Télétravail : le grand retour au bureau

teletravail-2

 

 

Ce n’est pas la fin du télétravail mais un sérieux retour en arrière : de nombreuses entreprises demandent aujourd’hui à leurs salariés de revenir au bureau. En France plus encore que dans les autres pays occidentaux.

Début août 2023, le patron de Zoom a réuni ses cadres dirigeants pour leur demander de faire revenir leurs équipes au bureau au moins deux jours par semaine. Les propos d’Eric Yuan n’avaient pas vocation à être publics : voir le fondateur d’un des champions de la visioconférence plaider pour moins de télétravail a quelque chose de paradoxal. Mais un enregistrement audio a fuité sur le site d’information Business Insider : on y entend Eric Yuan parler de perte de confiance entre salariés qui ne se connaissent plus, de manque de créativité du fait de la difficulté à débattre en ligne, d’un excès de cordialité dans les échanges virtuels…

Ce mélange de considérations business et de jugements moraux se retrouve dans les propos du directeur général d’un groupe de services aux PME de 250 salariés dans l’ouest de la France :

« Entre les formations, les rendez-vous en clientèle, les RTT et le télétravail, il devient impossible de savoir qui fait quoi, explique-t-il. La pression retombe sur les assistantes qui n’arrivent plus à joindre personne quand un client appelle ou se présente en agence. »

De deux jours par semaine, il a ramené le quota maximal de télétravail à une seule journée. « C’est impossible de faire autrement : les salariés ne sont pas prêts à y renoncer, concède-t-il. Mais s’il ne tenait qu’à moi, il n’y aurait plus de télétravail du tout. Ceux qui ont besoin de rester chez eux pour garder leur enfant malade ou caler un rendez-vous avec le plombier n’ont qu’à prendre un jour de RTT. »

Gains de productivité

Il n’aurait sans doute pas dit la même chose il y a trois ans. Culturellement réticents à l’égard du management à distance, les employeurs français ont été stupéfaits de découvrir que durant le confinement de 2020, la généralisation du télétravail a dopé la productivité dans des proportions inédites : de 22 % selon le think tank Sapiens, 23 % selon le cabinet d’études Kronos…

Aujourd’hui encore, les économistes Antonin Bergeaud, Gilbert Cette et Simon Drapala1 estiment qu’une « augmentation globale importante du recours au télétravail à long terme pourrait améliorer la productivité denviron 10 %. »

Les salariés français aimeraient pouvoir travailler à distance en moyenne 1,4 jour par semaine

Il semblerait pourtant que les entreprises françaises n’y trouvent plus leur compte. Une enquête menée au printemps dernier par l’institut de recherche indépendant CESifo dans 34 pays fait apparaître un fossé entre les pays anglophones (USA, Canada, Royaume-Uni, Australie), où le télétravail reste pratiqué en moyenne 1,4 jour par semaine et l’Europe (0,8 jour par semaine).

Les réticences des employeurs à l’égard du télétravail sont redevenues très importantes en France, où la moyenne se situe en queue de classement, à 0,6 jour par semaine. La demande des salariés reste pourtant forte : ils aimeraient pouvoir travailler à distance en moyenne 1,4 jour par semaine : plus du double de ce qui leur est aujourd’hui accordé.

Juste équilibre

Les salariés sont conscients des limites du télétravail : une large majorité des 42 426 personnes interrogées par CESifo dans le monde (dont 2 500 en France) estime que la vie au bureau est un facteur de socialisation (62 %), qu’elle enrichit le travail collaboratif (54 %) et marque une limite plus claire entre la vie professionnelle et la vie personnelle.

L’étude sur les rémunérations 2023 menée par le cabinet de recrutement Hays auprès de 1 500 candidats et recruteurs montre que les salariés sont loin d’aspirer au « tout télétravail » : 34 % déclarent qu’ils démissionneraient si leur entreprise l’imposait alors qu’à peine 2 % en seraient ravis.

Le télétravail garde en effet de sérieux atouts, si l’on se réfère à l’étude internationale du CESifo : pas de temps perdu dans les transports (60 %), des économies sur les frais de déplacement et de repas (44 %) et une plus grande flexibilité dans l’organisation de leur travail.

Ces considérations sont loin d’être anecdotiques. Au contraire, l’étude de Hays France montre que les trois principaux facteurs d’attractivité d’un emploi (en dehors du salaire) sont l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle (57 %), l’environnement de travail (54 %) puis le caractère stimulant de la fonction (46 %).

Aujourd’hui, 46 % des candidats à l’embauche se disent prêts à refuser un poste en 100 % présentiel. Le télétravail a, certes, montré ses limites. Mais il répond aux aspirations des salariés.

Sabine Germain

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/teletravail-grand-retour-bureau/00109219



28/12/2023
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi



Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Espace de gestion