Assurance chômage : où trouver les économies ?

 

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Les partenaires sociaux ont remis le couvert. Ils sont à nouveau attablés pour négocier les règles de l’assurance chômage. Aucune urgence de calendrier : la dernière convention signée en avril 2017 pour trois ans n’est pas encore arrivée à échéance. Mais, conséquence du volet assurance chômage de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », votée le 1er août dernier, le gouvernement a invité patronat et syndicats à négocier les modalités d’un bonus-malus sur les contrats courts. Et à se saisir de l’occasion pour remettre toutes les règles d’indemnisation à plat. Aucune mesure ne doit être « taboue », a déclaré l’exécutif.

De son côté, le tout nouveau président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, en a profité pour lister une série de mesures censées « favoriser le retour à l’emploi ». Mais s’agit-il d’inciter les demandeurs d’emploi à reprendre plus vite le chemin du travail ou de faire en sorte, comme le suggèrent certains syndicalistes en coulisses, de « leur faire les poches » ?

 

A ce stade, les recettes avancées par le gouvernement et le patronat ont pour l’essentiel un air de déjà-vu. Et sont davantage axées sur la tuyauterie financière afin de faire baisser les dépenses que sur une réflexion pour encourager les chômeurs à retrouver des emplois de qualité. Alors que l’assurance chômage vit de profonds bouleversements (suppression des cotisations chômage payées par les salariées compensées par une hausse du taux de la CSG, ouverture de nouveaux droits aux démissionnaires et aux indépendants…), de nouvelles sources d’économie sont à l’ordre du jour : le chiffre de 800 millions à 1 milliard d’euros par an circule parmi les partenaires sociaux, selon le quotidien Les Echos.

 

Zoom sur sept mesures qui sont actuellement sur la table des négociations.

 

1/ Le retour de la dégressivité

Faut-il rendre les allocations chômage dégressives ? Cette option, qui consiste à faire baisser les allocations dans le temps, est une nouvelle fois mise en avant par le patronat et le gouvernement. L’idée sous-jacente veut que des droits constants, trop généreux, dissuadent les demandeurs d’emploi de se lever le matin.

 

Aujourd’hui, un chômeur perçoit tous les mois la même somme : un taux de remplacement de 57 % de son ancien salaire brut, versé jusqu’à 24 mois maximum (30 mois à partir de 53 ans et 36 mois pour les 55 ans et plus), sachant que la durée d’indemnisation moyenne tourne autour d’un an (les demandeurs d’emploi retrouvent un travail avant l’échéance) et qu’un allocataire sur quatre a moins d’un an de droit au chômage. La moitié des allocataires sont en effet indemnisés après la fin d’un CDD ou d’une mission d’intérim.

 

Si la dégressivité s’avère profitable pour les finances de l’assurance chômage, elle ne favorise pas le retour à l’emploi

 

Contrairement à des mesures qui n’ont jamais été testées en grandeur nature, différentes modalités de dégressivité ont déjà été expérimentées en France (de 1986 à 2001). Ce dispositif est aujourd’hui appliqué dans de nombreux pays : Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne… Et fait l’objet d’une littérature comparative abondante. On peut donc se faire une idée assez précise de son efficacité.

Or, si le système s’avère profitable pour les finances de l’assurance chômage, la majorité des études ne montre aucun avantage en matière de retour à l’emploi, explique l’OFCE qui a compilé les données sur le sujet. L’économiste Michel Husson a fait de même : au mieux, les chômeurs acceptent des emplois moins bien payés qui pourraient être occupés par des actifs moins qualifiés. Au pire, ils s’appauvrissent en attendant de basculer dans l’allocation de solidarité spécifique (ASS) qui relève de l’Etat (voir point 4).

 

2/ Un plafond pour les cadres

Corollaire de la dégressivité, le débat sur la générosité de l’indemnisations’accompagne de propositions pour plafonner les indemnités versées aux cadres. Souvent pointé du doigt, le montant maximal des allocations en France (7 400 euros bruts par mois ou 245 euros par jour) figure parmi les plus élevés en Europe. Mais ces sommes sont versées à 0,02 % des allocataires, soit moins 500 personnes en 2016..

