des prestations, non seulement ce bilan est équilibré, mais il dégage 2 Mds€ d'excédent en moyenne, même après dix ans de crise », souligne Bruno Coquet, économiste, auteur du livre « Un avenir pour l'emploi » (Ed. Odile Jacob). Mais alors, d'où provient la dette ? « Le régime des intermittents du spectacle coûte 1 Md€ par an, auxquels s'ajoutent les 3,5 Mds€ que l'Unédic verse à Pôle emploi chaque année. l'Unédic se retrouve en deficit à cause de ça. Dans les faits, la dette de l'Unédic, c'est la dette de l'Etat. »

 

 

 



15/12/2017
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