Taxation des dividendes : cette bonne idée qui ne verra pas le jour

Taxation des dividendes : cette bonne idée qui ne verra pas le jour

Jacques Littauer

Mis en ligne le 13 octobre 2022

Des députés de droite, de gauche et d’extrême droite ont voté un amendement au projet de budget en faveur d’une taxation accrue des dividendes. Une idée qui peut sembler loufoque, mais qui s’avère bonne pour l’emploi.

 

On ne s’ennuie pas à l’Assemblée. La nuit dernière, les représentants de la nation ont adopté un amendement prévoyant une taxation accrue des dividendesL’initiative n’est pas venue des insoumis en guenilles, mais de Jean-François Mattei, président du groupe MoDem. 227 députés ont voté pour, seuls 88 s’opposant à cette rigolote initiative.

Il s’agirait de taxer à hauteur de 35 % les « super-dividendes », c’est-à-dire ceux qui dépassent de 20 % leur niveau moyen observé au cours de la période 2017–2021. Décidément, tout est super, en ce moment, superprofits, super-dividendes. Il n’y a que l’essence qui ne l’est plus ! (J’espère que vous saisissez la très haute qualité de cette blague).

 

Le toujours fidèle au patron Gabriel Attal a bien sûr sermonné ces garnements en leur rappelant que « la France est redevenue le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe », une politique qui « porte ses fruits », selon lui. Il les a enjoints de ne pas « brouiller » le message TOUJOURS MOINS DE TAXES SUR LES ENTREPRISES, hurlé par Manu au monde entier.

 

Le léger souci est que ces fruits n’existent pas. Côté emploi, une nouvelle étude de France Stratégie a montré l’échec quasi-total du CICE inventé par Macron, qui aurait créé 100 000 emplois pour 20 milliards d’euros perdus par les caisses publiques, soit un coût grotesque de 200 000 euros par emploi créé. Et, côté compétitivité, notre déficit commercial atteint des niveaux historiques, et ce sans prendre en compte la hausse du coût de l’énergie.

 

Évidemment, l’amendement ne sera pas retenu dans la loi de finances finale qui sera adoptée sans vote, au moyen de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, selon lequel le gouvernement peut engager sa responsabilité sur un texte, certes au risque d’être démis de ses fonctions par une motion de censure. Mais celle-ci doit être adoptée à la majorité absolue des députés, chose qui n’a aucune chance d’arriver, puisque les élus LR ne la voteront pas.

 

Plus de taxes sur les dividendes = plus d’emploi

 

À l’heure où les capitaux se baladent sur la planète plus rapidement que je ne me rends au café d’en bas de chez moi, au moment où tous les États baissent les taxes sur les riches, comme au Royaume-Uni (même si les réductions d’impôts accordées par Liz Truss sont moins fortes que prévu suite à la panique sur la livre sterling qu’elles ont initialement engendrée), prendre plus aux actionnaires peut sembler loufoque.

 

Et pourtant. Cela est passé inaperçu, mais François Hollande a pris une mesure de gauche, si si, en augmentant la taxation sur les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires chaque fin d’année. Cette politique a accru l’investissement, et l’emploi, ainsi que l’ont démontré Adrien Matray, professeur à Princeton, et Charles Boissel, dans une étude publiée dans la American Economic Review, et dont les résultats sont résumés en français ici.

 

La hausse décidée était forte, le taux de taxation passant de 15,5 % à 46 %, afin de l’aligner sur les revenus du travail. Selon les calculs extrêmement minutieux d’Adrien et Charles, les dirigeants de SARL – seuls concernés par cette mesure – ont bien réduit les versements à leurs actionnaires. Et, comme il leur restait plus d’argent, ils ont plus investi dans leur boîte, modernisant l’économie et créant des emplois. Du tout bon, Monsieur Hollande !

 

Des résultats empiriques qui s’opposent à ce que mes « chers » collègues enseignent à longueur de journée à leurs étudiants. Comment s’expliquent-ils ? Selon les auteurs, ce serait un intérêt bien compris des chefs d’entreprises : comme ils savent que la taxation sur les dividendes baissera avec un futur gouvernement de droite – ce qu’il s’est passé avec Emmanuel Macron – ils ont intérêt à investir beaucoup quand la fiscalité est élevée, et ainsi accroître les profits futurs, ce qui leur permettra alors de se verser à eux-mêmes des super-dividendes, en tant qu’actionnaire de leur entreprise. Futé, non ?

 

Bref, une nouvelle fois, loin de s’opposer, justice fiscale et efficacité économique vont de pair. J’en profite pour vous signaler que, si vous voulez mieux connaître la réalité économique et sociale que nombre de vos élus, la CGT a compilé un extraordinaire document, que vous trouverez ici. La taxe, voilà l’avenir ! ●

 

Source : https://charliehebdo.fr/2022/10/economie/taxation-dividendes-bonne-idee-ne-verra-pas-jour/?

 



14/10/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi



Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Espace de gestion