 

Les cadres sont contributeurs nets à l’assurance chômage

 

Et en contrepartie, ces salariés qualifiés sont de gros contributeurs à l’assurance chômage. D’un côté, ils rapportent davantage de ressources : leurs cotisations, proportionnelles à leurs salaires, sont plus élevées que les autres salariés. De l’autre, ils coûtent moins cher : non seulement les cadres sont peu au chômage, mais ils n’y restent pas longtemps. Leur demander de cotiser toujours plus sans pouvoir bénéficier du système assurantiel est une option difficilement envisageable pour les syndicats, et au premier chef pour la CFE-CGG qui défend cette catégorie.

 

3/ Créer une allocation forfaitaire

Parmi les propositions chocs de Geoffroy Roux de Bézieux pour réformer l’assurance chômage, figure la création d’une allocation forfaitaire prise en charge par l’Etat et doublée d’une assurance complémentaire obligatoire gérée par l’Unédic, qui dépendrait des cotisations patronales. Ce régime, non garanti par l’Etat, devrait sans cesse être à l’équilibre. Après la décision du gouvernement de supprimer les cotisations chômage payées par les salariés et de les compenser par une hausse du taux de la CSG, ce système porterait un nouveau coup à la logique assurantielle du régime actuel. Mais signerait surtout un retour en arrière.

 

Jusqu’en 1979, ce système de fusée à deux étages existait en France, avant de faire faillite. L’Etat avait en effet tendance à baisser sa subvention tandis que les partenaires sociaux, de leur côté, augmentaient le niveau des allocations au fur et à mesure que le chômage s’amplifiait.

Le danger d’un tel système est qu’au moindre coup de rabot budgétaire, l’Etat se désengage financièrement, comme il le fait pour l’assurance maladie, et que les partenaires sociaux qui gèrent l’Unédic, Medef compris, aient à pallier les baisses de revenus des demandeurs d’emploi, menacés d’être les grands perdants d’un tel régime.

 

4/ Arrêter de faire financer Pôle emploi par l’Unédic

La santé de l’Unédic dépend de l’évolution du taux de chômage (plus il baisse, moins elle a d’indemnisation à payer) et de la croissance (plus l’emploi se développe, plus les cotisations alimentent ses caisses). Bonne nouvelle de ce point de vue, l’assurance chômage anticipe des excédents : 3,6 milliards à l’horizon 2021 contre un déficit de 3,4 milliards d’euros en 2017. De quoi commencer à faire maigrir sa dette. Celle-ci pourrait atteindre, selon l’Unédic, 35 milliards fin 2019 et 29,8 milliards en 2021. Ces prévisions ne prennent toutefois pas en compte l’impact des réformes qui ouvrent davantage de droits aux démissionnaires et aux indépendants.

Le régime assurantiel de l’Unédic se porte bien : il est excédentaire depuis 25 ans. 

 

Quoi qu’il en soit, cette dette est loin d’être imputable aux chômeurs de droit commun (hors annexes liées aux intermittents ou aux intérimaires). Le régime assurantiel de l’Unédic se porte même bien. Depuis 25 ans, il est excédentaire. Les cotisations versées par les salariés et les employeurs ont toujours été supérieures à l’ensemble des prestations versées. En 2017, 35,7 milliards d’euros de contributions ont été collectées pour 34,3 milliards d’allocations versées.

 

Problème, l’Unédic ne verse pas que les allocations. Elle finance également les points de retraite complémentaire des chômeurs et le fonctionnement de Pôle emploi. Ce dernier poste représente 10 % des recettes de l’Unédic, soit 3,2 milliards d’euros en 2015. D’où la proposition du patronat de basculer cette charge sur les épaules de l’Etat. Une façon d’alléger considérablement la dette de l’Unédic.

 

5/ Une allocation pour les chômeurs de longue durée

Qui va payer quoi ? Le gouvernement évoque pour sa part la piste d’une allocation pour les chômeurs de longue durée qui serait prise en charge par l’Unédic et non plus par l’Etat. Aujourd’hui, chômeuses et chômeurs en fin de droit basculent dans un autre régime qui relève de l’Etat. Versée par le biais de Pôle emploi, cette allocation de solidarité spécifique (ASS) s’élève à 16,48 euros par jour et est attribuée sous conditions de ressources (650 euros par mois pour une personne seule et 1 300 euros pour un couple).

 

La facture est non négligeable pour les finances publiques, soit 2,5 milliards d’euros par an. Et cela d’autant plus que le nombre de chômeurs de longue durée inscrits à Pôle emploi explose. La moitié des chômeurs (47 %) inscrits à Pôle emploi le sont depuis plus d’un an. Sur ces 2,6 millions de chômeurs, un peu moins d’un million y sont inscrits depuis plus de trois ans.

 

Le débat se focalise surtout sur la question du financement d’une allocation chômage de longue durée – par l’Unédic ou par l’Etat. Mais il ne règle en rien le retour à l’emploi ni l’accompagnement de ces personnes durablement éloignées du monde du travail.Sur ce plan là, il faudra attendre le bilan du plan d’investissement dans les compétences (PIC), soit 15 milliards d’euros qui seront déployés entre 2018 et 2022 afin de former un million de jeunes peu qualifiés et un million de chômeurs de longue durée.

 

6/ S’attaquer à la permittence

Autre piste ouverte par la loi de la ministre du Travail votée le 1er août dernier : limiter les abus liés à la « permittence ». Pour favoriser le retour à l’emploi, les conventions d’assurance chômage successives ont favorisé le cumul emploi-chômage. Autrement dit, le cumul d’un salaire et d’une allocation chômage. L’objectif poursuivi était de faire en sorte que les demandeurs d’emploi n’aient jamais à redouter de perdre leurs droits au chômage lorsqu’ils acceptent un boulot – même de très courte durée et/ou moins bien rémunéré que leur précédent emploi. Effet pervers de ce système, l’assurance chômage en est arrivée à subventionner des contrats précaires qui lui coûtent très cher.

 

1,7 million de demandeurs d’emploi travaillent en activité réduite tout en restant inscrits à Pôle emploi

 

Faute de trouver un emploi mieux rémunéré ou à temps plein, 1,7 million de demandeurs d’emploi travaillent en activité réduite tout en restant inscrits à Pôle emploi (catégorie B et C). Et parmi eux, 865 000 cumulent cumulent allocations et salaires. Une aubaine pour certains employeurs qui peuvent ainsi maintenir des rémunérations basses et multiplier les contrats temporaires, le complément de salaire ou les inter-missions entre deux périodes d’activité étant assurées par l’Unédic. Pour autant, limiter dans la durée la possibilité de conjuguer allocation chômage et salaires, comme le suggère le gouvernement, pénaliserait avant tout les demandeurs d’emploi.

 

7/ Taxer les contrats courts

Si les droits des chômeurs qui cumulent emploi et chômage pourraient être réduits, le gouvernement entend également mettre à contribution les employeurs. Faute d’accord entre les partenaires sociaux, la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit que l’exécutif puisse mettre en place par décret un système de bonus-malus sur les contrats courts. Les cotisations des entreprises seraient modulées à la hausse si elles multiplient les ruptures de contrats, et à la baisse si elles favorisent les CDI. Les modalités d’application restant à définir (quel indicateur choisir pour comparer les entreprises entre elles et comment prendre en compte le caractère saisonnier de certains secteurs d’activité).

 

Pour l’heure, la taxation des contrats courts est entre les mains des partenaires sociaux. C’est le récif contre lequel se sont échouées toutes les négociations sur l’assurance chômage. Le patronat a toujours été vent debout contre cette mesure qu’il juge punitive pour l’emploi, les employeurs étant découragés de recruter. Or les contrats courts et la permittence (voir point 6), qui ne cessent d’augmenter, grèvent les finances de l’Unédic. Les CDD lui coûtent plus de 5 milliards d’euros par an alors que les CDI dégagent 10 milliards d’excédents.

 

Mais surtout, la taxation des contrats courts qui peut prendre plusieurs formes (et pencher davantage vers la carotte que vers le bâton grâce à une cotisation dégressive par exemple) pourrait enfin inciter les employeurs à ne plus privilégier les courtes séquences d’emploi entrecoupées de périodes de chômage. Une façon de favoriser le retour à l’emploi de personnes qui aspirent à davantage d’emplois stables et de qualité…

 

source : ALTERNATIVES ECONOMIQUES N°382 - 09/2018

 



19/09/2018
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